Création d’une Web TV pour les membres de l’AES : une stratégie de communication insuffisante

Dans un contexte de guerre informationnelle croissante, les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) – le Burkina Faso, le Mali, et le Niger – ont annoncé la création d’une Web TV.

Cette initiative vise à offrir aux populations locales une source d’information officielle, marquant ainsi le premier anniversaire de l’AES, prévu pour le 16 septembre prochain. Cependant, cette stratégie de communication semble soulever de nombreuses questions quant à son efficacité pour répondre aux défis contemporains de la région sahélo-saharienne.

Pour Alexis Kalambry, directeur de publication du Mali Tribune, cette initiative était prévisible. Selon lui, les États membres de l’AES ont toujours été particulièrement sensibles à l’image qu’ils renvoient sur la scène internationale, notamment face aux critiques des médias étrangers. Il estime que la création de cette Web TV s’inscrit dans une logique de contrôle et de diffusion d’informations propres à l’AES, en réponse à une communication jugée parfois hostile de l’étranger.

« Les États de l’AES ont toujours été à l’affût des informations les concernant, et ont réagi fortement contre les médias qui ne les soutiennent pas. Au Mali, par exemple, le régime de transition n’a pas hésité à sanctionner plusieurs chaînes de télévision et stations de radio. Le lancement d’une Web TV était donc une décision prévisible pour maîtriser le discours médiatique », explique Alexis Kalambry.

Sékou Tangara, directeur de l’information à Africable Télévision, abonde dans le même sens, en soulignant que les autorités du Burkina Faso, du Mali, et du Niger ont toujours perçu leurs pays comme étant les cibles d’une guerre de l’information orchestrée depuis l’étranger, notamment Paris. L’interdiction de médias comme RFI, France 24 ou, plus récemment, LCI au Mali, s’inscrit dans cette dynamique. Tangara pose toutefois des questions sur le format et l’efficacité de cette nouvelle plateforme médiatique : « De quel type de média l’AES allait-elle se doter, et dans quel délai verrait-elle le jour ? »

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Sur le plan stratégique, la création de cette Web TV témoigne d’une volonté de l’AES de renforcer sa souveraineté en matière de communication, tout en consolidant la résilience de ses populations face aux influences extérieures. Cependant, pour M. Tangara, cette démarche ne suffit pas à répondre aux véritables enjeux sécuritaires de la région. « La communication ne peut pas pallier l’absence d’actions sur le terrain. La Web TV peut certes être un outil pour maintenir le moral de la troupe et contrer la guerre de l’information, mais elle ne pourra jamais remplacer les opérations militaires nécessaires pour assurer la sécurité. »

Alexis Kalambry partage cet avis. Selon lui, la création de cette Web TV est un bon début, mais reste insuffisante. « C’est une initiative louable, mais elle ne peut pas être la réponse sécuritaire ultime. Les États de l’AES doivent investir dans des canaux d’information plus robustes pour atteindre efficacement leurs populations. La Web TV est un outil, mais elle n’est peut-être pas la solution la plus adaptée pour faire face aux menaces qui pèsent sur la région. »

Les deux analystes soulignent que, malgré les efforts déployés pour contrôler la communication au sein de l’AES, les médias occidentaux continuent de jouer un rôle important dans la perception internationale des pays membres. La récente suspension de LCI par la Haute Autorité de la Communication du Mali, et les appels pour que d’autres pays de l’AES emboîtent le pas, montrent que les gouvernements de la région cherchent à se déconnecter de ces sources d’information externes. Pourtant, comme le note Kalambry, « même si certaines positions ont pu éloigner une partie des populations de ces médias, les autorités restent vigilantes à ce qui se dit à l’international. »

En définitive, bien que la Web TV soit perçue comme un outil stratégique pour améliorer la communication interne et externe des membres de l’AES, des questions persistent sur son impact réel. La sécurité régionale ne peut être assurée par la seule communication. La capacité de l’AES à gérer efficacement ses ressources naturelles et à promouvoir une véritable intégration économique demeure un défi crucial à relever.

En espérant que cette nouvelle stratégie médiatique permette à l’Alliance des États du Sahel de renforcer son influence sur la scène internationale, il reste à voir si elle pourra répondre aux attentes des populations locales tout en s’imposant comme un acteur incontournable dans la stabilisation et le développement de la région sahélo-saharienne.

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