Crue du fleuve Sénégal : la responsabilité du nouveau gouvernement à l’épreuve

Crue du fleuve Sénégal : la responsabilité du nouveau gouvernement à l’épreuve

Cultures et constructions dans une large région du pays, tous ravagés par la crue du fleuve Sénégal. Près de 56 000 personnes ont perdu leurs maisons et leurs terres, selon un bilan officiel donné le 31 octobre et toujours provisoire. Des centaines de milliers d’hectares ont été recouverts par les eaux et le sont encore.

Sous l’abri de fortune qui l’accueille depuis que les inondations ont ravagé son village, Khardiatou Sy se sent abandonnée par le gouvernement une semaine avant les élections parlementaires.

Cette Sénégalaise de 28 ans fait partie des milliers de personnes déplacées dans l’est et le nord du pays par la crue du fleuve Sénégal à la suite de pluies torrentielles. Sa maison de Bely Dialo, dans la région de Matam, est réduite à l’état de ruine. De vastes étendues de terres ont été submergées et le gagne-pain des nombreux cultivateurs anéanti.

« Si ton champ est détruit, tu n’as pas de quoi te nourrir », dit-elle. La localité vivait du riz, les habitants essaient désormais de pêcher.

Le Sénégal et l’Afrique de l’ouest sont soumis presque chaque année à des débordements pendant la saison des pluies. Le gouvernement installé en avril après la victoire éclatante du duo Bassirou Diomaye Faye-Ousmane Sonko à la présidentielle savait devoir gérer cette urgence en plus des autres, coût de la vie, chômage, émigration clandestine, dette…

Cependant, les inondations ont pris des proportions exceptionnelles en Afrique occidentale et centrale, ajoutant à la charge gouvernementale en période préélectorale. La sidération et l’abandon semblent rester le sentiment le plus partagé sur cette bande de terre frontalière de la Mauritanie et du Mali. À quelques semaines des législatives qui sont convoquées le 17 novembre parce que le président Faye avait dissous avant terme un Parlement élu en 2022 et encore dominé par l’ancienne majorité. Des élections qui diront si, huit mois après, les Sénégalais accordent encore leur confiance au président Faye et surtout au Premier ministre Sonko, et leur octroient la majorité qui leur simplifierait la tâche, ou si, au contraire, l’heure de sanctionner est déjà venue.

Les dernières années ont été éprouvantes pour un pays pauvre et une population dont la moitié a moins de 19 ans et dont une grande partie se bat au quotidien pour joindre les deux bouts.

L’opposition fait campagne en reprochant à M. Sonko de trop parler et pas assez agir. Le gouvernement invoque la difficulté de la situation qu’il a trouvée en arrivant. Les avis sont partagés dans la région rurale de Matam, fief de l’ancienne majorité, y compris sur la réponse apportée par le gouvernement à la calamité naturelle.

« On n’a pas vu la présence de l’Etat », dit Khardiatou Sy. Les 30 familles de son village vivent sous des tentes depuis presque un mois, dit-elle.

Le président Faye s’est rendu en personne dans les zones touchées. Le gouvernement a alloué 8 milliards de francs CFA (13 millions de dollars) d’aide. Aucune rancoeur apparente à l’encontre du gouvernement quand la campagne amène à Matam le cortège du Premier ministre, tête de liste de son parti, le Pastef. Au contraire, le tohu-bohu des vuvuzelas et les chants entonnés par des milliers de personnes à la gloire de MM. Sonko et Faye remplissent l’air du soir, écho à l’enthousiasme des foules quand les deux hommes étaient sortis de prison dix jours avant la présidentielle.

« La région de Matam est la plus pauvre. C’est pour ça que nous voulions voter Pastef, pour que la région change », dit dans l’affluence Aby Sow, 31 ans.

« Nous les jeunes, on veut travailler, il y a tellement de jeunes qui sont morts dans les bateaux », dit-elle. Le Sénégal est l’un des principaux points de départ des milliers de migrants qui essaient de rallier l’Europe en pirogues via l’Atlantique chaque année. Des milliers de personnes ont trouvé la mort sur le trajet. Moins d’un cinquième de la population en âge de travailler avait un emploi salarié dans la région de Matam en 2021, selon l’agence nationale de la statistique. C’est le pire taux du pays. MM. Faye et Sonko ont été portés au pouvoir par la promesse de la rupture et de la justice sociale. Un plan de développement à 25 ans présenté mi-octobre prévoit de faire de la région de Matam un pôle de transformation du phosphate en fertilisant.

« On ne dira plus que toute la jeunesse matamoise va à Dakar ou essaie de quitter le pays. Les choses se transformeront ici », assure M. Sonko. Dix mille emplois directs verront le jour, dit-il.

Ces promesses n’ont pas atteint les oreilles de tous les électeurs sur le marché animé de Matam. Houley Kone, 50 ans, se plaint que les prix augmentent et que la vie est devenue plus dure. Elle vend du grain pour les bêtes. Comme d’autres, sa grande préoccupation, c’est que le gouvernement crée des emplois pour les jeunes. « Les enfants n’ont pas de travail, ils restent à la maison, souvent ils sont dans les champs »,dit-elle.

« Pour nous, le gouvernement n’existe même pas ».

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