Après plus d’un demi siècle de colonisation, la Guinée a retrouvé son indépendance le 02 octobre 1958. De cette date à ce 02 octobre 2024, la République de Guinée a pleinement et fièrement assumé sa souveraineté nationale et populaire.
D’abord, elle s’est toujours dotée de ses propres constitutions à travers des voies variées. Ce qui fait qu’elle compte aujourd’hui 5 constitutions et une charte de transition, à son actif à savoir celles de: 10 novembre 1958 (adoptée par l’Assemblée nationales à l’unanimité à travers la Loi N°4/AN/58, promulguée par l’ordonnance N°15), 14 mai 1982, 23 décembre 1990, 07 mai 2010, 14 avril 2020 et 27 septembre 2021.
La Guinée a parfois fait recours au référendum dont entre autres: celles du 28 septembre 1958, celle du 11 novembre 2001 et celle du 22 mars 2020.
Depuis le 05 septembre 2021, la République de Guinée est rentrée dans un nouveau cycle de transition politique. Cet évènement a provoqué la caducité de l’ordre juridique existant et rendu nécessaire la mise en place d’un nouvel ordre juridique sous la bannière de la refondation.
Le référendum constitutionnel ou constituant est un scrutin au cours du quel les citoyen approuvent ou rejettent un projet de constitution ou de révision constitutionnel.
La constitution est l’ensemble des règles juridiques relatives, d’une part, à la dévolution et à l’exercice du pouvoir politique dans l’Etat, et d’autre part, aux rapports entre les les gouvernants et les gouvernés.
Le choix de ce thème se justifie par le fait que l’article 57 al 1 de la charte de la transition indique clairement que l’un des rôles du CNT est « d’élaborer et soumettre pour adoption, par référendum, le projet de constitution ».
Ce référendum doit être un évènement qui va sonner le glas de la transition dans laquelle la Guinée s’est engagée depuis le 05 septembre 2021.
Il devrait permettre à la Guinée de se doter des nouvelles institutions qui peuvent se révéler fortes ou faibles.
Il doit tracer la voie de la paix et de la stabilité institutionnelle que la Guinée, notre plus grand bien commun, recherche depuis plus de 60 ans.
Alors qu’est-ce qui justifie le recours au référendum dans le cadre d’une transition?
Nous essayerons de répondre à cette question en mettant un accent sur les fondements (I) et les implications (II) du recours au référendum.
A. Les fondements du recours au référendum
Nous allons mettre l’accent sur deux (2): la souveraineté populaire (A) et la démocratie citoyenne (B).
B. L’exercice de la souveraineté populaire à travers le référendum
Le Doyen Léon DUGUIT, un éminent Professeur de droit disait souvent qu’il n’a jamais déjeuné avec l’Etat. Il voulait tout simplement dire que l’Etat n’est pas un être physique mais, au contraire, une personne morale.
En tant que telle, il ne peut agir que par l’intermédiaire de ses organes constitués et c’est par le canal de la constitution que ce pouvoir de l’Etat passe de son détenteur originaire, qui est le peuple souverain, à ses détenteurs provisoires qui sont les gouvernants.
La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exercice lui-même ou par l’intermédiaire de ses représentants.
La souveraineté qui est l’essence de l’Etat appartient au peuple qui l’exercice directement ou indirectement sous couvert de la démocratie.
- L’expression de la démocratie directe
La démocratie, « Pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple», est en principe directe, même si elle peut prendre la forme indirecte aussi.
Dans cette première forme (directe), c’est le peuple qui exerce son pouvoir en se décidant comme c’est le cas du référendum. Il se prononce sur une question ou sur un texte avec OUI ou NON. Une fois que le Oui l’emporte, le texte s’applique à tous. Mais si le NON l’emporte, le texte ou la question est rejeté.
Le référendum confère alors à ce texte le seau de la légitimité démocratique et produit des effet que nous allons développer dans la deuxième partie qui suit.
- Les implications du recours au référendum
Elles sont entre autres: l’enjeu de la détermination de l’avenir de la nation (A) et celui de la construction d’un nouveau modèle d’Etat (B).
- La détermination de l’avenir de la nation
La constitution, en tant que norme suprême, détermine l’avenir de la nation. C’est un pacte politique et sociale entre les gouvernants et le gouvernés, d’une part, et entre les peuples, d’autre part. C’est la constitution qui déterminera ce qui doit être la nation guinéenne dans les années à venir. Ce, sans limite en terme de temps. Pas pour 5 ans, 10 ans, 20 ans mais jusqu’à ce que ce même peuple décide un jour de la changer ou la modifier. C’est par le référendum aussi qu’un peuple se dote d’un nouveau modèle d’Etat.
- La construction d’un nouveau modèle d’Etat
Quel type d’Etat voulons nous? Voici la question à laquelle la constitution doit répondre. Une République, un Royaume, un Etat unitaire, un Etat fédéral, un Etat de droit, un Etat démocratique ou un Etat de dictature ? Tout dépendra de ce qui la constitution nous revelera.
Une fois adoptée, la nouvelle constitution s’imposera à ceux qui l’ont voté et même à ceux qui ne l’on pas voté. Le Président de la République doit se référer à elle pour prendre son décret, le Parlement tiendra compte de la constitution pour adopter les lois, le juge se conformera à la constitution pour juger les citoyens et ces derniers se soumettra à elle dans ses agissements.
Au delà de tout, le le référendum est une tribune d’expression du peuple, à conditions que les électeurs votent avec conscience, que le processus soit transparent et que les résultats soient sincères. C’est à ce prix que le référendum, en tant qu’un droit démocratique et un devoir citoyen, aura tout son sens.
Abdourahamane DIALLO
Juriste Docteur en Droit public
Enseignant-chercheur à la FSJP de l’UGL-SC