Au Sénégal : Ousmane Sonko sauvé de la destitution de son gouvernement

Après le rejet lundi (03.09.2024) de l’Assemblée nationale du projet de loi portant suppression du conseil économique social et environnemental (CESE) et du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT), le groupe parlementaire Benno Book Yakaar majoritaire au Parlement avait brandi une motion de censure contre le gouvernement d’Ousmane Sonko.

Ce mécanisme permet à l’Assemblée nationale d’exprimer sa désapprobation envers la politique du gouvernement et de forcer ce dernier à démissionner. Cependant, le Président de la République, en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 84 de la Constitution, a convoqué l’institution en session extraordinaire par décret n°2024-1880 en date du 4 septembre 2024.

Cette session extraordinaire a placé la déclaration de politique générale du Premier ministre en dernier recours. Certains observateurs y voient, pour Bassirou Diomaye Faye, un moyen de protéger le projet de dissolution de l’Assemblée nationale par une stratégie de dilatation. Cela permettrait d’éviter les risques de destitution du gouvernement via la motion de censure. Il est important de rappeler que l’Assemblée nationale peut être dissoute à partir du 12 septembre, mais la session extraordinaire pourrait s’étendre jusqu’au 19 septembre. Cette dissolution entraînerait l’interruption des travaux parlementaires et rendrait caducs les projets de loi en cours d’examen, y compris la déclaration de politique générale qui a été reléguée à la dernière position de l’ordre du jour.

Une prérogative dont dispose le président de la République pour faire déjouer cette motion de censure, selon Mouhamadou Mbodj, doctorant en droit public à l’université de Reims.
Celui-ci explique que l’Assemblée nationale peut être réunie en session extraordinaire à la demande écrite de plus de la moitié des députés ou sur décision du président de la République, conformément à l’article 63 de la constitution du 21 janvier 2001.

Mieux, il (NDLR : le président) peut librement décider de la priorité de l’ordre du jour sur les autres points objets de débat au sein de l’hémicycle, explique l‘expert des questions juridiques.

Une stratégie politique orthodoxe 

Avec ces dispositions constitutionnelles, le président de la République et le Premier ministre disposent à leur demande de l’inscription par priorité des projets, propositions de loi et sur la déclaration de politique générale. Mais cela veut-il dire que la motion de censure déposée par l’opposition parlementaire soit suspendue jusqu’à la clôture de la session extraordinaire

Cet autre professeur de droit public à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, estime que l’ordre de priorité dans la procédure parlementaire est une interrogation qui ne saurait trouver sa réponse que dans la compréhension de la configuration du régime politique.

Meissa Diakhaté déclare « que même si les députés de la majorité parlementaire maintiennent leur décision de déposer une motion de censure, il n’en demeure pas moins que le président de la République détient la pleine priorité dans l’ordonnancement des points inscrits à l’ordre du jour ».

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Meissa Diakhaté précise par ailleurs que „la priorité exclusive se manifeste aussi en matière de fixation de la date en ce qui concerne l’exercice appelé Déclaration de politique générale. En la matière, l’Exécutif est seul habilité au sens de l’article 97 du règlement intérieur. Aux termes dudit article, l’Assemblée nationale doit être informée huit jours au moins avant la date retenue. En termes plus clairs, le Président de la République détient la prérogative de retenir la date et d’en informer les députés.“

Le juriste Mouhamadou Mbodj, rappelle, cependant, que l’article 86 de la Constitution qui dispose que le vote de la motion de censure ne peut intervenir que deux jours francs après son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale. Le pouvoir constituant exige seulement le respect de ce délai minimum et ne fixe aucunement un délai maximum d’intervention de la motion de censure, dit-il.

« C’est en bon droit que le décret convoquant l’Assemblée nationale à une session extraordinaire et mettant en priorité l’ordre du jour au détriment de la motion de censure a été pris, même si ses effets relèvent à tort ou à raison d’une stratégie politique selon le doctorant. »

La tenue de la déclaration de politique générale sujette à controverse est qualifiée en droit, selon Meissa Diakhaté « d’acte de volonté pour dire que c’est une action, une démarche faite uniquement pour prouver l’intérêt que l’on prend à quelqu’un ou à quelque chose.“

Elle symbolise l’engagement du Président ou du Premier ministre envers l’institution parlementaire, et l’Assemblée nationale doit s’abstenir de « convoquer » l’Exécutif pour cette déclaration.

L’enseignant rappelle des circonstances similaires de désaccord sur un ordre du jour qui avaient conduit à la crise de décembre 1962. Cette réalité historique devrait inciter les députés à éviter de se dire « je n’ai qu’une parole, mais je n’ai pas de mémoire ».

Dissolution de l’Assemblée : une éventualité grandissante

Pour lui, cette priorité accordée à l’Exécutif ne supprime pas le droit des députés à exercer leur fonction de contrôle. Cependant, cela doit se faire dans les conditions prévues par les textes fondamentaux. Par ailleurs, la dissolution de la 14e législature, plébiscitée par certains, devient aujourd’hui une possibilité de plus en plus concrète.

La session extraordinaire constitue un contre-feu neutralisant la motion de censure, selon Mouhamadou Mbodj, qui estime que l’Assemblée nationale sera probablement dissoute avant que les autres points de l’ordre du jour, y compris la déclaration de politique générale, ne soient abordés.

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