« Il est temps de repenser ces institutions onusiennes qui ne remplissent plus leurs rôles primaires mais jouent avec les millions de vies des populations », Kotto Petit Delphin (Coscipac).


Les décisions controversées de Donald Trump prises dernièrement dont l’arrêt des financements pour un certain nombre de pays étrangers ont paradoxalement reçu des félicitations. La coordination des Organisations de la Société civile pour la Paix et la Justice en Afrique Centrale (Coscipac) en Centrafrique a dans un communiqué publié ce 24 février 2025 adressé de vifs applaudissements à l’endroit de l’administration du président américain pour ces mesures prises à l’endroit de « dirigeants africains et voyous »peut-on lire dans leur communiqué.

Son coordonnateur national  Kotto Petit Delphin est d’avis que la République Centrafricaine (RCA) est au bord du gouffre du fait d’une gouvernance défaillante avec à la tête un président qui met en avant des intérêts autres que celles du peuple. Il répond aux questions de la rédaction de lesnouvellesdafrique.info.

Lesnouvellesdafrique.info (LNA) : Dans votre communiqué publié ce 24 février, votre organisation a adressé des félicitations au président américain Donald Trump pour ces mesures très contestées prises à l’endroit de nombreux pays du monde, notamment le gel de l’aide américaine. La Coscipac applaudit et fait partie des rares organisations qui approuvent ces décisions qui impactent surtout les pays africains, de grands bénéficiaires de cette aide, alors que d’autres l’ont fortement décriée. Comment comprendre cette réaction de votre part ?

COSCIPAC : Tout d’abord, il est important de situer le contexte de la question. Le constat que l’on peut faire aujourd’hui en Afrique, c’est qu’il y a un réel recul en matière de démocratie et de bonne gouvernance dans nos États. Qu’est-ce qui peut justifier cette situation, sinon la boulimie d’un groupe restreint de personnes qui prennent tout un peuple en otage ?
Et c’est bien le cas en République centrafricaine, où, pour des intérêts purement égoïstes, le président a vendu le pays à de soi-disant alliés qui, au nom de la sécurité, se permettent de piller nos ressources naturelles, tandis que le peuple croupit dans une extrême pauvreté. Plus de 70 % de la population peine à avoir un repas par jour, selon le récent rapport de l’Institut Centrafricain de Statistiques. C’est inacceptable !

LNA : Vous apparentez dans votre texte les mesures du président américain comme des « sanctions » allant jusqu’à dire qu’il s’agit d’une réponse parfaite face à de mauvaises pratiques de gouvernance de certains dirigeants africains « véreux et voyous ». N’est-ce pas exagéré ?

COSCIPAC : Qui pour écouter les cris de ces peuples meurtris par ces dirigeants bandits ? Le constat que nous faisons aujourd’hui est que les institutions financières internationales savent pertinemment que les prêts et dons alloués à certains États finissent dans les poches de leurs dirigeants. Mais elles continuent de donner sans exiger des comptes. En retour, nos enfants et les générations futures devront rembourser ces prêts qui, en réalité, ne nous ont pas apporté de bénéfices tangibles.
L’administration Trump a affirmé qu’il est hors de question de continuer à verser des millions de dollars à ces États. Pourquoi ne pas applaudir cette position quand nous savons que ces fonds ne nous apportent ni eau potable, ni électricité, encore moins des infrastructures routières ? Il vaudrait mieux couper ces fonds afin de préserver les générations futures des lourdes dettes qui ne servent à rien.

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LNA : Vous avez nommément cité la gestion du président de la RCA Faustin-Archange Touadera. Que lui reprochez-vous ?

COSCIPAC : Touadéra totalise presque 15 ans à l’exécutif, d’abord en tant que Premier ministre sous François Bozizé, puis comme président actuel. Cela montre qu’il connaît bien les problèmes du pays et devrait théoriquement être le mieux placé pour y apporter des solutions adéquates. Mais si l’on fait le bilan, la République centrafricaine est pratiquement dernière en termes d’indices de développement humain en Afrique. Pour un territoire de 623 000 km², le pays ne dispose même pas de 1 000 km de routes bitumées. 70 % de la population souffre de la faim, et moins de 20 % ont accès à l’eau potable et à l’électricité. En revanche, plus de 200 tonnes d’or sont exportées chaque année, mais quels impacts réels pour le pays ? Face à cette situation alarmante, malgré l’ampleur des défis, le président Touadéra ambitionne de briguer un troisième mandat de sept (07) ans. Cela soulève une question fondamentale : est-ce vraiment dans l’intérêt du peuple centrafricain de poursuivre dans cette direction ? Ou sommes-nous en train de plonger davantage dans l’abîme, là où les promesses de progrès restent vaines ?

LNA : La Coscipac encourage l’administration Trump à un blocage des comptes bancaires de dirigeants « corrompus » et l’arrêt des financements des missions de maintien de paix. Ne pensez-vous pas que ce serait une manière pour votre pays de courber l’échine face à la situation précaire que vous décrivez ?

COSCIPAC : La vérité, c’est que ces missions onusiennes semblent davantage entretenir les conflits pour pouvoir rester en place. Le cas de la RDC en est un exemple flagrant. Depuis des décennies, quand on était enfant, on entendait parler de MONUSCO. Que font les casques bleus pour empêcher le M23 de prendre Goma, alors qu’ils sont bien présents dans la zone ?
On nous dit qu’ils sont là pour la protection des civils, mais combien de civils ont été violés, tués ou déplacés sous leur surveillance ? Leur présence semble avoir peu d’impact sur l’amélioration de la situation sur le terrain.
Pourquoi ne pas essayer une autre approche ? Arrêtons ces missions de maintien de la paix et voyons si les conflits persisteront. Ensuite, si nécessaire, nous pourrons revenir au point de départ, peut-être avec des solutions plus efficaces et adaptées.
Il faut repenser ces institutions onusiennes, qui pour nous ne jouent plus le rôle primaire et jouent avec les millions de vies des populations.

LNA : Pourquoi vous vous en êtes pris aussi à l’ONU qui, à travers la Minusca, assure son rôle de maintien de paix et de sécurité en la défense des droits humains dans le monde ?

Coscipac : nous avons une expérience avec les missions de paix africaines, sous-régionales et onusiennes depuis des décennies. Mais quels sont les résultats concrets sur le terrain ? Chaque 10 ans les mêmes conflits se reproduisent.
On a l’impression que nos dirigeants ont sous-traité la question de la sécurité nationale à ces forces étrangères, faisant moins d’efforts pour équiper nos soldats afin qu’ils assument cette mission qui leur revient. Dites-moi, dans quel pays du monde les casques bleus ont-ils ramené la paix ?
En tout cas, en RCA, les représentants de l’ONU au sein de la MINUSCA sont proches du pouvoir en place et se servent de leur statut pour piller les ressources du pays. Madame Rugwabiza est un valet du Rwanda, aidant Touadera à s’éterniser au pouvoir au-delà de son mandat constitutionnel.

LNA : Vous exigez le départ de Wagner de la RCA qui constitue un « outil d’oppression et de déstabilisation du peuple centrafricain ». Mais à part cet appel que faites-vous pour cela ?

COSCIPAC : Les mercenaires de Wagner apportent peu à la République Centrafricaine, mais en emportent beaucoup. Si vous observez bien, Wagner est en RCA principalement pour sécuriser le fauteuil présidentiel de Touadera. Ce sont les éléments de Wagner qui pillent nos villages, sans aucun respect pour les droits de l’homme. Le pouvoir de Touadera et de ses alliés a tellement terrorisé la population que les Centrafricains ne peuvent même pas sortir dans les rues pour manifester leur colère, à l’exception de ceux qui marchent pour soutenir le pouvoir et son désir d’un troisième mandat. L’opposition est muselée, tout comme la société civile. Les manœuvres de cette dernière sont réduites à néant. Toutefois, nous n’allons pas abandonner. Nous continuons de sensibiliser la population, dans l’espoir que la révolution viendra d’elle.

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