En lieu en place de leurs versements de soldes, des tirailleurs sénégalais originaires de toute l’Afrique subsaharienne francophone trouvèrent la mort dans le camp militaire de Thiaroye à Dakar le 1er décembre 1944. C’est seulement 80 années après ce douloureux événement que la France accusée de ce crime de masse vient de reconnaître le « massacre ».
L’historien et anthropologue Mansour Aw dans cet entretien accordé à votre site lesnouvellesdafrique.info est d’avis que la critique du temps et la marche de l’histoire, les meilleures données, ont fini par conduire la France a passer à l’aveu.
La France reconnaît avoir commis un crime de masse à Thiaroye en 1944
Huit décennies après c’est la marche de l’histoire qui a conduit à cette reconnaissance de la France. Pour Mansour Aw la critique du temps est une donnée extrêmement importante contre les dissimulations les plus enfouies.
Selon l’historien, tout ce beau monde que constituent la société civile française, les partis politiques de gauche en France, la diaspora africaine ont contribué en synergie à amener la France à reconnaître ce massacre. D’autant plus que l’ancien président français François Hollande il y a dix ans de cela en avait parlé et ramené des archives.
Aujourd’hui que la jeunesse africaine remet en cause les relations avec la France, les mémoires sont encore vivaces, les archives présentes surtout à une période où le continent africain est en renaissance. Il faut dire que la France ne peut plus continuer à faire la sourde oreille face à une jeunesse africaine consciente s’est t’il exprimé.
Au Sénégal, il faut dire récemment aussi, que les actuels dirigeants ont été amenés face à une génération nouvelle de dirigeants politiques à devoir se positionner par rapport à ces questions d’enjeu pour une construction nationale, patriotique et panafricaine. C’est tout un ensemble de facteurs qui fait que la France a eu les mains liés.
Que sont devenues les archives que François Hollande avait remis au Sénégal ?
La question a suscité un débat passionnant pour l’anthropologue qui dit avoir travaillé dans la sous commission du comité chargé de la commémoration des 80 ans du massacre de Thiaroye. Mais, il n’y a jamais eu de réponses affirme l’écrivain.
Jusqu’ici la direction des archives nationales avait répertorié et présenté un ensemble de documents en lien avec ces archives. « Mais les archives au Sénégal sont très maltraitées, les conditions d’accessibilité semblent très difficiles pour les chercheurs et historiens que nous sommes » , avoue M. Aw. Donc il semblerait qu’elles (les archives) soient disponibles mais que des mesures pratiques non prises empêchent au public d’y accéder. Il ajoute toutefois que tout n’est pas là et que tout ne sera pas là.
Sources dispersées sur Thiaroye 44
Elles sont nombreuses mais éparpillées de part et d’autre à l’étranger parce présentes en Espagne, en France, en Angleterre, au Portugal, en Hollande. Ce qui indique d’énormes moyens à y consacrer pour vouloir y travailler. Comprenons par là (voyages, frais de séjour incluant une prise en charge personnelle). Ensuite, ces archives sont des masses colossales de documents qui exigent un travail d’équipe, des relais sur plusieurs générations selon l’anthropologue qui explique que chercheurs, universitaires et intellectuels africains doivent le savoir ainsi que les autorités. Ces dernières ne doivent ignorer ces paramètres pour les mettre dans les conditions idoines afin d’effectuer le travail. Toutefois, la grande sensibilisation des autorités locales sur la question est un pas en avant allant dans ce sens pour M. Aw.
Le triomphe de la vérité sur Thiaroye 1844 finira t’elle par avoir lieu ?
Pour cette histoire, difficile sera d’en avoir le cœur net estime l’historien. La dispersion des archives retraçant l’histoire en est une des principales causes. Surtout qu’elle est devenue une question politique majeure, la France va sans doute dissimuler les documents estime t’il.
Le doute plane encore sur le nombre de tirailleurs morts
La lumière sur cette question peut évidemment se faire mais elle est aussi compliquée.
Comment ? D’après l’historien, creuser, localiser les tombes où ces derniers sont enterrés en grand nombre est un travail qui permettrait de le savoir.
Aussi la police scientifique internationale peut jouer un grand rôle à travers les calculs et éléments de référence pouvant aboutir à un chiffre qui ferait définitivement la lumière sur le nombre exact. (La France a avancé tellement de chiffres: de 11, 15, 30 pour en arriver à 70).
Pour Mansour Aw, elle n’est pas constante dans ces données.
Quelle réclamation pour les tirailleurs sénégalais dans cette histoire ?
C’est là que réside toute la question. Comme la France a reconnu sa responsabilité dans les violences faites au Maroc, en Algérie, au Rwanda, les autorités sénégalaises doivent exiger que celle-ci opère également des réparations.
Il faut se demander ce qu’est devenu tout cet argent mobilisé durant toute cette période ?
Si l’on parle du développement de l’Afrique, ce que les esclavagistes ont pris au continent pendant 300 ans, ajouté à ce que les financiers internationaux apportent en Afrique , il y a lieu d’arracher des actions importantes qui peuvent recadrer une redonne historique de la finance internationale conclut l’anthropologue.