Regard sur la campagne médiatique du journal français Mediapart contre Mahamat Idriss Déby Itno

En date du 23 août 2024, le journal d’information numérique Mediapart a publié un article intitulé « Enquête française qui fait trembler le Tchad », signé des journalistes Fabrice Arfi et Antton Rouget.
Cette enquête du parquet national financier (PNF), affirment-ils, « déclenchée après les révélations de Mediapart sur le million d’euros dépensé à Paris par le président tchadien pour l’achat de costumes de luxe (…) s’intéresse désormais au patrimoine immobilier de sa famille en France. Celui-ci a été évalué à au moins 30 millions d’euros ».
Cet article de presse, abondamment relayé dans de nombreux médias, quelquefois par des interviews de leurs auteurs à leurs confrères sur des antennes à très forte audience, aurait pu laisser indifférent, s’il n’était pas sans receler de graves entorses de forme et de fond à la déontologie journalistique, qui nous obligent à questionner les motivations profondes de leurs auteurs, voire des officines qui passent pour leurs sources d’information.
Sur la forme
Tout lecteur exigeant et critique ne peut manquer de s’interroger sur l’opportunité du titre de cet article : « L’enquête qui fait trembler le Tchad », ainsi que sur les intentions de leurs auteurs ! Ce titre, volontairement racoleur et vulgairement accrocheur, est visiblement choisi à dessein pour donner l’impression que non seulement l’État tchadien serait proche de l’implosion du fait de cette « enquête », mais aussi que les mis en cause se reconnaissent d’ores et déjà coupables des faits allégués, alors qu’il ne s’agirait encore que d’une « enquête », à mille lieues d’une information judiciaire, d’une mise en examen, moins encore d’un renvoi devant les tribunaux. L’option scripturale de l’écrire en caractères gras participe également de cette volonté d’insinuation malveillante et de discrédit.
Le chapeau de cet article est tout aussi questionnable que son titre, on y apprend que c’est toute une famille qui fait l’objet d’une « enquête », depuis deux décennies, exactement depuis 24 ans ! Tout journaliste d’investigation digne de ce nom, soucieux d’impartialité, devrait spontanément se poser la question de savoir pourquoi une « enquête » ratisse aussi large au point de braquer ses projecteurs sur toute une famille ! C’est à croire qu’elle finirait par s’étendre à ses animaux de compagnie, voire à son bétail domestique.
A en croire le titre pompeux et inquisitoire c’est tout achat immobilier d’une famille très largement définie qui est mis en cause à partir des années 2000, date à laquelle le chef de l’Etat actuel n’avait que 16 ans !!!

 

Preuve est ainsi faite qu’il y’a dans un tel procédé, non seulement une volonté d’incriminer, mais surtout de salir à tout prix et par tous les moyens possibles.
Où a-t-on jamais vu une enquête étendue à toute une famille, pis encore, au point de convoquer de prétendus délits qui remonteraient à 24 ans ?
Et comme par enchantement, une enquête sur la garde-robe d’un chef d’État s’étend, à quelques jours d’intervalle seulement, au patrimoine immobilier supposé de sa famille tout entière !
Pour les auteurs de cet article comme pour leurs éventuels commanditaires, ils ont bien conscience qu’il suffit de répandre le poison du soupçon pour couvrir de discrédit et d’opprobre sa cible, parce qu’il en restera toujours quelque chose.
Toutefois, comme l’écrivait fort opportunément Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes : « Quand les gens se montrent pleins de soupçons à votre égard, on se met à être soupçonneux envers eux ».
Il y’a par ailleurs lieu de s’appesantir pour s’en indigner, au sujet des méthodes de traitement et d’amplification de cette « information » par les journalistes de Mediapart. Alors que nulle part dans cet article, il n’est ni cité, encore moins prouvé un bien mal acquis en France rattaché au président de la République, Mahamat Idriss Déby Itno, leurs titres ont déjà tôt fait de le situer au centre de cette enquête. Ces journalistes de Mediapart, trahissent peut-être par cet empressement à faire du chef de l’État tchadien un présumé coupable, l’intention inavouée que tente de dissimuler la plume précautionneuse des journalistes de Mediapart.
Sur le fond
C’est inédit dans l’histoire des relations internationales, et plus infamant que les pires pratiques de basse police, que de voir les institutions judiciaires d’un État souverain, enquêter sur les dépenses de garde-robes du chef d’État en exercice d’un autre pays souverain, sans que des journalistes ne relèvent ce qu’une telle initiative a de méprisant et de nauséabond. Aucun des nombreux médias français et bien au-delà, qui s’en sont fait l’écho, n’y ont trouvé matière à indignation.
D’où viendrait-il à des médias allemands ou belges, d’enquêter sur la garde-robe du Président Emmanuel Macron, au point de mener des perquisitions chez son maître tailleur ? Mais on peut se l’autoriser pour un chef d’État africain, y compris en exercice.
L’article de Mediapart n’édifie guère de manière exhaustive le lecteur sur le contexte de ces dépenses qui ne relevaient absolument pas d’une initiative du chef de l’État, et bien plus, se garde de révéler que cet ex-conseiller, Abakar Manany pour ne pas le nommer est aujourd’hui exilé… en France. D’ailleurs, le Président Mahamat Deby Itno a rétablit intégralement la vérité dans son ouvrage De Bédouin à Président (VA Editions, Paris, 2024) :
« Cette histoire, vraiment, est un symbole de la manipulation en politique ! Et derrière, on retrouve encore Manany.

 

Je n’ai jamais été un adepte des costumes. Je préfère de loin nos habits traditionnels, surtout en blanc, dans lesquels je me sens tout à fait à l’aise.
Manany, au contraire, en raffole. Quand il était dans mon cabinet, il est venu un jour accompagné de son tailleur, pour me dire que mes tenues traditionnelles…me vieillissaient ! Arguant que je devrais désormais porter des costumes parce que j’étais chef de l’État.
J’ai eu beau refuser, à force d’insister, son tailleur prend grossièrement mes mesures pour me proposer un costume pour les grands événements, notamment lors de mes déplacements à l’étranger, dans les sommets.
Quelques jours plus tard, quelle ne fut pas ma surprise : au lieu d’un costume, que je devais seulement essayer, c’est toute une série de complets que Manany apporte avec son tailleur ! Tous à ma taille… Je les ai portés deux ou trois fois en tout et pour tout, sans savoir comment Manany les avait achetés, ou bien auprès de quelle entreprise il avait négocié de se faire payer la facture. Je n’en savais rien, j’étais mis devant le fait accompli et sincèrement un chef d’Etat avait, je le pensais, mieux à faire que de s’intéresser à ce genre de détails.
Maintenant, vu le tapage médiatique autour de cette affaire, il est évident qu’il a déformé l’histoire à son avantage, ou plutôt à mon désavantage, et que tout cela était probablement calculé, planifié ».
Enfin, le contexte de cette campagne de presse, tout aussi malveillante que malsaine, interroge. Le Tchad, comme tout État souverain, s’ouvre à des opportunités de partenariats diversifiés qui lui permettraient de faire face aux immenses défis de son développement et à ses préoccupations sécuritaires.
Ces orientations ne sont peut-être pas pour plaire à certains acteurs de l’ombre, nostalgiques d’une ère révolue, et qui ne se résolvent pas toujours à voir l’Afrique comme un acteur à part entière sur la scène des relations internationales.
Que Mediapart passe pour le parangon d’une presse libre et indépendante, c’est son droit. Mais nous voudrions bien rappeler à cet organe de presse des extraits de cet article du Monde Diplomatique intitulé Les Couleurs de l’Argent, lequel évoque en mai 2019 la parution de l’ouvrage de l’avocat, pamphlétaire, journaliste, militant des droits humains et homme politique franco-espagnol Juan Branco : « Avocat et journaliste, Juan Branco, au contraire, sait ce qu’il en est des conditions de la guerre idéologique, quand les grands médias sont la coupe d’actionnaires ou d’annonceurs. Son enquête au ton pamphlétaire fait minutieusement le point sur les liens entre les politiques qui se vendent aux financiers sous le regard des journalistes muets – ce qui selon lui, n’exclut pas Mediapart».

 

Source: Journal La Voix

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