« Doumbouya doit partir fin 2024 », insiste Foniké Menguè

Dans un entretien accordé à la rédaction lesnouvellesdafrique.info, le coordinateur national du Front pour la défense de la Constitution (FNDC), Oumar Sylla alias Foniké Menguè, estime que le président de la transition guinéenne, Mamadi Doumbouya, n’a aucune intention de quitter le pouvoir.

Dans cette interview, Foniké Menguè espère par ailleurs que les militaires au pouvoir en Guinée ne feront pareil que Moussa Dadis Camara, aujourd’hui, jugé pour les crimes commis lors du massacre du 28 septembre 2009 dans un stade de Conakry.

 

 

 

lesnouvellesdafrique.info: Bonjour Foniké Menguè

Foniké Menguè: Bonjour

lesnouvellesdafrique.info : En Guinée, les plaidoiries dans le procès du 28 septembre 2009 ont commencé ce lundi à Conakry. C’est la dernière étape avant que le président du tribunal ne prononce les condamnations des présumés coupables parmi lesquels l’ancien président de la transition Moussa Dadis Camara. Pensez-vous que le droit sera dit et que les coupables seront punis à l’issue de ce procès ?

Fonikè Menguè : Merci pour votre question. Je voudrais d’abord souligner que je suis en Allemagne dans le cadre d’une grande festivité organisée par nos camarades. Une organisation qui s’appelle From Axe Event. Vous-même, vous étiez à la conférence et puis au festival également. Vous avez vu combien de fois il est important de regrouper tous ces Guinéens qui sont soucieux de l’avenir de notre pays.

Pour revenir à votre question, ça fait maintenant, je crois, plus de deux ans depuis que le procès du 28 septembre a démarré. On a suivi les explications des accusés et des victimes. Depuis ce lundi, nous sommes dans la phase des plaidoiries. J’espère que le droit sera dit et que les vrais coupables seront condamnés à la hauteur de leur forfaiture. Et ceux qui ne sont pas coupables retrouveront leur liberté.

Mais il faut que je donne une autre opinion par rapport à ce procès. Vous savez, on organise un tel procès pour ne plus que les erreurs du passé se reproduisent. Mais aujourd’hui, le CNRD qui a décidé d’organiser ce procès pour que justice soit rendue, pour que les victimes, les parents des victimes soient rétablis dans leurs droits, il fait la même chose que ce que le CNDD a fait à l’époque de Dadis en 2009.

Aujourd’hui, notre transition, c’est la transition la plus meurtrière de toutes les transitions en cours en Afrique de l’Ouest. Nous sommes à plus de 50 morts dans les manifestations, tout simplement parce que le CNRD a décidé d’interdire systématiquement toutes les manifestations sur toute l’étendue du territoire national.

Donc, chaque fois que les Guinéens ont décidé de sortir dans la rue pour manifester contre un certain nombre de faits, l’armée guinéenne tue. Alors on se pose la question : à quoi bon d’organiser le procès du 28 septembre si toutefois le CNRD au pouvoir est en train de faire la même chose ?

Lesnouvellesdafrique.info : Le pouvoir militaire en place à Conakry depuis septembre 2021 n’a toujours pas communiqué un calendrier électoral débouchant sur la fin de la transition. Avez-vous l’impression que les militaires qui ont renversé Alpha Condé ne veulent pas partir du pouvoir ?

Foniké Menguè : On a en tout cas, aujourd’hui, bon nombre d’observateurs qui ont l’impression que le CNRD veut confisquer le pouvoir. C’est pourquoi des dix points du chronogramme qu’ils ont décliné depuis plus de deux ans, rien n’a été fait. Tout ce que le CNRD cherche à faire, c’est comment confisquer le pouvoir comme l’avait fait Lansana Conté, puisque ce monsieur aussi, il est venu par un coup d’État et il est resté pendant 24 ans de transition. Le CNDD avec Dadis Camara a voulu aussi confisquer le pouvoir.

Aujourd’hui, c’est Mamadi Doumbouya qui tente la même chose alors qu’il a pris des engagements vis-à-vis de la CEDEAO et vis-à-vis du peuple de Guinée également, en disant que la transition finit plus tard, décembre 2024.

Lesnouvellesdafrique.info : pourquoi est-il difficile selon vous de respecter ce chronogramme électoral ?

Fonikè Menguè : On se pose la même question. Sinon, on pense que ce n’est pas compliqué. Une transition n’est pas un mandat. La Guinée vit une transition depuis bientôt trois ans. Mais il se trouve qu’ils veulent rester au pouvoir. C’est la seule explication qu’on peut donner à cela.

Vous avez entendu leur nouveau Premier ministre, M. Bah Oury, qui avait affirmé sur les ondes de la RFI que la transition devrait s’achever en décembre 2024. Maintenant, il parle de 2025.

Et il y a trois jours, il a organisé une conférence de presse au cours de laquelle il a réitéré à peu près les mêmes propos. Donc c’est très décevant de la part de quelqu’un comme Bah Oury qui, autrefois était dans les forces vives.

Lesnouvellesdafrique.info : Dans l’opposition politique…

Foniké Menguè : C’était lui l’organisateur de la manifestation, le 28 septembre 2009. Alors, c’est ce même monsieur qui dit aujourd’hui que les militaires doivent rester au pouvoir. Or, il y a quelques années, il disait que les militaires ne devaient pas confisquer le pouvoir puisqu’une transition n’est pas un mandat.

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Aujourd’hui, il se dédit comme il est maintenant dans le système comme Premier ministre de la transition. C’est lui qui fait la promotion de ce que la transition puisse perdurer.

Lesnouvellesdafrique.info : Fonikè Menguè, vous avez fait la prison pour avoir mené de nombreuses luttes pour l’instauration de la démocratie dans votre pays, la Guinée. Aujourd’hui, la plupart des acteurs politiques guinéens, en tout cas de l’opposition, comme Cellou Dalein Diallo ou Sidya Touré, vivent à l’étranger. Ils ont été contraints à l’exil en quelque sorte par les militaires qui ont pris le pouvoir. Pourquoi est-il important d’associer cette classe politique guinéenne dans la résolution du problème qui se pose avec beaucoup d’acuité, à savoir organiser des élections libres et transparentes pour mettre fin à la transition militaire ?

Foniké Menguè : Vous savez, depuis le début, avec le FNDC et ses partenaires politiques – je vais citer ici l’UFR, l’UFDG et tous les autres, nous avons exigé au CNRD de mettre en place un véritable cadre de dialogue afin que nous puissions discuter de la conduite de la transition, puisque nous estimions très tôt que la transition avait pris une direction qui n’était pas la normale. Alors nous avons demandé de mettre ce cadre de dialogue en place dans l’esprit de leur charte et nous avons dit comment ça devrait être constitué. Parce que si vous ne faites pas les choses comme il faut dans les règles de l’art, ça va être compliqué. Donc, nous avons dit plusieurs fois comment le cadre du dialogue devrait être constitué. Il fallait d’une part les forces vives, d’autre part le CNRD, le G5 et puis la CEDEAO. Mais le CNRD n’a jamais voulu mettre ce cadre de dialogue en place.

Alors aujourd’hui, il se trouve que certains membres de ces forces vives sont en exil, notamment Cellou Dalein, Sidya Touré et d’autres acteurs de la société civile comme Koundouno, Abdoulaye Oumou, etc.

Donc tout ça, ça montre que le CNRD ne veut pas aller à l’essentiel, ne veut pas organiser les élections conformément aux engagements pris par lui-même. Donc ça complique la situation. Et c’est ce qui fait que nous vivons une crise qui ne dit pas son nom. Et si rien n’est fait, je pense que ça peut mal se passer. Et pour les militaires, mais aussi pour les civils. Parce que c’est un groupe bien précis qui a le pouvoir. Ce n’est pas toute l’armée, même s’il se trouve qu’à chaque fois, quand on leur dit de présenter la liste des membres du CNRD, ils disent que le CNRD, c’est toute l’armée.

Le CNRD, ce n’est pas toute l’armée, c’est un petit groupe qui est là et qui s’appelle CNRD ou qui s’appelle l’organe central de la transition et qui confisque le pouvoir, des gens qui font ce qu’ils veulent, comme les propriétaires de la Guinée.

Lesnouvellesdafrique.info : Contrairement aux autres pays comme le Mali, le Burkina Faso ou le Niger, où il y a aussi des militaires qui ont pris le pouvoir par la force, on a l’impression que le pouvoir militaire guinéen, en tout cas Mamady Doumbouya, est très peu sous la pression internationale. Comment expliquez-vous que la Guinée ne soit pas aussi sous pression comme le Mali, le Burkina ou encore le Niger ?

Foniké Menguè : C’est compliqué d’expliquer. C’est pourquoi en Guinée, il y a beaucoup qui accusent la France d’être le pays qui soutient Mamadi Doumbouya. C’est d’ailleurs le lieu et l’endroit pour moi. Il se trouve que c’est vrai, que la France puisse dire à Mamadi Doumbouya de respecter ses engagements en organisant les élections au plus tard fin décembre 2024 et laisser le pouvoir à celui ou celle pour qui les Guinéens vont voter. Quand je parle de la France, je parle du G5, tous les pays du G5 et les États-Unis de prendre la parole, de se prononcer sur cette question en disant à nouveau au président de la transition que sa transition finit plus tard, en décembre 2024.

Mamady Doumbouya a accepté un accord dynamique avec la Cédéao pour dire que la transition finit plus tard, décembre 2024. Et ça ne fait pas longtemps qu’on a interpellé la Cédéao sur cette question, notamment son envoyé spécial en la personne de l’ex-président Boni Yayi, pour demander où nous en sommes puisqu’il y a plus que six mois qui nous séparent de la fin de la transition.

Nous voulons savoir s’ils sont toujours là pour rappeler au CNRD que la transition est finie en décembre 2024 ?

Lesnouvellesdafrique.info : Mais vous l’avez rappelé, le nouveau Premier ministre, Monsieur Bah Oury, a dit en substance que l’élection présidentielle ne pourra pas avoir lieu cette année. Alors pour vous, faut-il organiser un référendum en 2024 plus une élection présidentielle en 2024 ou il faut choisir entre la présidentielle ou le référendum ?

Foniké Mengué: Ce qui est plus important ici, c’est le respect de la parole donnée par le Président de la transition. La transition doit finir en décembre 2024. Il a dit qu’il va quitter. Même le porte-parole du gouvernement a rappelé que le Président dit qu’il quitte en décembre 2024, qu’il ne va pas ajouter un seul jour. Donc, je pense que c’est la chose la plus importante.

Quant à son Premier ministre, il vient d’arriver, il veut rester pour profiter de la mangeoire. Ils ne font que prendre l’argent du contribuable. La corruption se passe à ciel ouvert, et ça dans la plus grande impunité.

La Crief qu’ils ont mise en place ne poursuit que les faibles. C’est quand tu n’es pas peut-être proche du CNRD qu’on peut t’arrêter, on te fout en prison, mais si tu es avec le CNRD, tu peux détourner des milliards et des milliards, tu ne seras pas inquiété.

Lesnouvellesdafrique.info : M. Foniké Mengué, votre organisation, le FNDC, a été dissoute par les militaires qui ont pris le pouvoir à Conakry. Comment faites-vous aujourd’hui pour continuer à mener votre lutte ? Comment elle se fait actuellement pour pousser les militaires à organiser des élections ?

Foniké Mengué: Le FNDC est un état d’esprit. On ne peut pas dissoudre un état d’esprit. Officiellement, le CNRD peut dire qu’il a dissout le FNDC. Mais dans la tête de nombreux Guinéens, le FNDC continue d’exister. Le FNDC est le véritable contrepouvoir contre la dictature en Guinée.

Donc nous continuons notre combat contre vents et marées, nous allons continuer notre combat en sentinelles de la démocratie, pour le respect de la démocratie, pour le respect de la liberté. Le CNRD ne peut pas nous empêcher de faire ce qu’on a toujours fait, bien avant l’avènement du CNRD au pouvoir. Donc nous continuons le combat et nous ferons tout pour que Mamadi Doumbouya respecte ses engagements vis-à-vis de la Cédéao, mais également vis-à-vis du peuple guinéen. La transition, encore une fois, doit finir plus tard, fin décembre 2024.

Lesnouvellesdafrique.info : merci. M. Foniké Mengué

Foniké Mengué : merci à vous.

 

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