Le désastre de la pêche industrielle sur les côtes africaines

Le poisson se fait de plus en plus rare sur les côtes africaines. Les bateaux étrangers pillent nos ressources halieutiques. L’activité de la pêche artisanale est fragilisée, l’immigration s’accentue. Les acteurs alertent.

A bord d’une pirogue, un fil de pêche et combinaison à la main, les pêcheurs artisanaux du village viennent tout juste d’arraisonner. Nous sommes au quai de pêche de Ouakam (ouest de la capitale de Dakar). À première vue, on croirait qu’il n’y a pas d’activité sur cette plage. Pour cause, la mer se vide de ses occupants.

« Notre situation va de mal en pis », s’insurge Tamsir, la mine grave.

Pour ce pêcheur, le secteur subit de plein fouet les dégâts causés par les bateaux étrangers. « Auparavant, nous pêcheurs n’enviions personne au contraire, on aidait tous ceux qui comptaient sur nous. Maintenant on arrive plus à subvenir pleinement à nos besoins », regrette-t-il.

Pour lui, il n’y a plus de poisson parce que les bateaux écument tout nos côtes .

« Nous partons en mer à 19h, nous parcourons des kilomètres pour revenir à l’aube bredouille. Alors que l’on peut dépenser plus de 200000 pour les besoins de l’essence. On perd et notre argent et nos matériels », confie-t-il.

Pis encore, ils nous « arrosent avec de l’eau chaude quand ils nous voient à leur côté . Même quand on se signale, ils font mine de ne pas nous voir et là ils détruisent nos filets », dénonce Tamsir.

Pour avoir le sésame, il faut parcourir des kilomètres. « Parfois, nous quittons Dakar pour Joal (126,7 kilomètres de la capitale) pour avoir ne serait ce que quelques poissons. C’est vraiment dure pour les pères de famille qui vivent de la pêche », ajoute -il

Les licences de pêches restent un gros obstacle pour les pêcheurs artisanaux.

Selon un rapport de l’Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption du Sénégal (OFNAC), 29 bateaux de l’UE sont en activité dans les eaux sénégalaises tandis que ceux battant pavillon Sénégalais sont au nombre de 111. Officiellement en 2020, 163 navires ont reçu l’autorisation d’accéder aux ressources halieutiques du Sénégal. Il s’agit de 31 bateaux de l’UE, 01 bateau du Cap-Vert et 131 navires battant pavillon Sénégalais.

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« Il est impératif et urgent que l’Etat réglemente le secteur en arrêtant de donner les licences aux étrangers. Cette situation montre à suffisance que ces bateaux pillent nos ressources sans s’inquiéter. Ceci est la cause de l’immigration clandestine », déplorent les acteurs de la pêche artisanale.

Le pillage entraîné par l’invasion de bateaux étrangers dans les eaux africaines en général peuvent constituer un facteur d’insécurité alimentaire sur tout le continent.

« La surpêche conjuguée à l’accroissement démographique et aux changements climatiques met en péril la sécurité alimentaire de la zone » affirmait Ibrahima Cissé, responsable du programme Océan de Greenpeace, dans un article parcouru par lesnouvellesdafrique.info.

Les mauvaises pratiques de flottes artisanales et industrielles ne sont pas en reste. Ceci, combiné à l’absence de réglementation et de cohésion des Etats qui augmentent le taux de la pêche illicite.

« En 2014-2015, la pêche non autorisée de la flotte russe dans les eaux sénégalaises avait augmenté de 20% après que les pays voisins, la Guinée Bissau et la Mauritanie lui ont octroyé le droit de pêche », souligne Greenpeace

Les conséquences sont considérables : disparition de nombreux espèces marins, bouleversement des écosystèmes, et chaines alimentaires, perte d’emploi pour les petites structures de pêche entre autres. Et, le pouvoir d’achat du pays en pâtît.

Au Sénégal, au Burkina Faso, au Mali comme au Benin, entre autres pays, la pêche nourrit les populations vivant le long des côtes.

20% de la population vit directement ou indirectement de la pêche selon des sources officielles sénégalaises.

Dans un mémorandum rendu public ce lundi (29-04-2024), la plateforme des organisations syndicales du secteur de la pêche, de la marine marchande et de l’offshore (pétrole, gaz) du Sénégal a notifié un document contenant 10 points pouvant aider à l’amélioration des conditions de vie et de travail de ses membres. Ils réclament entre autres points : un « audit de la flotte » et la construction de la « maison du marin »

Ndeye Mour Sembene

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