Guinée : Mamadi Doumbouya, la course contre la montre

Pour la première fois depuis sa prise de pouvoir par la force, le colonel Mamadi Doumbouya, le tombeur d’Alpha Condé, fait face à une crise qui pourrait faire vaciller son pouvoir.

Des écoles fermées, le prix de l’essence augmente sans frein, provoquant un ralentissement des activités à Conakry. Cette situation a engendré des manifestations dans la banlieue de la capitale guinéenne, le 17 décembre 2023. La Guinée traverse une période difficile et pleine d’incertitude après l’incendie qui a détruit le plus grand dépôt de carburant du pays dans la nuit du 16 au 17 décembre.

C’est le mercredi 20 décembre que le chef de la junte guinéenne, le colonel Mamadi Doumbouya, est finalement sorti de sa longue léthargie pour décréter un deuil national de trois jours en hommage aux victimes de ce drame. Alors que le pays tourne désormais au ralenti, les stations-service ouvertes, à Conakry, ne vendent plus que du gasoil. Un véritable problème dans un pays où l’essentiel du parc automobile de transport en commun fonctionne avec de l’essence. Ce qui pose un sérieux problème au transport urbain et interurbain.

Le lendemain, à l’issue d’une réunion du comité de crise, les autorités guinéennes de la Transition ont clairement déclaré qu’elles comptaient désormais s’appuyer sur les pays voisins pour approvisionner la capitale et les régions en essence. Ainsi, « la Haute Guinée va être ravitaillée à partir du Mali, la Guinée forestière à partir de la Côte d’Ivoire, la Moyenne Guinée et la Guinée maritime à partir du Sénégal et de la Sierra Leone ».

Une facture salée pour la junte

Mais, à très court terme, la junte, dont le pouvoir est durement éprouvé par ce gigantesque incendie – dont le bilan ne fait que s’alourdir –, ne compte plus que sur les pays voisins et amis. Elle va devoir subventionner l’essence à coût de milliards de francs guinéens, car, malgré la présence de deux bateaux en rade chargés de carburants, selon Conakry, les infrastructures adéquates pour le stockage de l’essence sont inexistantes. Elles ont été totalement abîmées par le feu dont on ignore toujours l’origine.

À Conakry, il ne reste plus que le dépôt central du gasoil de Tombo, situé à Kaloum – appelée aussi « presqu’île de Kaloum » –, l’une des six communes de la ville de Conakry, capitale de la Guinée, qui ne peut pas stocker de l’essence, selon le directeur général de la société nationale des pétroles, Amadou Doumbouya.

Réquisitions des dépôts de sociétés minières ?

Les autorités guinéennes avaient envisagé de réquisitionner les dépôts des sociétés minières comme la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG) et la Guinea Alumina Corporation (GAC).

Mais, là aussi, les infrastructures ne sont pas adaptées à l’essence. Ce dernier espoir de la junte au pouvoir s’est lui aussi effondré comme un château de cartes.

À Conakry, une semaine après l’énorme explosion qui a réduit en cendres le plus grand dépôt de carburant du pays, les activités économiques sont toujours paralysées et les prix du transport sont montés en flèche.

Risque d’une escalade de violences

Pour éviter les remous sociaux qui découlent de la hausse du prix des transports en commun, le gouvernement de Transition a mis en place un comité de crise et réaménagé les congés scolaires du mardi 19 décembre 2023 au 1er janvier 2024. Mais les militaires au pouvoir à Conakry doivent désormais faire une course contre la montre pour éviter un embrasement de la situation dans un pays habitué à des manifestations politiques et des revendications qui sont réprimées dans le sang.

Le jeudi 21 décembre, des heurts ont opposé, à Conakry, les forces de sécurité à des groupes de jeunes qui réclamaient de l’essence dans les stations-service dont l’approvisionnement a été suspendu provisoirement par les autorités, depuis l’explosion et l’incendie meurtrier du principal dépôt d’hydrocarbure.

Des centaines de jeunes, cagoulés ou masqués pour la plupart, ont coupé la route qui mène au centre de la capitale, Conakry, en installant des barricades à l’entrée des quartiers de Sonfonia, Wanindara, Kagbelen, Koloma et Hamdallaye.

Ils ont renversé des poubelles et brûlé des pneus, dans un pays où beaucoup de jeunes vivent des courses à moto-taxi. Leur revendication : la réouverture des stations-service pour tous les types de carburant. Ce qui fait dire à de nombreux Guinéens que la course contre la montre a commencé pour le colonel Mamadi Doumbouya, arrivé au pouvoir par un coup de force militaire, en septembre 2021.

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