Au Sénégal, la crise dans le secteur de la presse s’intensifie

(Avec Sud quotidien)

Les bureaux du Conseil pour l’Observation des Règles d’Éthique et de Déontologie dans les médias (CORED) sont fermés jusqu’à nouvel ordre, selon un communiqué parvenu ce mercredi à la rédaction de Sud Quotidien. Cette décision, qualifiée de “regrettable” par l’organe d’autorégulation, plonge le personnel et les usagers dans une situation critique, avec des conséquences majeures pour les professionnels de l’information.

Installé à la Maison de la Presse Babacar Touré, le CORED fait face à de graves difficultés financières qui compromettent son fonctionnement. Incapable de couvrir ses charges, l’organe de régulation a placé son personnel permanent en situation de “chômage technique”, avec des salaires impayés depuis 14 à 15 mois. L’information a été confirmée par Mme Nina Penda Faye, chargée de communication, qui déplore une détérioration continue des finances. “Les finances se sont considérablement dégradées”, alerte-t-elle, rappelant que le CORED n’a reçu aucun budget ni pour 2024, ni pour 2025, en dépit de multiples alertes adressées aux autorités de tutelle

Les articles 46 et 53 du Code de la Presse, prévoit pourtant une allocation annuelle du Fonds d’appui et de développement de la presse (FADP) pour le CORED. En vain. Les audits en cours, évoqués par les autorités, n’ont pas permis de débloquer les fonds nécessaires.

La carte de presse en suspens, l’autorégulation des médias en péril

La fermeture du CORED met à mal le fonctionnement normal de cette instance clé de la régulation des médias au Sénégal. Au cœur de cette paralysie : l’impossibilité pour le CORED de délivrer le quitus, ce précieux document requis pour l’obtention de la carte nationale de presse. Résultat : “des dizaines de dossiers sont en souffrance”, confie un agent de l’institution, sous couvert d’anonymat.

Les journalistes et les organes de presse concernés se retrouvent dans une impasse administrative, sans possibilité de se conformer aux exigences légales et professionnelles. Une situation d’autant plus préoccupante que cette carte conditionne l’accès à certains droits et à la reconnaissance statutaire dans la profession.

Si, sur le papier, les organes bénévoles du CORED – à savoir le Bureau, le Directoire et le Tribunal des pairs – poursuivent leur mission d’arbitrage et de veille déontologique, la mise à l’arrêt du Secrétariat permanent freine considérablement l’efficacité de leurs actions. Ce blocage administratif fragilise l’édifice de l’autorégulation médiatique, pourtant essentiel dans un paysage où les tensions entre presse et pouvoir ne cessent de croître.

Face à cette impasse, les membres du CORED tirent la sonnette d’alarme. « Nous avons exposé notre mission et nos difficultés financières, mais rien n’a été fait » déplore Mme Faye, une des responsables de l’institution. Pendant ce temps, le personnel technique reste sans salaire, et les procédures internes sont gelées.

Dans un contexte économique déjà tendu pour les entreprises de presse, cette situation fait craindre l’instauration d’un vide réglementaire durable. En l’absence d’un cadre fonctionnel de régulation, les dérives éthiques risquent de proliférer sans garde-fou, au détriment de la crédibilité de l’information.

La balle est désormais dans le camp des pouvoirs publics. Faute d’un appui rapide et structurant, c’est l’ensemble de l’écosystème médiatique sénégalais qui pourrait subir les conséquences de cette paralysie silencieuse, mais lourde de menaces.

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