L’élection du président de la Banque africaine de développement a connu son épilogue, comme ces courses de fond dont l’issue dément les pronostics de départ.
L’institution financière multilatérale la plus importante du continent africain a un nouveau président depuis le 29 mai 2025. Sidi Ould Tah, l’ancien ministre mauritanien de l’Économie a donc été élu président de la BAD avec une confortable majorité de 76,18 % de voix. Pour cette élection habituellement très disputée, il n’aura fallu que trois tours de scrutin pour qu’un large consensus se fasse autour de sa candidature.
Le nouveau président de la BAD a présenté sa candidature dans les derniers jours qui ont précédé la date butoir du scrutin, privilégiant une diplomatie de couloirs, avec l’objectif ultime de ne rendre publique sa candidature qu’une fois assuré de la forte probabilité d’être élu.
Toutefois, lorsque l’on prend en compte les missions de la BAD, il faut reconnaître que le candidat de la Mauritanie, en dépit du parcours tout aussi remarquable de ses adversaires, était l’homme de la situation.
Une banque au service du développement de l’Afrique
En effet, c’est en 1963 à Khartoum, au Soudan, que sera créée la Banque africaine de développement avec, au départ, 23 pays africains membres. C’est en 1965 que son siège sera installé à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Nous sommes alors quatre années après la grande vague des indépendances africaines. Les jeunes États africains doivent relever des défis colossaux pour leur développement et des capitaux considérables sont mobilisés pour faire face à ces besoins cruciaux.
Le groupe Banque africaine de développement apporte ainsi sa contribution au développement des États membres, avec une forte composante sociale axée sur la réduction des inégalités et de la pauvreté, et comprend trois organes principaux, à savoir : la Banque africaine de développement proprement dite, le Fonds africain de développement et le Fonds spécial du Nigéria.
Si, au départ, les États africains étaient les principaux actionnaires de l’institution et le demeurent, force est de constater que la BAD a élargi son actionnariat à des États non africains issus d’autres continents. C’est en 1982 que la décision sera prise d’ouvrir le capital de la BAD au-delà des États africains.
L’institution comprend 81 États membres, dont 54 régionaux et 27 non régionaux, parmi lesquels on compte de grandes puissances économiques et financières telles que la France, le Japon et les États-Unis.
Changement d’échelle
Le nouveau président de la BAD prend la tête d’une institution financière panafricaine dont les missions ne consistent plus seulement à financer les États, mais aussi le secteur privé à travers, par exemple, le capital-investissement.
Il revendique à son actif une connaissance profonde des problématiques relatives aux investissements et au développement sur le continent africain.
Durant les dix années qu’il aura passées à la tête de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), cet économiste formé à l’université Sophia Antipolis à Nice, en France, passé également par les cabinets ministériels et la présidence de la République de son pays comme conseiller aux affaires économiques, ne fait qu’effectuer un changement d’échelle dans les missions qui sont les siennes aujourd’hui.
Créée par les États de la Ligue arabe, en 1976, cette institution financière, la BADEA, dédiée au financement de grands projets infrastructurels en Afrique, a mobilisé des capitaux importants pour l’accompagnement de grands projets dans toutes les régions du continent africain. Cette expérience et les états de service de Sidi Ould Tah ont certainement milité en sa faveur. Il a pu, par ailleurs, durant ses précédentes fonctions, se constituer un important carnet d’adresses qui a également été décisif au moment de cette élection.
Sidi Ould Tah arrive aux commandes de la BAD au moment où les États-Unis, qui sont le troisième plus grand contributeur à son financement, annoncent la suspension de leur financement pour un montant de 500 millions de dollars et une dérégulation des droits de douane, qui rendent incertain l’horizon économique à court terme pour de nombreux pays.
Or cette rétractation de l’administration Trump arrive à un moment où les besoins en financement de l’Afrique sont extrêmement importants. Nombre d’États africains font face à un endettement considérable et une situation financière délicate qui compliquent leurs capacités à gagner la confiance des bailleurs de fonds sur les marchés de capitaux.
Des chantiers titanesques
L’un des grands chantiers qui attendent le nouveau président de la BAD sera la mise en place effective de la zone de libre-échange économique (ZLECAF).
Elle est porteuse de nombreux espoirs pour les économies du continent africain, mais une impulsion forte demeure nécessaire pour la tirer de sa relative léthargie.
Il y a lieu de relever la dimension diplomatique et géopolitique de cette élection. Selon un principe non écrit de rotation régionale, la présidence de la BAD devrait revenir à l’Afrique Centrale. Or, comme sur de nombreux dossiers régionaux d’intérêt commun, les États de la zone CEMAC notamment ont peine à établir un consensus autour d’une candidature ; durant longtemps, deux candidatures se sont fait entendre au sein de cette zone économique et monétaire, jusqu’au désistement du candidat camerounais Albert Zeufack de la Banque mondiale.
La tâche pour le nouveau patron de la BAD sera ardue. Il réunit cependant toutes les compétences requises pour être à la hauteur de sa mission. Nous lui souhaitons bonne chance.