Centrafrique : Le gouvernement mise sur les groupes armés, l’opposition reléguée au second plan.

À quelques mois des élections groupées prévues en décembre prochain, le choix du gouvernement centrafricain semble clair : dialoguer avec les groupes armés plutôt qu’avec l’opposition démocratique. Une décision qui suscite interrogations et critiques au sein de l’opinion publique.

Depuis plusieurs semaines, la plateforme d’opposition Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC) appelle à l’ouverture d’un dialogue politique franc avec le pouvoir, afin d’apaiser les tensions politiques croissantes. Le gouvernement, pour sa part, semble avoir opté pour une autre voie : celle du rapprochement avec certains groupes armés.

Dans une démarche inattendue, une importante délégation centrafricaine, composée notamment du ministre en charge du Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR), ainsi que du Directeur du Renseignement à la présidence, s’est rendue récemment à N’Djamena, la capitale tchadienne.

Cette visite, organisée avec l’appui des autorités tchadiennes, a permis de nouer un dialogue de haut niveau avec deux figures clés de la rébellion : Ali Darassa, chef de l’Unité pour la Paix en Centrafrique (UPC), et le Général Abdel Kader Sembe Bobo, leader du Mouvement Retour, Réclamation et Réhabilitation (3R).

Un accord a été signé à l’issue de ces pourparlers. Il prévoit notamment l’arrêt des hostilités et la réintégration des combattants dans la vie civile. Mais cette initiative n’a pas fait l’unanimité. La Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC), dirigée par l’ancien président François Bozizé, ainsi que le camp du Général Noureddine Adam, ont rapidement dénoncé cet accord, qualifiant les signataires de « traîtres ». Pour eux, ce rapprochement avec Bangui serait une manœuvre de division et de manipulation politique.

Au sein de la population, les avis divergent. Certains y voient une tentative du président Faustin-Archange Touadéra de stabiliser les régions clés avant les scrutins, dans une démarche de prévention des troubles électoraux.

 D’autres y perçoivent un calcul politique qui est celui de gagner le soutien de certaines communautés, notamment les Peulhs, dont l’influence au sein de groupes comme l’UPC est significative.

Le souvenir de 2020 reste vivace. Cette année-là, plusieurs groupes armés avaient affiché une certaine neutralité, voire une complicité avec le pouvoir, avant de basculer brutalement. À la veille du scrutin présidentiel, François Bozizé les avait réunis pour former la CPC, une coalition qui a fortement perturbé le déroulement des élections.

Le pouvoir est-il en train de rejouer ce scénario, dans l’espoir d’un meilleur contrôle cette fois-ci ? Ou s’agit-il d’une réelle volonté de paix et de réconciliation nationale ?

Reste aussi à savoir si les groupes armés croient véritablement en cette démarche ou s’ils y voient une opportunité stratégique circonstancielle.

Pour l’heure, l’opposition démocratique, malgré les promesses d’ouverture faites récemment par le chef de l’État, reste marginalisée dans le processus de ce dialogue. La dernière sortie médiatique du Conseiller Spécial du Président de la République, Fidèle Ngouandjika sur les ondes de la Rfi, prouve à suffisance que ce dialogue n’est pas une priorité pour les autorités de Bangui en ce moment.

 Et la méfiance demeure, tant du côté des politiques que de la société civile.

Seul l’avenir dira si cette stratégie de dialogue asymétrique portera ses fruits… ou si elle alimentera de nouvelles tensions.

Adrien KOUNDOU-ZALIA

Journaliste d’Investigation et

Expert en Communication Politique

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