Fragilisé par la guerre dans l’est, Tshisekedi dans une difficile quête de soutien

Fragilisé par la guerre et les reculs de son armée dans l’est de la RDC, le président congolais Félix Tshisekedi tente de rallier des soutiens à l’étranger mais il est jusqu’ici rentré les mains vides de ses déplacements, alors que l’incertitude commence à gagner la capitale Kinshasa.

Le groupe armé antigouvernemental M23, soutenu par des forces rwandaises, s’est emparé ces dernières semaines de Goma et Bukavu, capitales provinciales du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, après avoir déjà conquis ces dernières années de vastes pans de cette région riches en ressources naturelles.

Kinshasa dénonce une agression territoriale d’envergure de la part de son voisin rwandais, mais ni l’Union européenne, ni l’ONU n’ont jusqu’ici répondu à son appel pressant de sanctionner Kigali. Piloté selon des experts de l’ONU par le Rwanda, qui a déployé environ 4.000 soldats dans la région, le M23, qui a ressurgi dans l’est de la RDC fin 2021, a infligé en plus de trois ans de conflit une succession de revers à une armée congolaise dépassée.

Après l’accélération récente et la chute des grandes villes de Goma et Bukavu, le M23 a clairement signifié son intention d’occuper durablement les territoires conquis, en y instaurant sa propre administration, nommant de nouveaux maires et douaniers aux postes-frontières, et sa propre police.

« L’incapacité à inverser la dynamique militaire interroge sur la marge de manoeuvre du commandant suprême de l’armée » congolaise, c’est à dire le président Tshisekedi, explique à l’AFP Trésor Kibangula, analyste politique à l’institut de recherche Ebuteli à Kinshasa.

« L’enjeu pour le président est désormais d’éviter que cette crise ne se transforme en point de bascule mettant en cause la stabilité de son mandat », poursuit-il.
Selon une source proche, l’inquiétude est palpable au sein de la présidence où flotte « une ambiance de fin de règne ». Dans la capitale Kinshasa, de nombreux employés d’organisations internationales ont déjà plié bagages par crainte que des « événements » ne surviennent.
Ces derniers jours, des proches de M. Tshisekedi ont estimé utile de rappeler qu’il a été « élu pour cinq ans », mettant en garde contre toute tentative de « coup de force » ou « déstabilisation des institutions ».

« Félix Tshisekedi ne démissionnera jamais », a pour sa part affirmé le secrétaire général du parti présidentiel (UDPS).

Félix Tshisekedi a été réélu en décembre 2023 pour un second mandat de cinq ans avec plus de 70% des voix. Une « Union sacrée » de plusieurs mouvements politiques rassemblés autour de l’UDPS à l’Assemblée lui donne alors une large majorité de plus de deux tiers des députés. Mais lors de son accession au pouvoir à la présidentielle de 2018, la commission électorale avait reconnu des irrégularités qui selon certains observateurs, entachent sa légitimité depuis le début.

Une des principales figures de la plateforme politico-militaire dont fait partie le M23 (Alliance fleuve Congo), Corneille Nangaa, est d’ailleurs l’ancien président de la commission électorale congolaise. Présent la semaine dernière à une conférence sur la sécurité en Allemagne à Munich, M. Tshisekedi a appelé à « mettre à l’index » Kigali, évoquant un « coup contre la République » commandité selon lui par le Rwanda avec son prédécesseur et désormais opposant Joseph Kabila.

Après avoir transmis le pouvoir à Félix Tshisekedi début 2019, Joseph Kabila, qui avait succédé en 2001 à son père assassiné Laurent-Désiré Kabila, s’est retiré dans sa ferme près de Lubumbashi, avant de quitter le pays selon plusieurs sources.

Félix Tshisekedi a aussi rencontré mardi à Luanda son homologue angolais João Lourenço pour « une réunion diplomatique » sur « les mesures à prendre » avec l’intensification de la crise dans l’est, selon Luanda. M. Lourenço a pris la semaine dernière la présidence tournante de l’Union africaine, qui l’avait désigné médiateur pour résoudre la crise en RDC. Aucun effort diplomatique n’a abouti jusqu’ici pour mettre fin aux hostilités dans l’est de la RDC. Le président rwandais Paul Kagame a déjà affirmé dans la presse ne pas être « intimidé » par d’éventuelles sanctions. L’ONU, l’UE et l’UA, qui n’a jamais explicitement mentionné le Rwanda dans le contexte de cette crise, redoutent que le conflit ne tourne en guerre régionale.

Selon Paul-Simon Handy, directeur régional Afrique de l’Est à l’Institut des études de sécurité (ISS), « le renforcement de l’État congolais » et « un Etat capable de protéger ses frontières » est indispensable pour assurer la stabilité dans la région des Grands Lacs. Mais peu de signaux clairs, à part une convocation par le ministère britannique des Affaires étrangères du plus haut diplomate rwandais à Londres, n’ont été donnés à Tshisekedi dans la guerre diplomatique qu’il mène contre Kigali.

Avec Afp

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