À peine investi ce 20 janvier 2025, le retour au pouvoir de Donald Trump, 47ᵉ président des États-Unis soulève des inquiétudes dans le monde et surtout sur le continent africain.
Son discours, qui n’a nullement évoqué l’Afrique, laisse penser à un rejet flagrant à l’égard du continent.
À ce stade où le continent africain travaille sur le renforcement de son autonomie et son indépendance, qu’un clin d’œil fait ou pas de la part d’un président étranger doit nous laisser indifférents, estime le directeur du Centre de recherche ouest-africain (Warc). Même s’il faut reconnaître que la coopération entre les USA et l’Afrique, qui date des indépendances, est importante, et cela dans plusieurs domaines.
Les dirigeants et les peuples africains doivent-ils s’attendre à une politique africaine des USA moins attractive de la part de Washington ?
Pour le Pr Ousmane Sène, les décrets pris aussitôt après son investiture, parmi lesquels celui de l’arrêt de l’aide aux institutions étrangères, laissent planer le doute sur les dispositions de l’agence américaine pour le développement international, à savoir l’USAID. Cette institution, qui symbolise ces relations entre les autorités de l’administration américaine et les États africains, va-t-elle disposer de plus grands moyens pour travailler avec les États africains avec ce décret ? Si cela se confirme, il faudra s’attendre à moins de présences américaines sur le continent, explique-t-il.
En outre, la réduction de l’aide publique au développement peut affecter un certain nombre de projets tels que le Millenium Challenge Account (MCA) qui a pour objectif de générer une croissance économique et inclusive et de réduire la pauvreté , l’AGOA ( loi commerciale des USA qui vise à aider les pays d’Afrique subsaharienne à accroître leur accès au marché américain) ou les activités de l’USAID selon M. Sene.
Cependant, il évoque la possibilité de ravissement du président américain dans le cas où ce dernier se fera une idée de l’importance des relations multilatérales, indispensables pour chaque pays.
Avec le slogan « America first » mis en avant par Trump, l’Afrique face à un désengagement de Washington sur ses engagements internationaux ?
L’enseignant-chercheur est d’avis que le volume des engagements des USA envers un pays joue un rôle déterminant sur son développement. Évidemment, s’il est significatif, cela entraîne forcément une faiblesse de ce pays lorsqu’il est mis à l’arrêt ou réduit.
Le retrait du financement dans un processus de développement pour tout pays entraîne des conséquences lorsque ce dernier pose les jalons afin de sortir du sous-développement, ajoute t’il.
Quid du repositionnement des USA sur le plan sécuritaire et économique ?
Ces executive orders (décrets présidentiels) sont des décrets et non des lois. Le directeur du Warc éclaire l’opinion sur le fait qu’il ne sera pas aussi facile pour Trump de se défaire des lois. En revanche, la majorité dont il dispose au niveau du Parlement américain lui est sans doute favorable. Celui-ci rappelle le choix sur ses ministres et ceux du Sénat qui sont passés comme lettre à la poste.
À son avis, le président américain a les coudées franches, mais cela ne lui donne pas la largesse de faire tout ce qu’il veut. Et un rétropédalage de sa part ?
Les Africains espèrent bénéficier encore de la continuité de l’appui des USA, conséquent ou pas, car la coopération internationale est très importante, surtout que le monde est devenu un grand village.
Trump, un personnage très controversé en Europe et en Afrique qui pourrait surprendre positivement ?
Pr Ousmane Sène décrit un Donald Trump très différent. Le président américain, lors de sa première présidence , le Trump de début de campagne et celui qui a tenu ce discours le 20 janvier dernier sont totalement différents, tente-t-il de faire comprendre.
Son discours est devenu plus acceptable selon lui. Faut -il y déceler une prise de conscience sur le fait qu’il incarne celui qui prend les décisions, celui qui est au pouvoir ? On a l’impression qu’il va mettre de l’eau dans son vin, qui sait. Trump pourrait surprendre positivement pour le directeur du Warc, même s’il est évident que certains décrets pris, comme celui de la réduction ou de la suppression de l’aide aux pays étrangers, ne sont pas favorables aux Africains.
Encore que les menaces qui planent autour de lui, comme l’OTAN, la sécurité des pays européens, l’imposition des taxes sur les exportations vers les États-Unis, les velléités d’annexion du Canada et du Groenland, ses plans contre le Mexique et les pays latino-américains n’augurent rien de bon, mais la realpolitik s’impose.
L’enseignant-chercheur estime essentiel de lui accorder du temps. Donald Trump vient d’arriver et dispose de quatre années de gouvernance. Laissons-lui le temps, ou « wait and see », comme disent les Américains, conclut-il.