À quelques jours de la fin de l’année 2024, les ministres de la transition continuent de présenter le bilan de leurs activités à la télévision nationale, un exercice initié par le chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya. Ce mercredi, c’était au tour du ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le général Bachir Diallo, de s’exprimer. Interrogé sur la montée des enlèvements dans le pays, il a minimisé leur gravité, suscitant de vives réactions.
Alors que plusieurs figures publiques, notamment Foniké Mengué, Billo Bah, Saadou Nimaga et Habib Marouane sont portées disparues après avoir été enlevées par des hommes lourdement armés, le général Bachir Diallo a affirmé que le pays n’a connu qu’un seul enlèvement depuis la prise de pouvoir par le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), le 5 septembre 2021.
“Depuis 2021, il n’y a eu qu’un seul enlèvement”, a déclaré brièvement le ministre, faisant référence au cas d’Alassane Diallo, un opérateur économique kidnappé le 19 novembre 2022 et libéré deux semaines plus tard.
Cette déclaration a été perçue par de nombreux observateurs comme une tentative de banalisation d’une situation de plus en plus préoccupante.
Les faits contredisent cependant les propos du ministre. Les enlèvements, souvent perpétrés par des individus armés et parfois habillés en tenue officielle, se multiplient ces derniers mois en Guinée.
Le 9 juillet 2024, Foniké Mengué et Billo Bah, figures du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), ont été enlevés par des hommes armés. Depuis, aucune information sur leur sort n’a été communiquée.
Le 17 octobre 2024, Saadou Nimaga, ancien secrétaire général du ministère des Mines sous le régime d’Alpha Condé, a été kidnappé en pleine journée à sa sortie de l’hôtel de Kaloum, situé à quelques mètres du palais Mohamed V, siège du pouvoir actuel. Lui aussi reste introuvable.
Le 3 décembre 2024, le journaliste Habib Marouane a été enlevé par des hommes en tenue de gendarme, selon des témoins. Depuis, aucune information n’a filtré sur sa localisation.
Ces cas s’ajoutent à une liste grandissante d’enlèvements qui suscitent inquiétude et indignation au sein de la population et des organisations de défense des droits humains.
La déclaration du général Bachir Diallo met en lumière une gestion problématique des questions de sécurité en Guinée. Alors que les enlèvements visent des personnalités publiques connues pour leurs positions critiques ou leur proximité avec des régimes précédents, le silence ou la minimisation de ces incidents par les autorités alimente un sentiment de crainte au sein de la population.
Cette situation rappelle les défis similaires rencontrés dans d’autres pays de la sous-région où les transitions militaires ont souvent été marquées par des atteintes aux droits humains, y compris des disparitions forcées et des intimidations ciblées. Des cas récents au Mali ou au Burkina Faso montrent que de telles pratiques peuvent exacerber les tensions sociales et miner la confiance dans les autorités de transition.
Le manque de transparence des autorités guinéennes sur les disparitions de figures publiques est préoccupant. En outre, l’inaction ou l’absence d’enquêtes crédibles renforce les soupçons d’implication ou de tolérance de ces actes par l’appareil d’État.
Face à cette situation, des voix s’élèvent pour demander une prise en charge plus sérieuse de ces incidents, notamment par l’ouverture d’enquêtes indépendantes et la mise en œuvre de mesures concrètes pour protéger les citoyens. La communauté internationale pourrait également exercer une pression sur les autorités guinéennes pour qu’elles respectent leurs obligations en matière de droits humains.
La Guinée, en pleine transition politique depuis le coup d’État de septembre 2021, traverse une période incertaine. La multiplication des enlèvements, combinée à la minimisation de ces incidents par les autorités, menace de saper davantage la crédibilité du régime de transition. Si aucune action concrète n’est entreprise pour résoudre ces disparitions et restaurer la confiance dans les institutions de l’État, le pays risque de voir sa situation sécuritaire et politique se détériorer encore davantage.