Coopération Tchado-Française: polémique autour d’une aide

Coopération Tchado-Française: polémique autour d'une aide

La polémique récente sur l’aide de la France aux anciens combattants tchadiens, vétérans de la Seconde Guerre Mondiale, relève de ces débats devenus récurrents sur le continent africain, notamment dans les ex-colonies françaises d’Afrique, depuis qu’a pris corps dans les opinions publiques africaines, des controverses sur la nécessité d’une seconde décolonisation en Afrique et qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

D’un montant de 300.000FCFA (environ 500€), de nombreux citoyens tchadiens considèrent qu’il s’agit d’un mépris à l’endroit de leurs distingués aînés, qui ont payé le prix incomparable du sang, afin que le pays du général de Gaulle et du général Leclerc, retrouve sa souveraineté perdue du fait de l’occupation allemande de 1939 à 1945. Toujours dans la même veine, certains considèrent qu’il ne s’agit pas seulement d’une injure à l’endroit de la « force noire » venue du Tchad, mais envers la mémoire de tous ces valeureux combattants partis d’Afrique, pour défendre les idéaux inaliénables de justice et de liberté.

Arrière-plan historique

Mais avant de s’appesantir sur les arguments convoqués par celles et ceux qui s’indignent face à ce qu’ils considèrent comme une attitude de mépris et d’ingratitude, il faut rappeler l’arrière-plan historique de cette polémique. En effet, il n’est pas superflu de rappeler que c’est du Tchad que sont parties les premières troupes d’Afrique, en réponse à l’appel du 18 juin 1940, conduites par le Gouverneur de l’Afrique Equatoriale Française, Félix Eboué. En outre, dans le chaudron des combats, le détachement tchadien des troupes africaines, s’est illustré par une vaillance et une bravoure décisives pour la libération de la ville de Strasbourg. Cet épisode décisif de la libération de la France, a par ailleurs donné lieu récemment à une manifestation commémorative à laquelle n’a pas été convié le personnel diplomatique de l’ambassade du Tchad en France.

Si ces griefs ne manquent pas de pertinence, peut-on pour autant considérer que le tableau des relations franco-tchadiennes est aussi sombre que certains l’affirment dans l’opinion publique tchadienne ? On est légitimement en droit d’en douter.

Il faut d’ores et déjà rappeler que la France n’a pas attendu cette aide, certes anecdotique, pour venir en aide au Tchad. Pour revenir à l’histoire, il faut se souvenir qu’aussi paradoxal que cela puisse paraître, la présence militaire française a quelquefois été d’un apport décisif dans la défense de l’intégrité territoriale du Tchad et de la stabilité de ses institutions. Point n’est besoin de revenir sur le détail des entreprises de déstabilisation du Tchad, initiées depuis le territoire libyen sous l’impulsion du bouillant colonel Mouammar Kadhafi, qui ne faisait guère mystère de ses rêves de grandeur qui se sont traduits à plusieurs reprises par une boulimie d’expansion territoriale qui avait désigné le Tchad comme victime sacrificielle. Les opérations Manta, Epervier sont encore gravées dans les mémoires de ceux qui sont au fait de ces pages difficiles de l’histoire des relations tchado-libyennes.

Assistance multiforme

S’agissant de la structuration de l’armée tchadienne, l’armée française a largement contribué et continue d’être aux côtés des forces de défense et de sécurité du Tchad pour la formation et la professionnalisation de son personnel, en plus d’une assistance en matériel et en renseignement militaire. Les anciens combattants qui sont au cœur de la polémique en cours, bénéficient d’une aide substantielle et multiforme de l’assistance militaire française. Celle-ci se matérialise aussi bien par la construction et l’équipement des maisons du combattant que par les soins que reçoivent les vétérans tchadiens de la Seconde Guerre Mondiale dans l’hôpital militaire français au Tchad.

Plus récemment, le personnel de la force Barkhane s’est considérablement impliqué dans les inondations qui ont endeuillé le Tchad.

Cette aide comporte également un important volet civil, celui qui concerne notamment les investissements au Tchad de l’Agence Française de Développement (AFD).

En dix ans, précisément de 2011 à 2021, l’AFD a financé 82 projets, 500 000 personnes ont bénéficié d’un accès amélioré à l’eau potable ou à l’assainissement, 2,7 millions de personnes ont bénéficié d’un accès amélioré aux soins, plus de 200 000 enfants scolarisés au primaire, pour un montant total de 483 millions d’Euros[1].

S’agissant particulièrement de l’eau et de l’assainissement, l’AFD contribue de manière notable au renforcement du réseau en eau potable de la ville de N’Djamena, au financement de projets d’infrastructures aussi bien pour lutter contre les inondations que sur le plan de l’assainissement, notamment pour une gestion des déchets respectueuses des normes environnementales.

Pour ce qui concerne l’accès aux soins de santé, l’AFD apporte son aide en vue du renforcement de l’accès aux soins de santé maternelle et infantile, aux politiques publiques d’autonomisation des femmes, à l’équipement des centres de santé, aux campagnes de planification familiale.

En conclusion, il faut noter que cette polémique s’inscrit dans une ère de volatilité de l’information qui est aussi celle de tous les abus, où un acte de communication sur les réseaux sociaux, passe parfois pour une information, alors même que celle-ci est bien éloignée de la réalité et charrie tous les abus. Un tel contexte exige des professionnels de la communication un devoir permanent de vérification et de rétablissement des faits.

Par Éric Topona Mocnga, journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle

[1] Agence Française de Développement, L’AFD et le Tchad, Agence de N’Djamena, 2021

Tribune