Dynamique entrepreneuriale et capacités d’innovation des femmes africaines

Dynamique entrepreneuriale et capacités d'innovation des femmes africaines

Nicole Ndoubayo, leader d’entreprise et présidente de Kira-Femme en action, association de promotion de l’entrepreneuriat féminin au Tchad.

Les économies africaines, à l’exception notable de quelques rares pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe, sont en grande partie demeurées rentières, parce que fortement dépendantes de la commercialisation des richesses du sol ou du sous-sol. Il ne s’agit pourtant pas d’un handicap en soi. C’est au contraire un atout, voire un avantage comparatif dont seuls de rares États peuvent se prévaloir dans un environnement mondial où l’accès à certains intrants, et autres matières premières stratégiques, est décisif pour exceller dans la production des biens et des services.

Mais l’Afrique demeure paradoxalement à la traîne sur le terrain de l’innovation, alors qu’elle dispose des atouts matériels et du capital humain pour briller de mille feux dans ce registre. Il y a donc lieu de questionner notre gestion du capital humain, en l’occurrence l’implication des femmes, dans nos politiques publiques en matière d’innovation.

Au préalable, force est de constater que très peu d’États en Afrique ont pris la pleine mesure de ce que représente l’innovation en termes de gisement d’emplois, de possibilités pour la création des richesses et la réduction de la pauvreté. Bien plus, contrairement aux pays d’Europe, d’Asie ou d’Amérique du Nord, l’innovation demeure le parent pauvre de nos politiques publiques, encore moins l’implication et la valorisation du capital humain féminin.

Contribution des femmes au capital humain

Les études des projets de développement en Afrique sont pourtant unanimes pour reconnaître la contribution indéniable du capital humain féminin dans leur implémentation ou leur exécution. Cette évidence remonte bien au-delà des temps actuels. Contrairement à des idées reçues et aux clichés parfois véhiculés par une certaine littérature, les femmes ont tenu des rôles de premier plan à des moments décisifs de la vie des peuples africains. Une étude de la Commission de l’Union africaine publiée en 2022 et intitulée Femmes d’Influence. Témoignages de Femmes leaders africaines est édifiante à cet égard : «Le fait que des femmes africaines endossent des rôles de leadership n’est pas un phénomène nouveau. Tout au long de l’histoire du continent africain, les femmes ont permis de résoudre des problèmes cruciaux, en dirigeant des armées pendant la période pré-coloniale, en combattant pour la liberté pendant les mouvements d’indépendance, en endossant des fonctions transitoires de leadership pendant les périodes d’après-conflit et en assumant des responsabilités pendant certaines des pires crises économiques, politiques et sanitaires du XXIe siècle. Pour aller de l’avant, l’Afrique doit exploiter les connaissances, les compétences et les talents des femmes à tous les niveaux du processus de résolution des problèmes, afin de reconquérir le futur du continent. »

Évaluer les modifications structurelles

La promotion accrue d’un leadership entrepreneurial féminin doit cependant tenir compte des changements structurels majeurs dont le monde est le théâtre depuis plus d’un siècle, notamment dans l’économie de la connaissance. La révolution numérique en cours et les mutations profondes qu’elle induit dans la production des biens et des services continuent de susciter réserve, ou controverse, pour les uns et une forte admiration pour d’autres.

Toutefois, dans le domaine précis de l’intelligence artificielle, au-delà des bouleversements anthropologiques qu’elle génère et qui n’en sont qu’à leurs débuts, l’entrepreneuriat féminin africain peut s’emparer de quelques-uns de ses outils pour améliorer ses capacités de production et faire des avancées significatives sur le chemin de son autonomisation. Dans ce processus, il sera décisif d’inciter les jeunes filles africaines à s’instruire davantage dans les connaissances de pointe où elles sont insuffisamment représentées.

Assister les femmes tchadiennes

Dans le cadre de notre entreprise Global E2A, spécialisée dans le conseil et la mobilisation des investissements privés au Tchad et dans d’autres régions d’Afrique, nous accompagnons les femmes cadres ou patronnes d’entreprises dans la gestion efficace de leurs ressources humaines et la mise en place de stratégies managériales en vue de dynamiser leur compétitivité. Dans les fonctions en lien avec la mobilisation des investissements qu’il m’a été donné d’occuper au Tchad, aussi bien à l’Agence nationale des investissements et des exportations (ANIE) qu’à l’Agence d’administration des zones économiques spéciales (AAZES), j’ai pu prendre la mesure des gains de productivité que les économies africaines peuvent tirer d’un leadership entrepreneurial féminin mieux accompagné par les politiques publiques et mieux structuré.

C’est pourquoi, pour être durablement efficace, une telle option de développement doit s’inscrire dans une vision africaine de long terme. Si le rôle moteur de l’État central est incontestable, il faudra également impulser de véritables politiques de décentralisation afin de libérer les énergies et tirer le meilleur parti possible de la capacité d’innovation de l’entrepreneuriat féminin.

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