Entre l’armée malienne et Wagner, les prémices d’un divorce ?

Entre l’armée malienne et Wagner, les prémices d’un divorce ?

Alors que les Fama et les combattants de Wagner viennent de mener une opération conjointe dans le nord du Mali, leurs relations ne semblent pas au beau fixe. Côté russe, les nombreuses critiques pourraient provoquer un changement de stratégie.

 

Officiellement, l’opération a été un succès. Ce 9 octobre, sur les chaînes Telegram liées au groupe Wagner, circulait un communiqué se félicitant de la réussite des manœuvres militaires de ces dernières semaines ayant permis aux Forces armées maliennes (Fama) et à ses partenaires russes de récupérer les corps de plusieurs dizaines de leurs combattants tombés lors de la bataille de Tinzawaten, dans le nord du Mali.

« Vengeance » a tourné court 

 

Contrairement à ce que nombre d’observateurs attendaient, aucun combat d’ampleur n’a cependant eu lieu face aux groupes armés de la région, indépendantistes touaregs ou jihadistes affiliés à l’État islamique ou à Al-Qaïda. L’opération « Vengeance », nom qui avait pourtant été relayé par les Fama et leurs alliés, a donc tourné court, malgré la communication officielle.

 

Elle pourrait toutefois avoir un impact sur les relations entre Wagner et l’armée malienne. Dans plusieurs autres messages partagés sur Telegram, des comptes affiliés au groupe de mercenaires russes critiquent ouvertement les Fama, expliquant notamment que « Vengeance » a pris beaucoup plus de temps que prévu en raison des atermoiements des gradés de Bamako.

 

« Immédiatement après le drame survenu aux environs de Tinzawaten le 27 juillet 2024, Wagner a entamé les préparatifs pour aller récupérer les corps de ses employés et de ses alliés des Forces armées maliennes. L’opération aurait pu commencer bien plus tôt, mais nos alliés n’ont pas voulu fournir de carburant et nous ont interdit d’y aller », explique un des messages.

« Manque de professionnalisme »

 

La saison des pluies a encore retardé l’opération, au grand dam des mercenaires russes, lesquels espéraient profiter des intempéries qui rendaient difficiles les déplacements au sol de leurs adversaires. Les combattants de Wagner estiment que ces derniers ont pu profiter de ce délai pour renforcer leurs positions. Autre critique : le manque de discrétion de l’armée malienne dont les membres ne cessaient, une fois le convoi lancé vers le nord du Mali, « de poster leurs localisations sur Twitter, même pendant les haltes », se plaint un autre compte russe.

 

En effet, la colonne a pu être suivie tout au long de sa progression, grâce à des images satellites partagées par des analystes occidentaux, mais aussi en raison des multiples vidéos postées par des combattants de l’armée malienne. « Les Russes ont du mal à supporter ce qu’ils considèrent comme un manque de professionnalisme de leurs alliés », résume un expert du groupe Wagner.

 

« Cela vient alimenter une condescendance et une défiance de base de la part des hommes de Wagner, qui estiment que les Maliens ne savent pas se battre et mener une guerre. Et en retour, il y a fort à parier que les gradés maliens n’apprécient pas non plus de se voir traiter d’amateurs », poursuit cette source. Au point de provoquer un grand chamboulement dans la relation entre Wagner et Bamako ? Ces derniers mois, plusieurs sources ont fait état d’une volonté russe de revoir son dispositif en Afrique, alors que le groupe a été intégré à une nébuleuse plus vaste nommée Africa Corps, Afrykanski Korpus en russe. Des moyens humains actuellement déployés au Mali pourraient ainsi être redirigés vers la Centrafrique, où l’architecture de Wagner est restée quasiment inchangée depuis la mort d’Evgueni Prigojine, son fondateur et financier, en août 2023.

 

« Il est possible que le Wagner traditionnel soit remplacé par quelque chose d’un peu différent, sans doute tourné davantage vers l’aérien et l’utilisation de drones, que ce soit pour le renseignement ou pour des frappes directes. Il y a une demande croissante de l’armée malienne làdessus, que l’Africa Corps et le renseignement militaire russe qui le contrôle pourraient se proposer de combler, pour ne pas se laisser dépasser par les Turcs [principaux fournisseurs de drones au Sahel] », explique notre source.

 

Depuis plusieurs mois, de nombreux drones – des petits modèles commerciaux – ont été utilisés par les adversaires des Fama, notamment les groupes jihadistes, faisant du contrôle du ciel sahélien un enjeu de plus en plus crucial. Wagner utilise déjà des engins de type Zala, pour le largage de petites bombes, plusieurs ayant été retrouvés dans le nord du Mali. Dans cette zone, la guerre des drones ne fait que commencer.

Source : Jeune Afrique

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