Reporters sans frontières, plus de 500 radios communautaires du Sahel et des confrères des pays frontaliers ont planché le 24 septembre dernier sur la nécessité de la protection du droit à l’information de proximité. Pour cela, un appel de soutien a été officiellement lancé en ce sens lors d’une conférence de presse dans la capitale malienne.
Signé par 547 radios communautaires, l’appel de Bamako vise à renforcer la sécurité physique et économique de ces médias de proximité qui jouent un rôle crucial dans l’information et la sensibilisation de la population. De nombreux crimes perpétrés sur des journalistes ou des kidnappings par des bandes armées en l’espace d’une année illustrent encore une fois le contexte sécuritaire dégradé dans lequel ces soldats de l’information travaillent dans cette zone du Sahel.
RSF qui a déjà alerté sur cette situation est revenu sur la nécessité de sévir face à l’impunité des crimes commis. L’organisation, à travers ces cinq recommandations phares, invite à l’ouverture systématique d’enquêtes.
Pour le directeur du Bureau Afrique subsaharienne, même si la prérogative d’ouvrir des enquêtes appartient aux autorités nationales, l’appel de Bamako veut sensibiliser ces autorités à lutter contre l’impunité des crimes commis visant les journalistes des radios communautaires. Pour lui, ces assassinats ne peuvent rester impunis.
Selon Sadibou Marong, des informations recueillies et vérifiées par RSF indiquent qu’il y a quatre journalistes des radios communautaires du Sahel qui sont actuellement portés disparus depuis septembre 2020. Il s’agit de Hamadoun Nialibouly de la radio Dande Douentza (“La Voix de Douentza”) basée au centre du Mali (porté disparu depuis septembre 2020), de Moussa M’bana Dicko de Dande Haire (“La Voix de Haïré”), au nord de Mopté, enlevé en avril 2021, de Saleck Ag Jiddou et Moustapha Koné de Radio Coton d’Ansongo enlevés lors d’une attaque le 7 novembre 2023.
Il précise que ces journalistes sont tous des Maliens et qu’ils travaillaient pour des radios communautaires. En outre quatre autres journalistes sont enlevés entre juin et juillet au Burkina Faso. Il s’agit de Atiana Serge Oulon, Alain Traoré, Adama Bayala et Kalifara Séré.
Pour les journalistes de radios communautaires enlevés, Reporters sans frontières assure avoir demandé aux autorités maliennes de prendre les dispositions nécessaires pour ouvrir des enquêtes et prendre des mesures pour les faire libérer.
Le directeur du Bureau Afrique subsaharienne estime que leurs familles ont le droit de connaître leur sort, de même que leurs collègues et amis.
« Nous insistons pour que tous les crimes commis contre les journalistes ne restent pas impunis », dit-t-il.
Créés dans les années 1990, ces médias de proximité ont participé au dynamisme de la liberté de presse. Cependant, ils paient un lourd tribut dans la région en proie à l’instabilité provoquée par les bandes armées et à l’incapacité des forces politiques nationales à leur garantir une protection, pour Anne Bocandé, directrice éditoriale de RSF.
Leurs cibles sont communément les habitants d’une localité donnée, dans les langues et formats adaptés au contexte. Ce qui démontre leur rôle essentiel.
Toutefois, beaucoup de médias internationaux ont fait l’objet de fermeture ou de restrictions dans la liberté d’informer.
RSF reconnait que la situation dans la bande sahélienne ne s’est pas améliorée. Le dernier Classement mondial de la liberté de la presse l’a également bien confirmé, explique Sadibou Marong. Il donne l’exemple du Burkina Faso qui a perdu 28 places (86e cette année contre 58e en 2023). Le Niger connaît également une chute importante. Il occupe actuellement la 19e place (de la 61e à la 80e place) et le Mali qui stagne à la 114e position.
Malgré cette situation difficile, l’organisation doit continuer sa mobilisation à chaque fois que la liberté d’informer est menacée. M. Marong estime que c’est possible. C’est pourquoi RSF lance un appel envers les autorités nationales, régionales et internationales pour garantir la protection de ces médias de proximité.
Dans la même lancée, la diffusion d’une campagne de communication appelant à la protection du journalisme local en six langues a été faite : en français, wolof, Moore, haoussa, bambara et fulfulde, a fait savoir RSF.
En revanche, M. Marong juge opportun de miser sur la formation des équipes des radios communautaires à la sécurité physique et au journalisme sensible aux conflits.