Actuellement confronté à une situation préoccupante marquée par une augmentation significative de la criminalité, la perte des valeurs, de civisme et de patriotisme, le visage du Sénégal perd de sa superbe. Un fait qui a fini par créer un climat d’insécurité croissant et d’inquiétudes au sein de la population.
Pour parer à ces situations latentes, le Ministère de l’Education et les Forces armées ont annoncé la création des Lycées Nation-Armée pour la Qualité et l’Équité (LYNAQE). Une initiative qui vise à faire revenir le sens de la citoyenneté, disent-ils.
Dans ce reportage, la rédaction lesnouvellesdafrique.info a tâté le pouls de la population.
Devant un bâtiment en construction sis à la cité de Ouakam (à l’ouest de Dakar), un groupe de jeunes hommes est assis sur des briques, gobelets de café pour certains et une cigarette à la main pour d’autres.
Leur sujet de discussion : le football.
Parmi eux, on remarque Petit. Le jeune homme la trentaine révolue se dit indifférent de cette décision. Selon lui, elle ne va tout simplement pas aboutir car, la nouvelle génération n’est plus intéressée par les études.
« Ils perdent juste leur temps », dit-il soutenu par ces amis qui confirment ses propos.
Un peu plus loin, nous apercevons Yankoba, lui également âgé de la trentaine. Toutefois, il prend le contre-pied de ces prédécesseurs.
« La création d’un lycée armée au Sénégal est une initiative intéressante. D’un côté, ces établissements peuvent renforcer la discipline, le civisme et le patriotisme chez les jeunes, en leur inculquant des valeurs importantes dès le plus jeune âge. Cela pourrait également améliorer la qualité de l’éducation en offrant un environnement structuré et rigoureux », explique-t-il. Non sans faire part de ses craintes quant à la réussite de cette initiative.
« Il est important de considérer plusieurs aspects. Est-ce que ce lycée sera accessible à tous les jeunes, indépendamment de leur origine sociale ou économique ? Comment ce lycée intégrera-t-il les méthodes d’enseignement traditionnelles avec les valeurs militaires ? Le gouvernement dispose-t-il des ressources nécessaires pour mettre en place et maintenir cet établissement de manière efficace ? », s’interroge-t-il. Avant d’expliquer : « en tant que jeune, il est essentiel de réfléchir à ces questions et de participer au débat pour s’assurer que cette initiative soit bénéfique pour tous ».
Mamadou Dieng manifeste également son accord. Pour lui, seule l’armée peut établir la qualité et l’équité qui pourraient être à même d’inculquer des valeurs de discipline et d’offrir des débouchés professionnels.
« Les élèves pourront apprendre la ponctualité, la responsabilité, et le respect des règles (Services civiques) », pense-t-il.
Cependant, précise-t-il, « il est crucial de prendre en compte les possibles inconvénients, comme la pression liée à l’adhésion à des normes strictes et la réduction de la liberté individuelle ». Poursuivant que « le Lynaque peut réduire les ressources et l’attention allouées aux autres disciplines académiques, limitant ainsi les opportunités pour ceux qui ne veulent pas suivre une carrière dans l’armée ».
Le logisticien estime qu’avant « de lancer un tel projet, une évaluation équilibrée des avantages et des inconvénients s’impose ».
Du côté de cette mère de famille, l’initiative du ministre est venue à son heure. À l’en croire, « les jeunes qui vagabondent dans les rues doivent rejoindre l’armée. Je trouve que c’est une bonne idée car la population sénégalaise est jeune dans sa majorité et ces derniers veulent avoir de l’argent facile mais n’aiment pas travailler. Ce qui augmente à suffisance le banditisme ». Elle ne s’arrête pas là. « Je ne parle même plus de leur manque d’éducation et de civisme. Certains font leurs besoins à même les rues et personnes n’osent parler au risque qu’ils t’insultent », regrette la dame Ly.
Une situation qui est à l’image de la transformation des sociétés selon Dr Abdoukhadre Sanoko, Sociologue Certifié en Psychologie Diplômé en Sciences Politiques.
« En vérité, nous sommes dans une sorte de dérèglement social qui ne dit pas son nom. Je peux même me permettre de dire une sorte d’anomie. Et, le corollaire de tout cela constitue ce qu’on appelle en sociologie un ensauvagement de la société. On a l’impression qu’il y’a une crise d’humanisme et d’humanité. Plusieurs facteurs peuvent être évoqué. Mais fondamentalement, notre grand agent d’équilibre, de régularisation sociétale à savoir la famille qui était le cadre par excellence où on formate les futurs adultes est devenu un concept en déliquescence. Malheureusement, avec les divorces, la notion de couple a éclaté, la famille n’existe plus, les enfants sont laissés à eux-mêmes, les problématiques de remariage de monoparentalité. À cela s’ajoute un état de paupérisation inouïe qui peut visiblement faire naître des frustrations internes chez des personnes vulnérables certes mais peu instruites, jugulées avec le chômage et d’un état d’inégalité de destin entre autres », explique-t-il.
Au sociologue d’ajouter qu’ « aujourd’hui avec l’avènement des réseaux sociaux, nous assistons à l’ère d’un trop plein de violence langagière qui s’est transformée en violence physique. L’on terni l’image des personnes, on les insulte, il n’y a plus de débat d’idées, ni de respect de la dignité humaine ce qui était le fort d’antan du Sénégal. Un portrait assez hideux qu’on peut présenter de notre société actuelle qui est en conflit avec elle-même », se désole-t-il.
À la question de savoir si le Sénégal dispose d’assez de ressources pour la réussite de cette initiative, M Sanoko est sans équivoque. De son avis, « nous retrouver avec des lycées où il va falloir mettre quelque part en exergue le rapport entre armée et nation à travers le canal de l’éducation est à saluer. Il faut que l’on puisse formater le futur homosénégalensis afin qu’il devienne, mesurer et très attacher aux vertus cardinales de la République. On ose espérer que l’exemplarité de l’armée puisse contaminer ou influencer les futurs potaches qui seront formés dans ces lycées pour constituer la crème à travers les cohortes et qu’on puisse faire des sélections pour que les sénégalais se réconcilient avec les vertus de la Nation. Ce n’est qu’ainsi que l’on puisse espérer avoir une génération capable de porter à bras le corps les ressources qui émergent actuellement et de révéler les défis futurs censés être complexes afin de porter le Sénégal dans les voies du développement », suggère-t-il.
Les LYNAQE accueilleront selon le ministre de l’éducation nationale et du Cemga, 604 élèves, de la 6e à la Terminale, sélectionnés par voie de concours.
Et, les infrastructures comprendront un campus pédagogique avec des salles spécialisées, un campus social avec des dortoirs séparés pour filles et garçons, ainsi que des installations sportives et éducatives modernes.
Les premiers établissements à ouvrir leurs portes seront ceux de Sédhiou et de Kaffrine dès l’année scolaire 2024-2025.
Le gouvernement prévoit d’étendre ce modèle à travers tout le pays, avec l’ouverture d’un LYNAQE dans chacun des 46 départements du Sénégal.