Interview exclusive avec Nathaniel Olympio, leader du Parti des Togolais et porte-parole du front « Touche Pas A Ma Constitution », une coalition opposée au changement de constitution votée le 25 mars par l’Assemblée nationale.
Lesnouvellesdafrique.info : Malgré les protestations de l’opposition dont vous faites partie, en avril dernier, les députés ont adopté une nouvelle Constitution avec 87 voix sur 87 qui fait basculer le pays d’un régime présidentiel à un régime parlementaire et acte la disparition de l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Elle crée aussi la fonction de « Président du Conseil des ministres » qui concentre tous les pouvoirs. C’est peut-être une bonne chose non d’expérimenter un nouveau régime politique au Togo ?
Nathaniel Olympio : C’est avant tout un coup d’Etat constitutionnel perpétré par Faure Gnassingbé qui est coutumier du fait. Il l’a fait en 2019, en remettant à zéro le compteur du nombre de mandats, après une modification de la Constitution, et aussi en 2005 en manipulant la loi fondamentale afin de s’octroyer le pouvoir au décès de son père qui a régné sur le Togo d’une main de fer pendant 38 ans. Cette prise de pouvoir s’est soldée par le massacre d’un millier de Togolais.
Ce changement de la loi fondamentale est un coup d’Etat parce que la Constitution de 1992 en vigueur stipule, dans son article 59, alinéa 2 relatif au mandat présidentiel, que « Cette disposition ne peut être modifiée que par voie référendaire ». En imposant donc le changement de Constitution par les députés, Faure Gnassingbé s’est rendu coupable de violation de la Constitution. Et donc, tout ce qui découle de cet acte ne peut être bon pour les Togolais.
La motivation principale de ce changement de Constitution est l’avidité d’un pouvoir à vie. Avec sa nouvelle loi fondamentale, Faure Gnassingbé peut rester indéfiniment au pouvoir, sans jamais se soumettre à une élection. Il suffit que le régime mette en place une fraude massive aux élections législatives, comme cela a toujours été le cas, et le tour est joué.
Lesnouvellesdafrique.info : Le Président de la République, Faure Essozimna Gnassingbé a procédé le mardi 20 août dernier sur proposition du Premier ministre, et conformément aux dispositions transitoires de la Constitution du 6 mai 2024, à la nomination d’un nouveau gouvernement. Quelle est votre réaction ?
Nathaniel Olympio : Il s’agit avant tout d’un gouvernement illégal, parce que composé sur une Constitution illégale. Et quand on regarde de près sa composition, on constate qu’il s’agit d’un recyclage de personnes usées par une grande longévité au gouvernement. Certains sont ministres depuis 18 ans. Englués dans les mêmes pratiques de mauvaise gouvernance, d’abus de pouvoir et de corruption, ils n’ont plus rien de nouveau à proposer. Finalement, ce sont les mêmes politiques publiques inefficaces qui sont appliquées. Dans ce contexte, les Togolais n’attendent pas de bonnes performances de ce gouvernement.
On note également qu’il s’agit d’un gouvernement pléthorique de 35 membres. On remercie ainsi des fidèles qui ont mouillé le maillot pour faire passer la pilule du changement de Constitution. C’est une distribution abusive de l’argent public, une véritable prédation sur les finances de l’Etat. Alors que depuis plusieurs années, l’Etat est obligé d’emprunter chaque mois environ 30 milliards de francs CFA pour boucler son budget.
Lesnouvellesdafrique.info : Joseph Koamy Gloékpo Gomado, maire de la commune de Golfe 1 et membre du bureau de l’Alliance nationale pour le changement (ANC, opposition) a été « suspendu de toutes ses fonctions fédérales et centrales » au sein de l’ANC, après avoir été nommé la veille ministre de l’Aménagement et du développement des territoires. Comment réagissez vous à cette décision ?
Nathaniel Olympio : C’est une affaire interne à un parti.
Lesnouvellesdafrique.info : Quelles sont les marges de manœuvre de l’opposition Togolaise dans le cadre de la lutte pour l’Alternance au sommet de l’Etat ? Surtout qu’elle a moins de cinq sièges à l’Assemblée nationale ?
Nathaniel Olympio : Dans une dictature, le nombre de sièges à l’Assemblée nationale n’a aucune importance pour les forces de libération, et l’alternative au sommet de l’Etat ne peut se produire dans les urnes.
Il revient au peuple togolais de s’organiser, de se mobiliser et d’engager le combat, pas la violence, afin de créer les conditions qui favorisent l’avènement d’une transition politique. Figé depuis une soixantaine d’années dans un régime répressif, le Togo a besoin d’une phase de transition pour reconstruire les fondements de l’Etat de droit, des droits humains et des libertés publiques.
Lesnouvellesdafrique.info : Le Togo est très actif dans la sous-région et offre ses bons offices dans le cadre des initiatives de médiation. Est-ce un motif de fierté pour vous ?
Nathaniel Olympio : Cela aurait été un motif de fierté si la même attention délicate était accordée au peuple Togolais. C’est plutôt une diplomatie de duplicité et de fourberie. Celle qui consiste à polir l’image internationale de faiseur de paix dans la sous-région, pour mieux occulter la répression interne en l’absence d’un Etat de droit.
Quand le régime togolais, pure produit de la françafrique, se drape soudainement d’habits du panafricanisme, c’est qu’il y a un loup. Le pouvoir est à bout de souffle. La dictature de Faure Gnassingbé cherche désespérément à redorer une légitimité internationale érodée, alors qu’il n’a jamais disposé d’une légitimité électorale. C’est pourquoi les Togolais sont vent debout pour mettre un terme à ce régime dynastique, la plus vieille dictature d’Afrique.
Lesnouvellesdafrique.info : Vous avez récemment publié un livre: Quel avenir pour la France en Afrique ? Pourquoi avoir écrit ce livre?
Nathaniel Olympio : J’ai voulu explorer de manière factuelle l’histoire récente des relations entre les Etats africains et français, pour donner à la jeunesse africaine les clefs de compréhension des convulsions socio-politiques qui secouent l’Afrique de l’Ouest et l’impact de ces soubresauts sur les relations avec la France.
Et au-delà, ouvrir les yeux à la jeunesse africaine sur les enjeux géostratégiques et sur les mutations en cours dans les relations internationales.
J’ai exploré les voies qui peuvent permettre aux différents acteurs, d’abord la jeunesse, ensuite nos chefs d’Etat puis la France, de construire un avenir plus équilibré et moins conflictuel.