En début d’année seulement plus de 20.000 réfugiés burkinabè étaient enregistrés à Koro dans la région de Mopti. Depuis la ruée continue de plus belle au Mali. Femmes, enfants ont fui leur pays en proie à des violences djihadistes, ce en quête de conditions de vie meilleures. Mais le Conseil Norvégien des Réfugiés a alerté sur les conditions de vie désastreuses de ces réfugiés présents dans le nord du Mali renforcée surtout en cette période de soudure.
Ousmane Drabo, porte-parole sous régional du Conseil Norvégien des Réfugiés pour l’Afrique de l’Ouest est revenu en fond sur la situation de ces réfugiés.
lesnouvellesdafrique.info (LNA) : Comment expliquez cette ruée de ces réfugiés dans une zone qui est en proie à un conflit qui dure depuis des années ? Le Mali même est confronté à des violences djihadistes.
Ousmane Drabo : La situation actuelle illustre l’ampleur de la crise régionale. Les réfugiés burkinabè fuient des violences intenses dans leur propre pays, cherchant désespérément la sécurité, même dans des zones comme le Mali, qui font face à des conflits similaires. Leurs déplacements montrent qu’ils n’ont plus d’autre choix, préférant prendre le risque de se réfugier dans une zone de conflit plutôt que de rester dans des zones où la situation est encore plus critique. Cela souligne l’urgence d’une action internationale pour stabiliser la région.
lesnouvellesdafrique.info : Quelles sont les solutions envisageables pour répondre aux besoins urgents de ces réfugiés burkinabè ?
Ousmane Drabo: pour répondre à cette situation d’urgence, plusieurs mesures sont essentielles :
Augmenter immédiatement l’aide humanitaire pour fournir des abris, de la nourriture, de l’eau potable, et des services de santé aux réfugiés.
Renforcer la protection des civils, en particulier des femmes et des enfants, qui sont les plus vulnérables.
Travailler avec les autorités locales et internationales pour assurer un accès humanitaire sans entrave aux zones les plus touchées.
Enfin, une réponse à long terme implique un engagement pour résoudre les causes profondes des conflits dans la région, notamment par la promotion de la paix et du développement.
lesnouvellesdafrique.info : Est-ce que le Mali dispose d’assez de ressources pour pouvoir maintenir ces réfugiés qui arrivent par vague ? L’on parle de 180 000 recensés en mi-juillet.
Ousmane Drabo : Le Mali, déjà confronté à ses propres défis humanitaires et sécuritaires, a des capacités limitées pour répondre à un afflux massif de réfugiés. Les ressources disponibles ne suffisent pas pour couvrir les besoins croissants des populations déplacées internes ainsi que des réfugiés burkinabè. Cela nécessite une augmentation significative de l’aide internationale, tant en termes de financements que de soutien logistique et technique, pour répondre aux besoins urgents de ces populations vulnérables.
lesnouvellesdafrique.info : NRC a lancé une alerte en parlant de « conditions désastreuses » des réfugiés burkinabè dans le centre du Mali. Dans quel sens la communauté internationale peut-elle apporter un appui ?
Ousmane Drabo : La communauté internationale doit répondre à cette alerte en augmentant les financements humanitaires destinés à la région, en particulier pour soutenir les programmes d’urgence dans le centre du Mali. De plus, il est crucial de renforcer la coordination entre les acteurs humanitaires et les autorités locales pour s’assurer que l’aide parvienne efficacement aux populations dans le besoin. Le plaidoyer pour un accès humanitaire sûr et sans entrave est également essentiel pour garantir que les aides atteignent les zones les plus difficiles d’accès. Enfin, un engagement politique fort est nécessaire pour pousser vers des solutions à long terme qui adressent les causes sous-jacentes de ces crises.
lesnouvellesdafrique.info : Quels rôles doivent jouer les organisations internationales dans ces crises négligées ?
Ousmane Drabo :Les organisations internationales ont un rôle crucial à jouer pour attirer l’attention sur ces crises souvent oubliées. Elles doivent non seulement fournir une aide humanitaire vitale, mais aussi travailler en étroite collaboration avec les médias, les gouvernements et les donateurs pour mobiliser des ressources et sensibiliser l’opinion publique mondiale. De plus, elles doivent plaider pour une réponse internationale cohérente et coordonnée, qui tienne compte des dimensions politiques, sécuritaires et humanitaires de ces crises, afin de créer un environnement propice à une résolution durable des conflits.
lesnouvellesdafrique.info : Parmi les dix crises les plus négligées en 2023 figurent en première loge 3 pays qui ont récemment connu des putschs : le Mali, le Burkina et le Niger qui a fait son entrée selon votre organisation. Que l’un d’eux fasse lieu de refuge. N’est-ce pas paradoxal ?
Ousmane Drabo: Cela peut sembler paradoxal, mais c’est malheureusement une réalité de la complexité des crises dans la région. Les populations en fuite n’ont souvent pas le luxe de choisir un lieu de refuge totalement sûr. Elles cherchent avant tout à échapper aux violences immédiates, même si cela signifie traverser des frontières vers des pays eux-mêmes en crise. Cette situation souligne l’interconnexion des crises au Sahel et la nécessité d’une réponse régionale et internationale coordonnée pour stabiliser la zone et protéger les populations vulnérables, indépendamment des frontières nationales.