Pas de journaux imprimés ce mardi (13.07.24) au Sénégal. Les seuls qui sont parus affichent des Unes quasi identiques.
Sur un fond noir, on peut lire les mots « journée sans presse » en rouge et blanc, ainsi que des poings levés avec un crayon, un téléphone portable ou encore un micro.
Les adeptes de la radio, de la presse écrite et de la télévision vont devoir prendre leur mal en patience. En effet, ce mardi( 13-08-24), les professionnels des médias sénégalais ont tout bonnement jeté leurs encres. Des mesures fiscales et économiques ont presque mis en faillite les entreprises de presse selon le patronat.
La grande majorité a suivi le mot d’ordre. Toutefois, force est de reconnaître que certains grands médias à l’image du groupe Walfadjiri, le Soleil, Rewmi quotidien entre autres ont tourné le dos à leurs confrères. « Journée sans presse » pour certains et « journée sans mensonge » pour d’autres .
Un désamour entre confrères ou combat de principe ?
Dans un communiqué rendu ce lundi ( 12-08-24), l’APEPS (Association des Patrons et Éditeurs de Presse du Sénégal ) désapprouve la méthode de grève. Selon l’association, il est essentiel que l’État et les médias privilégient les concertations afin de résoudre les problèmes de manière constructive. Et, elle n’est pas la seule à montrer son désaccord. Ils sont nombreux, ces journalistes à avoir décrié sur leurs pages Facebook cette décision.
A l’image du journaliste-blogger Ayoba Faye qui n’approuve pas cette journée sans presse. Dans son post, on peut lire « On a arrêté, emprisonné, brutalisé, gazé, des journalistes. On a fermé des médias. On a retiré la Licence de Walfadjiri « définitivement », réprimé le même groupe en lançant des grenades lacrymogènes dans ses locaux.
On a laissé quasiment Pape Alé Niang à l’article de la mort. On a tabassé Absa Hanne dans un fourgon de la police à la Place de la Nation jusqu’à ce qu’elle perde connaissance…
On a vécu sous Macky… toutes les brimades et humiliations. Vous avez laissé faire le Monstre. Mais aujourd’hui que vos portefeuilles sont touchés, c’est la Fin du monde. Vous décrétez une « Journée Sans Presse ». NON ! », le journaliste dénonce ainsi une démarche malhonnête des patrons de presse.
Ou encore le post de la journaliste du groupe privé Emedia Invest, Aissata Ndiathie. Cette dernière, dénonce la précarité des reporters. À l’en croire, « les patrons sont plus préoccupés par la sauvegarde de leurs affaires que par l’amélioration des conditions de travail des reporters ».
À la journaliste d’ajouter qu’ils « n’ont pas le droit de prélever les impôts sur nos revenus sans les reverser au fisc. Vous n’avez pas le droit de nous priver de retraite en négligeant nos cotisations sociales. Nous aussi avons le droit de prétendre à une vie décente, une retraite paisible, un accès à l’IPM, une maison, une voiture », se veut -elle claire .
Elle invite ainsi les patrons à l’amélioration des conditions de travail et de vie des journalistes, la sauvegarde de leur dignité professionnelle.
Trouvé dans une gargote à la montagne rouge de Ouakam, Moustapha, la vingtaine affirme être en phase avec cette décision de surseoir aux productions. Car dit il, l’État n’a pas créé un cadre viable pour ces entreprises de presse. Donc, il ne devrait pas exiger le paiement des impôts. Toutefois, il affirme que le moment est mal choisi pour décréter une journée sans presse.
Ibrahima Lo, son ami prend le contre pied. À l’en croire, « les médias ont une responsabilité envers la société. En payant leurs impôts, elles contribuent au financement des services publics, à l’infrastructure et au bien-être général. Cela renforce leur légitimité et leur rôle dans la société », fait il savoir ajoutant que « les préoccupations concernant les conditions de travail des journalistes devraient être adressées par le biais de dialogues avec les syndicats, la mise en place de politiques de ressources humaines justes et éventuellement par des réformes internes mais pas se faire passer pour une victime et crier au scandale pour gagner l’empathie des gens ».
Selon les derniers chiffres disponibles, la dette des médias sénégalais auprès du Trésor public s’élève à 40 milliards de francs CFA (soit environ 61 millions d’euros). L’ex-président Macky Sall avait promis d’en effacer une partie mais aucune mesure en ce sens n’a été prise avant son départ du pouvoir.
Une décision aux multiples conséquences
Cette journée sans presse va sans nul doute impacter aussi bien sur le secteur formel qu’informel. Les kiosques ont fermé boutique de même que les imprimeurs. Des pertes qui peuvent être appréciées au moins à plusieurs dizaines de millions de francs CFA en une seule journée.
La « journée sans presse » a lieu « dans un contexte où 26 % des reporters du pays sont dépourvus de contrats de travail » alors que « des entreprises de presse traînent de lourdes dettes fiscales » sur fond d’une « crise de confiance entre les médias et le public », selon l’ONG Reporters sans frontières.