Kidnapping, menaces de mort, arrestations et emprisonnements arbitraires des voix critiques à la junte, fermeture des médias privés… le chef de la junte guinéenne, Mamadi Doumbouya, semble résolu à éliminer toute opposition politique menaçant son régime.
Un pouvoir politico-militaire dont l’état clinique ne rassure plus que ceux qui fument « l’herbe verte » avec l’autoproclamé général au Palais Mohamed V de Conakry.
Quid du soutien indéfectible de l’artiste reggae Takana Zion, qui a chanté à l’investiture de Mamadi Doumbouya et lui dédie régulièrement des chants aux accents de cannabis guinéen ?
Tel un renard utilisant son odorat, sa vue et son ouïe pour chasser et capturer ses proies, l’autoproclamé général de Brigade élimine tout adversaire sans laisser de traces.
Ainsi, après la mort en prison en juin, dans des circonstances mystérieuses, de l’ancien chef d’état-major de l’armée et ex-numéro deux de la junte, le général Sadiba Koulibaly, deux responsables du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), kidnappés nuitamment par des hommes en uniforme militaire cagoulés, sont portés disparus.
Depuis, les familles de Fonikè Menguè et Billo Bah n’ont aucune nouvelle des leurs (NDLR : les avocats des deux activistes ont demandé à la Cour pénale internationale d’intervenir “en urgence” et de “demander des investigations immédiates” sur leur sort).
Cerise sur le gâteau, le procureur général a décliné toute responsabilité dans ces enlèvements, affirmant que les deux leaders ne sont dans aucune prison du pays.
Un scénario parfait pour distiller la peur à tous ceux qui voudraient s’opposer au pouvoir militaire dirigé par l’ancien membre de la légion étrangère française.
La volte-face déroutante
Pourtant, le 5 septembre 2021, lors de sa prise de pouvoir, de nombreux Guinéens avaient naïvement cru aux promesses de Mamadi Doumbouya. Dans une adresse à la télévision nationale, largement relayée en direct sur les réseaux sociaux, le chef de la junte avait promis une transition apaisée, sans vaciller. Mais avec le temps, dans le ciel politique guinéen, « le soleil ne se lève plus à l’est pour se coucher à l’ouest ».
Après tout, comme disait Jacques Chirac, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
“Nous voulons faire de la Guinée un pays « normal »”, disait Mohamed Béavogui, six mois après le coup d’État qui a renversé Alpha Condé, et quelques jours après l’annonce de la tenue d’assises nationales autour des questions de réconciliation nationale et de justice transitionnelle.
Un dialogue politique que les faucons du pouvoir ne voyaient pas d’un bon œil, accusant Mohamed Béavogui de vouloir précipiter la fin de la transition.
Ils réussirent finalement à faire échouer les concertations nationales inclusives, allant jusqu’à récuser les garanties exigées par l’opposition.
Ainsi, en quittant Conakry à la mi-juillet 2022, officiellement pour se faire soigner à Rome en Italie, les chances d’un retour de Mohamed Béavogui à Conakry étaient donc minces.
Et pour cause, l’ex-Premier ministre « avait presque fait de la tenue du dialogue politique national une des conditions pour son retour au pays. Et Mamadi Doumbouya savait qu’il pourrait ne plus le revoir dans son gouvernement ».
Les faucons du pouvoir
Parmi les faucons du pouvoir militaire, il y a le ministre directeur de cabinet à la présidence, Djiba Diakité, un ingénieur en recherche de marchés financiers. Certains le surnomment le vice-président. C’est le cerveau dans l’ombre de Mamadi Doumbouya.
Il serait l’homme qui fait dévorer la plupart des personnalités à la tête des institutions étatiques et qui font de l’ombre au “chef”.
Mais le général Mamadi Doumbouya compte aussi sur son discret et incontournable président du Conseil national de Transition (CNT), Dansa Kourouma, et son actuel Premier ministre, Bah Oury.
Tous deux travaillent inlassablement pour le maintien au pouvoir du président qui aime parcourir les rues de Kaloum à vélo. Mais pour continuer sa course allègrement dans le pays, le loup dans la bergerie doit dévorer tout sur son passage dans un contexte politique et social difficile.
C’est pourquoi les Forces vives, qui regroupent les partis politiques, les syndicats et les organisations de la société civile, préparent une mobilisation pour dénoncer la répression généralisée.
En France et en Belgique, des manifestations sont déjà prévues le samedi 20 juillet avec pour objectif de dénoncer la tyrannie en cours en Guinée.