Troublantes controverses autour des fonds spéciaux au Sénégal

C’est un pavé que le président Diomaye Faye a lancé dans la marre. Ce samedi (13.07.24) lors d’un entretien accordé aux médias nationaux, Bassirou Diomaye Faye a déclaré avoir trouvé une caisse noire » vide » à son arrivée au pouvoir. Et comme une réponse du berger à la bergère, le chef de l’Etat en a entendu des vertes et pas des mûres de la part de l’opposition. Celle-ci est sortie de son silence pour balayer d’un revers de main ces propos du nouveau président.

Fonds politiques, fonds spéciaux, caisse noire : voilà autant d’appellations pour désigner de l’argent attribué à des sphères étatiques mais dont la gestion et l’utilisation sont inconnues du grand public. Comme dans de nombreux pays, au Sénégal, c’est la loi de finances qui attribue les catégories de fonds spéciaux.

Et si leur procédure passe par le vote de la loi au parlement, le citoyen ordinaire y voit une manière facile de se procurer l’argent du contribuable.

En clair, il s’agit d’importantes sommes d’argent que l’on partage en fonction des positions privilégiées, parfois excessives. Certains qualifieraient cette attribution d’illicite en raison de la désinvolture de leurs usages.

Selon un juriste qui s’est exprimé sur la question « ces fonds spéciaux sont inscrits dans le budget de l’Etat, mis à la disposition du président de la République pour des actions secrètes ou sociales ».

De ce fait, il ‘n’y a aucun contrôle à priori concernant son utilisation. Le président peut en faire ce qu’il veut. C’est la loi qui l’autorise et sa gestion n’obéit à aucune règle de transparence.

De nombreux juristes estiment, en revanche, que l’utilisation des fonds spéciaux doivent faire l’objet de contrôle. Car, disent-ils, cet argent est prévu pour le fonctionnement des institutions de la République. Ces fonds spéciaux sont le fait d’usages, de pratiques politiciennes arrivés dans l’ordonnancement certes mais ne figurent pas dans l’arsenal juridique.

Quelle utilité?

A l’origine, les fonds spéciaux ont pour but de permettre à l’institution politique en la personne du président de la République de mener des activités qui, normalement ne sont pas portées à la connaissance du public.

Au fil des années, ces fonds ont été élargis à d’autres institutions telles que l’Assemblée nationale qui a une fonction politique de représentation.

Des institutions comme le conseil économique social et environnemental et le haut conseil des collectivités territoriales en ont aussi bénéficiées.

Les fonds secrets servent à des opérations secrètes mais l’ampleur de leur utilisation jugée nébuleuse ou frauduleuse avait amené Ousmane Sonko, alors opposant, d’en exiger un contrôle strict.

Il avait même trouvé judicieux de changer l’appellation de fonds politiques par l’expression « fonds secrets » dans la mesure où ils servent à un certain nombre d’actions discrètes ne pouvant pas être rendues publiques.

A l’époque Ousmane Sonko préconisait la création d’une commission qui se chargerait de la gestion des fonds spéciaux.

Le gouvernement de Diomaye-Sonko avait évoqué la suppression de la fameuse caisse noire en lieu et place de fonds secrets qui seraient directement sous le contrôle de l’Assemblée nationale. Mais à voix basse, l’on apprend que le président Bassirou Diomaye Faye semble avoir classé le dossier sans suite du moins le mutisme sur la question enfle les suppositions.

De l’avis de notre juriste interrogé, si le gouvernement actuel veut changer les contours ou natures de ces fonds, il va falloir voter une nouvelle loi dans la prochaine loi de finances afin d’introduire les modifications nécessaires. Car si la question continue de faire débat c’est parce qu’il y a, d’abord, l’absence d’un cadre juridique mais aussi parce que la procédure de contrôle est inexistante.

Un vide juridique qui facilite les déviations, dérives et abus autour d’importantes sommes d’argent dont l’utilisation peu transparente suscite des interrogations.

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