Les tensions dans l’Est de la RDC ne semblent pas être prêts à connaître leur épilogue. Le mouvement rebelle M23, « soutenu » par le Rwanda voisin gagne de plus en plus du terrain. Ce groupe qui sévit depuis 2021 dans la province du Nord Kivu à récemment pris trois villes stratégiques ( Kanyabayonga, Kahina et Lubero), mettant en difficulté de nombreux civils dans la région. Et, ils continuent leur progression.
Dans leurs précédents rapports semestriels, le groupe d’experts des Nations unies (ONU) pour la République démocratique du Congo (RDC) a exposé l’implication d’éléments des forces de défense du Rwanda (FDR) aux côtés du mouvement rebelle, le Mouvement du 23 mars (M23) dans la province du Nord-Kivu, dans l’extrême est de la RDC. Présence niée jusqu’alors par Kigali.
Le journaliste, analyste politique congolais Kerwin Mayizo décrypte la mission de l’Onu et ses failles dans la situation politico-sécuritaire de la RDC.
Lesnouvellesd’afrique.info : Dans un rapport publié, l’Onu expose la montée en puissance du soutien du Rwanda au groupe rebelle M23 à l’Est de la Rdc alors qu’en janvier, le ministre Rwandais des affaires étrangères avait nié ces incriminations et l’avait qualifié de problèmes internes. L’Ouganda a également été cité. Votre impression?
Kerwin Mayizo : L‘ONU s’est montré faible dans sa mission. Même si elle a assuré la sécurité et la stabilité du pays . Le rapport est clair que le Rwanda soutient le mouvement rebelle M23, il épingle également le rôle de l’Ouganda dans ces agressions. Ces deux pays voisins ont toujours été présents dans cette partie de la ville. Ils se sont affrontés et ces tensions s’étaient soldés à plusieurs morts.
Lesnouvellesdafrique.info : Avec la publication de ce rapport, les relations entre ces deux pays voisin ne risquent-elles pas de se détériorer davantage ?
Kerwin Mayizo : c’est trop dire de parler de relations qui se détériorent. Depuis 1996, le Congo a été agressé par le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi. Depuis 2001, beaucoup de rapports de l’Onu incriminent ces derniers. Et cette agression est appréciée au regard de la résolution 33-14 du 14 décembre 1974, 33e assemblée générale des Nations unies qui définit l’agression et une partie du territoire congolais a été occupé par des forces étrangères au regard de l’article 49 de la convention de la haie de 1907. Les relations diplomatiques entre la RDC et le Rwanda ne sont pas bonnes.
Ce dernier est accusé de traverser la frontière de soutenir les groupes rebelles, de piller les richesses du Congo depuis des années. Ce qui est à craindre c’est euh… plutôt l’attitude des autorités congolaises qui n’ont toujours pas fermé les frontières et maintiennent des relations diplomatiques avec leur voisin et font des dialogues qui n’aboutissent à rien. Ils négocient en concédant aux caprices de Paul Kagame et du président Ougandais Yoweri Museveni.
La situation est devenu très tendu et ce sont les populations qui en payent le prix. Le gouvernement congolais refuse de négocier et ne met pas en place des moyens pour appliquer l’article 51 de la charte des Nations unies sur la légitime défense et sur le plan diplomatique il ne parvient pas à implanter tout le chapitre 7 de cette charte parce que la diplomatie congolaise accuse certaines faiblesses devant leurs intérêts de certains pays occidentaux.
Lesnouvellesdafrique.info : Qui est derrière le M23 selon vous ?
Kerwin Mayizo : non seulement le Rwanda est derrière ce mouvement rebelle, – le dernier rapport parle de la présence de 3000 à 4000 militaires – l’armée patriotique rwandaise sur le territoire congolais à cela s’ajoute qu’ils ont recruté des enfants dans des camps de réfugiés. Or, il est de notoriété que ceux qui se trouvent dans ces camps sont souvent des descendants Rwandais qui revendiquent la nationalité congolaise pour y avoir longtemps vécu. Il y’a plus de militaires rwandais qui sont des combattants du M23, qui avaient signé un accord de paix le 23 mars 2009 . Quelque soit le bout par lequel on prend l’affaire, on verra la présence du Rwanda.
Le secrétaire général des Nations unies avait une fois parlé de la faiblesse de la Monusco à mettre fin à la nuisance des forces armées . Il avait également notifié que certains mouvements dont le M23 avaient des armes supérieures à une armée nationale et que l’Onu n’avait pas les moyens de combattre une telle force. Alors il est bon de se poser des questions sur qui est derrière ce mouvement qui a des armes sophistiquées et qui est financé par l’Union Européenne et les États Unies , entrainés par ces deux entités, et qui peut avoir ces moyens si ce n’est le Rwanda. Ce dernier veut atteindre l’Est de la RDC et avoir un espace vital afin de piller les matières premières pour faire avancer l’agenda de certaines multinationales.
Lesnouvellesdafrique.info : Quelle appréciation faites vous du rôle Monusco ?
Kerwin Mayizo : la Monusco n’a pas jouée son rôle. Depuis l’institution de cette mission , elle n’a fait que compter les morts. La Monusco avait deux volets. L’un concernait le maintien de la paix et l’autre, la stabilisation des institutions du Congo. Si on regarde le bilan du rapport des experts des Nations unies et des projections mathématiques, depuis 2006, l’Onu ne compte plus le nombre de morts. Ce qui fait que la plupart des projections parle de plus de 1 000 000 de morts, plusieurs millions déplacés et des dizaines de milliers de femmes violées.
On ne parle pas du coût économique et les ressources pillées en termes d’or. Le Rwanda est devenu un des plus gros importateur de coltin l’on se demande d’où vient cette ressource alors qu’il n’en dispose pas. Donc l’Onu s’est montrée suffisamment inefficace alors que lorsqu’il s’agit de réprimer la population congolaise qui avait protesté pour son départ. Côté maintien de la paix, elle a largement failli mais s’agissant de la stabilisation de la RDC, n’eut été elle, certains coins du Congo seraient un non État.
Globalement, c’est une mission budgétivore qui a échoué (plus d’un milliards de dollars par jour).
Maintenant qu’elle est partie, l’aspect sécurisation va manquer à la population surtout celle du Sud Kivu. Elle assurait aussi le rôle d’empêcher certains de piller les ressources du pays. À chaque fois qu’il y’avait la présence étrangère dans certaines parties du Congo, c’est elle qui documentait par des rapports tout ce qui s’y passait. Donc on peut dire que c’est un grand témoin qui part.
Lesnouvellesdafrique.info : Le président Félix Tshisekedi avait fait part de sa détermination inébranlable à défendre leur territoire et à rétablir la paix face à cette agression injustifiée. Un dialogue où une solution diplomatique serait il possible notamment avec la pression du mouvement M23 ?
Kerwin Mayizo : le président Tshisekedi a joué son rôle. Toutefois, il faut dire qu’il n’est pas crédible. Depuis toutes ces déclarations, il n’a jamais rompu les relations diplomatiques avec le Rwanda à tel enseigne que l’ambassade de ce dernier fonctionne toujours, il n’a non plus fermé ses frontières alors que c’est à L’Est notamment avec l’Ouganda que se passe l’agression. Le Rwanda et l’Ouganda s’étaient battus en pleine ville de Kisangani à l’époque 3e ville de la Rdc, à plusieurs centaines de kilomètres de leur frontières pour le rétablissement de leurs zones d’influence où des matières premières étaient exploitées notamment l’or et le diamant. Donc, faire des déclarations tout en gardant les relations diplomatiques n’est pas crédible.
C’est ce qui explique le fait que quand la RDC demande de l’aide ou des sanctions, on l’écoute pas. Comme on dit, la charité bien ordonnée commence par soi même. Normalement devant la faiblesse de l’armée congolaise.
Devant la faiblesse de l’armée congolaise qui est infiltrée par l’armée Rwandaise. A une époque, l’actuel ministre rwandais de l’intégration sous régionale a été chef d’Etat major de l’armée congolaise donc c’est une armée infiltrée dont on a injecté massivement des militaires d’origine rwandaises à chaque fois qu’il y’avait négociation.
La condition c’était d’incorporer certaines forces armées soutenues par le Rwanda. Ce qui rend l’armée congolaise inefficace c’est que chaque groupe obéit à ces anciens dirigeants. À cela s’ajoute le manque d’équipement, le manque d’entraînement et le manque de motivation. Il reste qu’une solution diplomatique. Il faut que le président se donne les moyens de négocier, qu’il soit en position de force sauf que pour le moment ce n’est pas le cas.
Ce rapport affirme également que l’Ouganda a permis à des responsables de la rébellion du M23 de séjourner à Kampala et à Entebbe. Des allégations catégoriquement rejetées par le porte-parole de l’armée Ougandaise, le brigadier général Félix Kulayigye.
Selon lui, « si ces experts sont réellement des Nations unies, ils devraient soutenir les efforts régionaux pour trouver une solution pacifique, plutôt que de nous accuser de prendre partie. Non, notre pays n’est pas utilisé comme base par ces rebelles ». Ajoutant qu’en revanche, « notre pays accueille des réfugiés pour leur propre sécurité, en accord avec la politique des Nations unies. Nous avons de très bonnes relations avec le gouvernement de la RDC ».
Ndeye Mour Sembene