La question des longues détentions provisoires, un problème qui mine le secteur de la justice. En effet, 6000 des quelque 15000 personnes séjournant en prison au Sénégal sont en détention provisoire, avait dénombré le secrétaire général de l’Ordre des avocats du Sénégal lors de la conférence annuelle des chefs de parquet au mois de décembre 2023. De longues détentions provisoires qui constituent un facteur non négligeable dans le surpeuplement des prisons.
La question des longues détentions provisoires a constitué l’un des points sur laquelle s’est penchée la plupart des acteurs ayant pris part aux assises de la justice portant sur la réforme et la modernisation de la justice bouclée le 04 juin dernier.
Une question essentielle au cœur des débats depuis de longues années.
En effet, la situation politico-judiciaire vécue au Sénégal entre 2021 et 2023 a, en quelque sorte mis la puce à l’oreille sur les conditions de détention dans les prisons qui étaient déjà assez connues.
Les déclarations des détenus dits politiques libérés en début 2024 en avaient dit long sur la vie « terrifiante et la situation carcérale préoccupante ».
Une pareille situation est aussi décrite par le président de l’Asred, une association qui œuvre pour le soutien et la réinsertion sociale des détenus.
Si l’on se fie à son président, plus de 260 détenus sont toujours dans les liens de la justice alors que leurs dossiers sont perdus depuis belle lurette.
Mieux le détenu qui a subi une longue détention ne bénéficie pas d’indemnisation au sortir. D’où l’importance de situer les responsabilités qui sont partagées.
Ibrahima Sall déplore les détentions de 3, 4 ans et plus subies alors que le prisonnier dispose du principe de présomption d’innocence.
D’autant plus qu’entre 2021 et 2023, ceux qui ont été en prison ont été « accusés de terroristes, attentat à la sûreté de l’État, insurrection ou participation à une manifestation non autorisée « , tous ont attendu un procès qui ne viendra jamais.
Pour parer à ce problème, lutter contre la surpopulation carcérale, l’État sénégalais avait trouvé comme moyen l’introduction du bracelet électronique. Objectif : désengorger les prisons. Une alternative à la prison évoquée depuis 2018 et approuvée en juillet 2020 et appliquée en 2023. Un recours technologique pour lequel certains professionnels de la justice et des défenseurs des droits avaient émis des réserves car estimant peu développé la capacité du système judiciaire du pays à appliquer la mesure.
Il s’agit entre autres de l’accès inégal aux moyens de communication pour la mise en œuvre ou sur l’équité entre justiciables.
Les assises de la justice ont dès lors sonné comme la réponse à un problème majeur.
La réforme sur l’instauration d’un juges des libertés et de la détention a été bien accueillie par les acteurs de la justice et les organisations des droits de l’homme qui l’ont depuis toujours réclamée.
Le forum du justiciable sénégalais par la voix de son président l’avait salué car étant un bon moyen de parer la manière de la délivrance des mandats de dépôt et du nombre pléthorique de détenus en position de détention préventive.
Ibrahima Sall de renchérir que la plupart des prisons ne répondent pas aux normes requises c’est-à-dire prévues par la loi. Certaines violant même l’arrêté qui fixe les normes d’hébergement soit 3,50 mètre carré par détenu.
C’est la conséquence de l’entassement des détenus à la maison d’arrêt et de correction de Rebeuss (Centre de Dakar) ou des prisons à ciel ouvert comme dans l’intérieur du pays alors que le Sénégal est cité en exemple en matière d’exception démocratique en Afrique.
Par ailleurs il faut dire qu’entre la surpopulation, les conditions de vie difficile et les longues détentions, les prisons sont le théâtre de grèves de la faim parfois ou de mutineries comme celle intervenue ce mercredi (19 06 2024) au camp pénal de Liberté 6 à Dakar, (prison dans la capitale).
En effet, une opposition à une fouille des chambres consécutive à de la présence de chanvre indien a mené à de vifs affrontements entre détenus et gardes pénitenciers. Certains d’entre eux d’après une source officielle ont refusé de se » soumettre à l’appel nominatif, qui reste une mesure de sécurité obligatoire.
L’observatoire national des lieux de privation et de liberté (ONLPL) qui a pour mission de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté pour s’assurer du respect de leurs droits notamment prévenir la torture ou autres peines ou traitements cruels reste invisible. D’après Ibrahima Sall, son organisation, l’Asred s’occupe en grande partie du travail devant être accompli par l’Onlpl.
Il interpelle le président Bassirou Faye et son premier ministre à agir pour des raisons humanitaires au plus vite. Eux qui ont été incarcérés arbitrairement et qui ont vu ce qu’était la réalité dans les prisons, a-t-il ajouté.