« Très peu de fonds dans la zone du Sahel sont alloués à des projets à fort impact communautaire » (Alexandre Guibert Lette,Teranga Lab)

L’utilisation de carburants d’origine fossile comme le charbon, le pétrole ou le gaz sont à l’origine d’émissions de GES (gaz à effet de serre). Ces émissions, principales responsables du réchauffement climatique ont poussé les leaders mondiaux vers l’accord de Paris lors de la Cop 21. Parallèlement, le secrétaire général de l’ONU lors de la journée mondiale de l’environnement célébrée mercredi (05 06 2024) a plaidé pour une taxation plus lourde des compagnies pétrolières. Antonio Guterres y voit une manière de financer les pertes et dommages subis par les populations à travers le monde.

Dans cet entretien, Alexandre Guibert Lette, directeur exécutif de Teranga Lab, une fabrique citoyenne et écologique basée à Dakar, au Sénégal revient sur l’importance de la nécessité d’une transition énergétique juste et équitable pour les pays en développement.

lesnouvellesdafrique.info : Alexandre Guibert Lette bonjour

Alexandre Guibert Lette : Bonjour

lesnouvellesdafrique.info : Lors de la célébration de la Journée mondiale de l’environnement ce 5 juin, le secrétaire général de l’ONU préconisait une hausse de la taxation des compagnies pétrolières. Une bonne solution pour lutter contre les émissions de dioxyde de carbone ?

Alexandre Guibert Lette : La proposition du secrétaire général de l’ONU de taxer davantage les compagnies pétrolières est une mesure intéressante qui peut être potentiellement efficace pour réduire les émissions de dioxyde de carbone. Dans notre organisation et à travers les activités que nous menons, nous croyons fermement que les grandes entreprises doivent assumer leur part de responsabilité dans la crise climatique. Nos travaux de plaidoyer mettent en avant la nécessité d’une transition énergétique juste et équitable, et la taxation accrue pourrait inciter ces compagnies à investir dans des solutions plus durables. Les revenus générés par ces taxes pourraient également être réinvestis dans des projets d’énergie renouvelable et des initiatives de réduction des émissions, particulièrement dans les pays en développement.

lesnouvellesdafrique.info : N’est-ce pas paradoxal cette invite dans la mesure où les pays dits « les principaux pollueurs » sont ceux qui détiennent ces plus grandes compagnies pétrolières ? En plus d’être souvent eux qui suggèrent de telles demandes.

Alexandre Guibert Lette : Il est effectivement paradoxal que les principaux pollueurs soient à la fois responsables de la crise climatique et promoteurs de certaines solutions. Toutefois, il est important de saisir cette opportunité pour créer des changements structurels. C’est ce que nous soulignons à travers l’importance d’une gouvernance mondiale plus cohérente et transparente, où les nations et les entreprises les plus polluantes doivent être tenues responsables et contribuer de manière substantielle aux efforts de lutte contre le changement climatique. La pression internationale et le plaidoyer citoyen peuvent jouer un rôle crucial pour garantir que ces propositions ne restent pas de simples paroles. Lors de la dernière Cop à Dubaï nous l’avons martelé devant les décideurs du monde.

lesnouvellesdafrique.info : Concrètement, comment est-ce que cela pourrait se faire en termes d’application et comment les pays les moins pollueurs pourraient-ils en bénéficier ?

Alexandre Guibert Lette : Concrètement, la taxation des compagnies pétrolières pourrait être mise en place par des mécanismes de taxation internationaux coordonnés, avec des contributions basées sur les niveaux de production et de pollution. Les fonds récoltés pourraient être administrés par une agence internationale dédiée, qui distribuerait les ressources aux projets de développement durable dans les pays les moins pollueurs. Je plaide pour des mécanismes de transparence et de redevabilité stricts afin de s’assurer que les fonds soient utilisés efficacement et réellement profitent aux communautés les plus vulnérables aux effets du changement climatique. Il faudrait que ces fonds ne se cachent pas derrière l’instrument de la dette pour que les pays vulnérables puissent clairement en bénéficier.

lesnouvellesdafrique.info : Limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale en dessous de 2 degrés. Tel était l’accord de Paris adopté lors de la COP 21, une stratégie à long terme. Pensez-vous qu’il a été bien mis en pratique ?

Alexandre Guibert Lette : L’accord de Paris a été un jalon important dans la lutte contre le changement climatique, mais sa mise en pratique reste inégale. Beaucoup de pays ont pris des engagements ambitieux, mais les actions concrètes et les résultats tangibles sont souvent insuffisants. Il faut continuer de plaider pour une plus grande transparence et des actions renforcées. Et cela passe par le soutien aux initiatives locales qui visent à réduire les émissions et à promouvoir des pratiques durables. La participation active de la société civile est cruciale pour maintenir la pression sur les gouvernements et les entreprises afin qu’ils respectent leurs engagements climatiques.

lesnouvellesdafrique.info : face aux nombreux défis posés par le changement climatique et le besoin de renforcement de soutien que les pays développés doivent apporter à ceux en développement, est ce que des progrès ont été réalisés en ce sens ?

Alexandre Guibert Lette : Des progrès ont été réalisés, mais ils sont encore largement insuffisants. Les pays développés ont promis de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement à faire face au changement climatique, mais les montants réellement déboursés sont souvent en deçà de ces engagements. Il important de renforcer le plaidoyer et travailler à sensibiliser et à plaider pour une allocation plus juste et plus transparente des fonds climatiques. La zone du Sahel est l’une des zones les plus vulnérables en terme de changement climatique, mais très peu de fonds y sont alloués à des projets à fort impact communautaire. Il est essentiel que les financements soient accessibles et qu’ils soutiennent réellement les projets locaux qui ont un impact direct sur les communautés affectées. Nous appelons à une plus grande coopération internationale et à un respect accru des engagements financiers pour garantir une transition énergétique juste et inclusive.

les nouvelles dafrique.info : je vous remercie Alexandre Gubert Lette

Alexandre Guibert Lette : Merci

Alexandre Guibert Lette est directeur exécutif de Teranga Lab. L’association basée à Rufisque au Sénégal travaille sur les thématiques de l’engagement citoyen et le réveil de la conscience écologique à travers l’éducation environnementale chez les jeunes. Elle intervient aussi dans des projets de développement.

compagnies pétrolièresdioxyde de carbonefondsGESprojets à impact communautairetaxation