En Éthiopie, le dialogue national, considéré par ses promoteurs comme une chance unique d’empêcher la dislocation du deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, entre difficilement dans le vif du sujet après plus de deux ans de préparation. La Commission du Dialogue National (ENDC) a principalement sélectionné les délégués des 12 États régionaux et des deux villes fédérales, Addis Abeba et Dire Dawa. Le 29 mai, elle a enfin lancé les premières discussions à Addis Abeba, se concentrant sur la collecte des ordres du jour, c’est-à-dire les sujets que chaque région souhaite aborder lors du futur dialogue, dont le calendrier reste inconnu.
Ce démarrage, qualifié de « jalon décisif » par Mohamoud Dirir, membre de la Commission, vise à inclure toutes les composantes sociales, politiques et armées du pays de 120 millions d’habitants, marqué par de nombreux conflits. Cependant, la véritable opposition politique et les principaux acteurs armés ne participent pas au processus.
Seize partis, dont le Parti de la Prospérité du Premier ministre Abiy Ahmed, ainsi que des représentants du gouvernement, de la société civile et des religions, ont participé aux discussions à Addis Abeba. Le parti Ezema, malgré des réserves, voit dans ce dialogue une opportunité de révision constitutionnelle et de création d’un espace politique libre et équitable.
Merera Gudina, président du Comité des Partis d’opposition, critique l’absence de participation, de neutralité et d’indépendance, qualifiant le dialogue de « mort-né ». Abiy Ahmed a également écarté la possibilité d’un gouvernement transitoire d’union, insistant sur les élections comme seul moyen de légitimer un gouvernement.
Le dialogue se heurte à la persistance de conflits armés, notamment en Oromia et en Amhara, où des groupes armés continuent de s’opposer au gouvernement fédéral. Ezekiel Gebissa, professeur à l’université américaine de Kettering, souligne l’impossibilité de mener un dialogue sérieux sans cessez-le-feu préalables.
Lemi Gemechu, porte-parole du Front de libération oromo, considère le dialogue comme une opération de relations publiques sans potentiel de paix durable. L’Éthiopie, confrontée à une grave crise économique, espère un dialogue sincère pour résoudre les problèmes fondamentaux du pays, selon Mengistu Kebede, professeur à Addis Abeba.
Le succès du dialogue national éthiopien dépendra de l’inclusion de toutes les parties prenantes et de la volonté politique de parvenir à une paix durable. Le scepticisme et les défis nombreux soulignent la complexité de cette entreprise, importante pour l’avenir du pays.