Depuis lundi, les avocats du Burkina Faso ont déclenché une grève pour dénoncer le non-respect des décisions de justice et les violations répétées des droits humains dans le pays. Ce débrayage a également pour objectif d’attirer l’attention des autorités militaires de transition sur de nombreux manquements aux procédures judiciaires. Ce qui n’est pas de nature à faciliter le travail des avocats.
Ainsi pendant quatre jours, les avocats burkinabè ne porteront pas leur robe. Et durant le mouvement, « ils devront, s’abstenir d’occuper ou de participer aux audiences devant toutes les juridictions sans exception », selon la déclaration lue par le bâtonnier. Une première au Burkina Faso depuis la prise du pouvoir par l’armée.
« Elle fait suite, aussi et surtout, à l’affaire Guy Hervé Kam, l’avocat poursuivi pour association de malfaiteurs et atteinte à la sûreté de l’Etat. Ses confrères du barreau dénoncent « un abus de justice » et le non-respect des formalités prévues par la loi en vue d’une libération de l’avocat », nous dit le juriste et ancien ministre de la justice, Paul Kiemdé.
Guy Hervé Kam est incarcéré à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) de Ouagadougou. Il avait été arrêté fin janvier, libéré, puis immédiatement interpellé de nouveau. Un tribunal a ordonné sa libération immédiate. Une décision confirmée en appel le 23 avril, et pourtant, Guy Hervé Kam est toujours derrière les barreaux.
«Cette grève des avocats est donc une sorte d’appel clair à l’endroit des militaires au pouvoir », selon Paul Kiemdé joint par lesnouvellesdafrique.info.
Le juriste explique que « c’est tout à fait normal que les avocats se mobilisent pour faire quelque chose pour leur collègue de telle sorte qu’il n’y ait pas trop de dérives autoritaires surtout que cela concerne directement un avocat. Si c’était un citoyen ordinaire, la dérive autoritaire serait pire».
De nombreux autres analystes burkinabè sous anonymat s’accordent à dire que cette grève est un « moyen qui peut contribuer à contrer les velléités de dérives autoritaires » du pouvoir militaire.
« Ce que les avocats réclament, c’est le respect des textes et l’exécution des décisions de justice par l’Etat burkinabè à l’égard de toute personne », insiste le juriste Paul Kiemdé.
Celui-ci rappelle que la grève des avocats consiste à «dénoncer également des arrestations arbitraires et des enlèvements de personnalités qui ne « respectent aucune procédure légale ».
En clair, les juristes pointent du doigt les méthodes utilisées par la junte sous la direction du capitaine Ibrahim Traoré pour faire taire toute opposition interne permettant au chef de la junte, qui vient de se voir accorder une période de transition de 5 ans, selon les conclusions des assises nationales organisées par les militaires, de s’accrocher au pouvoir au motif de la lutte contre les groupes armés.
Réaction de l’Union africaine
Selon la commission de l’UA, l’usurpation du pouvoir et les modifications constitutionnelles dans les pays dont les dirigeants cherchent à rester indéfiniment aux affaires « créent des vides qui sont exploités par les groupes terroristes et les extrémistes violents.
Ces deux phénomènes menacent les fondements démocratiques et la sécurité des pays africains, selon une déclaration du Département des Affaires politiques, de la Paix et de la Sécurité de la Commission de l’UA.
Les régions les plus touchées par ces deux phénomènes sont la Corne de l’Afrique, le Sahel et l’est de la République démocratique du Congo. Ces territoires enregistrent des milliers de déplacés et de réfugiés.
« Ces conflits sont aussi alimentés par des acteurs extérieurs qui déstabilisent les pays africains et entravent leurs progrès vers une paix durable ».
De nombreux pays d’Afrique notamment dans le Sahel sont convoités par certains pays et ces tensions géopolitiques ont des répercussions négatives qui exacerbent les défis sécuritaires sur le continent.
Au Sahel, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont tout récemment annoncé leur retrait de la Cédéao pour créer l’Alliance des pays du Sahel tout en se tournant résolument vers la Russie qui déploie des soldats et des experts militaires appartenant à l’ancien groupe de mercenaires Wagner, baptisé désormais Africa Corps.