Un gouvernement de transition civil et en exil pour le Mali a été annoncé le 25 mai 2024 par le « panel des démocrates maliens ». La structure rassemble des personnalités maliennes d’opposition ayant fui le Mali et qui contestent la légitimité du gouvernement de transition actuel. Dans cet entretien exclusif, Cheick Mohamed Chérif Koné, le Premier ministre du gouvernement de transition civil dénonce l’usurpation du pouvoir par les militaires putschistes maliens.
Lesnouvellesdafrique.info : Bonjour M.Koné.
Cheick Mohamed Chérif Koné : Bonjour.
Lesnouvellesdafrique.info : Pourquoi ce gouvernement en exil ?
Cheick Mohamed Chérif Koné : Ce n’est absolument pas un rassemblement de personnalités maliennes d’opposition en fuite. Il n’y a aucune personnalité politique dans ce gouvernement. Aucun membre du gouvernement n’est en fuite et aucun ne fait l’objet de plainte ou de poursuite judiciaire, contrairement aux membres de la junte militaire au pouvoir.
C’est le gouvernement qui est en exil, mais ses membres ne sont pas des exilés. Nous sommes un rassemblement de patriotes sincères et nous dénonçons la légitimité du gouvernement actuel du fait qu’il se maintient illégalement au pouvoir par la force des armes en remettant en cause les acquis démocratiques et la forme républicaine de l’État, toutes dérives autoritaires qui donnent droit au peuple à la désobéissance civile en vue de les préserver.
Ce sont tous les partis politiques et toutes les associations qui comptent dans le pays qui contestent la légitimité de ce pouvoir depuis la fin de la transition le 26 mars et pour faute de président de la République démocratiquement élu par le peuple. C’est encore la Cour constitutionnelle qui a reconnu le vide juridique et institutionnel au Mali depuis cette date, même si elle s’est confondue dans un rétropédalage en affirmant que ce vide n’avait pas de répercussions sur le bon fonctionnement des pouvoirs publics.
En réaction contre les démocrates qui ont dénoncé l’illégalité et l’illégitimité du pouvoir en place en exigeant le retour à l’ordre constitutionnel par une nouvelle architecture institutionnelle, les autorités de fait n’ont eu d’autre solution que de semer la terreur avant de prendre un décret anticonstitutionnel interdisant jusqu’à nouvel ordre les activités des partis politiques et à caractère politique des associations.
N’ayant pas d’autre marge de manœuvre à l’interne, les démocrates entendant s’assumer pleinement contre les velléités de retour à la dictature militaire ont trouvé juste de s’organiser à partir de l’extérieur en vue d’imposer aux putschistes, dont le bilan est catastrophique, le retour à l’ordre public républicain, avec l’aide de la communauté internationale. Ce sont ces considérations qui expliquent ce gouvernement en exil, prêt à se mettre au travail.
Lesnouvellesdafrique.info : Vous dénoncez un pouvoir militaire qui veut s’incruster au pouvoir. Mais, en décidant de créer ce gouvernement en exil, est-ce que vous n’êtes pas aussi du côté de l’illégalité.
Cheick Mohamed Chérif Koné : Absolument pas, mais bien au contraire, au regard de la Constitution. Notre Constitution est sans équivoque sur le respect des acquis démocratiques, notamment les libertés et droits fondamentaux. Aussi, interdisant de façon péremptoire toute remise en cause de la forme républicaine de l’État, elle donne le droit au peuple à la désobéissance civile lorsqu’elle est menacée par des dérives de quelques gouvernants indélicats.
C’est ce devoir constitutionnel que nous sommes en train d’assumer en toute responsabilité.
Le Mali ne vivant pas en vase clos et étant lié par des engagements internationaux, aucune disposition constitutionnelle n’interdit de poursuivre à l’extérieur du pays les actes tendant à la préservation de la forme républicaine de l’État, laquelle passe nécessairement par le retour du Mali à l’ordre constitutionnel lui permettant de retrouver sa place dans le concert des nations démocratiques.
Le peuple qui a opté de façon irréversible pour la démocratie et la forme républicaine de l’État est aujourd’hui plus en phase avec ce gouvernement en exil qu’avec le régime tortionnaire. Un simple sondage de l’opinion publique nationale permet de s’en convaincre. Il n’y a plus une seule couche de la société qui supporte encore ces militaires putschistes accrochés au pouvoir politique, lesquels n’ont apporté au peuple que misère, désolations, insécurité et désespoir.
Nous sommes en plein travail. Ce ne sont pas les intimidations de quelques magistrats instrumentalisés ou des menaces de poursuite qui pourraient détourner des démocrates et républicains convaincus de leur objectif, à savoir le retour du Mali à l’ordre constitutionnel par une transition civile sans commune mesure avec celle ayant lamentablement échoué avant même de connaître son terme le 26 mars 2024.
Notre première démarche consistera à convaincre la communauté internationale de ne plus reconnaître tant ces autorités de fait sans droit, ni mandat, que les organes mis en place ou qui seraient en place par leurs soins, désormais disqualifiés à parler ou à agir au nom de la République du Mali.
Lesnouvellesdafrique.info : Le procureur du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité a averti que les personnalités impliquées dans la mise en place de ce gouvernement en exil s’exposent à des poursuites pour atteinte au crédit et à la sûreté de l’État. N’avez-vous pas peur ?
Cheick Mohamed Chérif Koné : Le Mali est un État de droit. Nous ne voyons pas sur quelle base juridique l’on poursuivrait pour atteinte au crédit de l’État des citoyens dont les actions sont conformes à la Constitution. Ce qui donne encore droit au peuple à la désobéissance civile lorsque la forme républicaine de l’État est remise en cause par quelques gouvernants, situation dans laquelle le Mali se trouve d’actualité du fait des colonels putschistes décidés à confisquer le pouvoir politique par des méthodes proscrites et par les armes.
S’il y a des citoyens à poursuivre pour atteinte au crédit de l’État, ils ne peuvent être autres que les auteurs de putsch et de coup d’État, qualifiés de crimes imprescriptibles contre le peuple malien.
Lesnouvellesdafrique.info : Quelles sont les actions que vous comptez mener ?
Cheick Mohamed Chérif Koné : Les populations maliennes souffrant déjà, ont exprimé leur désaccord à voir les militaires se maintenir au pouvoir après le 26 mars, date qu’ils avaient eux-mêmes unilatéralement fixée comme marquant définitivement la fin de la transition au Mali.
Les partis politiques et les associations qui ont pris la responsabilité de dénoncer le vide juridique et institutionnel ont vu leurs activités interdites jusqu’à nouvel ordre. C’est donc à partir de l’extérieur du pays que les Maliens pourront se faire entendre par la communauté internationale. Outre des correspondances en vue de notre reconnaissance en tant que seul gouvernement désormais habilité à parler au nom du Mali, nous préparons des missions en direction de cette communauté internationale à laquelle nous demanderons de rappeler les putschistes au respect des engagements internationaux pris par le Mali.
Lesnouvellesdafrique.info : Bénéficiez-vous du soutien de la communauté internationale ?
Cheick Mohamed Chérif Koné : Cela sera fonction du sérieux de nos arguments et de la légitimité de nos objectifs eu égard au droit interne et au droit international. Nous estimons que cela ne tardera pas à venir si la communauté internationale fait preuve d’objectivité, ne serait-ce qu’en refusant de reconnaître des autorités de fait en place au Mali, sans droit ni mandat depuis le 26 mars 2024.
*Cheick Mohamed Chérif Koné
Premier Ministre du gouvernement de la transition civile du Mali en exil.
Ancien Premier avocat général près la Cour Suprême
Coordinateur général des organisations de l’appel du 20 février pour sauver le Mali
Chevalier de l’Ordre National.