Le Togo a inauguré mardi (21.05.24) sa Cinquième République consécutive à la prise de fonction des députés élus pour un mandat de 6 ans. Sur les 113 députés, 107 députés étaient présents. L’opposition qui a fait la politique de la chaise vide représente au sein de cette nouvelle Assemblée nationale, à peine 5% des députés. La démarche de l’opposition qui a n’a été à tous les rendez-vous politiques pour manifester son mécontentement, n’est pas sans conséquence.
Louis Magloire Keumayou est journaliste et directeur de la chaine New World Économie TV et analyste et chroniqueur sur différentes plates-formes d’informations sur des sujets portants sur l’Afrique et en dehors. Dans cet entretien, il décrypte les erreurs politique de l’opposition qui ont conduit à concrétisation des volontés politiques du parti UNIR au pouvoir.
Lesnouvellesdafrique.info : Bonjour Louis Magloire Keumayou.
Louis Magloire Keumayou : Bonjour.
Lesnouvellesafrique.info : La cour suprême du Togo a publié ce mardi les résultats définitifs des élections régionales du 29 avril dernier, confirmant une large victoire du parti Union pour la République (UNIR), le parti du Président Faure Gnassingbé. Que peut-on dire des résultats de ces élections très contestés par l’opposition ?
Louis Magloire Keumayou : Le fait est que le Togo est engagé depuis 2017 dans un processus de décentralisation dont ces élections vont représenter l’apogée. L’élection a donné une majorité écrasante voire obèse au parti UNIR mais c’est aussi le signe que quelque part l’opposition a failli dans certaines régions y compris dans certaines villes comme Aného et la capitale Lomé qui ont été gagnés par UNIR. Ce qui est historique dans la vie politique du pays. Mais maintenant il s’agit d’avancer vers l’instauration de ce régime parlementaire qui devrait désormais régir la vie du Togo.
Lesnouvellesdafrique.info : Donc une voie inéluctable qui doit définitivement être acceptée par l’opposition ?
Louis Magloire Keumayou : Il n’y a aucune chance que des recours soient encore acceptés. Tous les recours ont déjà été rejetés. La proclamation définitive des résultats a eu lieu. Donc aujourd’hui, nous sommes dans une situation de vie normale des institutions politiques. Les résultats ont été proclamés, sur 113 sièges, l’opposition en a eu 5 et elle ne peut pas prétendre plus que ça. Elle a démissionné pendant une bonne partie du processus de campagne politique. Avant cela, elle avait déjà brillé par son absence lors des élections pour la précédente mandature. Donc la seule personne qu’on peut critiquer ici, c’est peut-être l’opposition qui a pratiqué cette politique de la chaise vide qui fait qu’une partie de l’opinion publique n’a pas été entendue.
Elle (l’opinion. NDLR) n’a pas pu faire entendre sa voix surtout lors de ces élections parce qu’il y’a eu un mot d’ordre pour que les gens ne s’inscrivent pas sur les listes électorales, ensuite pour que les partis ne prennent pas part aux élections. Et donc, nous ne sommes que dans une conséquence logique de ces actions qui ont été prises par l’opposition et qui font aujourd’hui la part belle à l’Union pour la République (UNIR), le parti au pouvoir au Togo.
Lesnouvellesdafrique.info : Si l’opposition a péché quelque part, est-ce que pour autant le président Faure Gnassingbé est irréprochable parce qu’un 3e mandat lui aurait été interdit, l’opposition l’accuse de contourner cet obstacle pour rester au pouvoir. Qu’en pensez-vous ?
Louis Magloire Keumayou : Je crois que nous sommes sur un logiciel de la vie politique togolaise qui n’a pas été actualisé par certains acteurs, notamment ceux de l’opposition. Si vous voulez, si le président Faure Gnassingbé s’était appelé autrement que Gnassingbé, je suis pas certain que les critiques qui lui sont adressé aujourd’hui auraient la même pertinence que celles qui lui sont adressées dans la discussion au quotidien.
Le fait est que, quand on est un acteur politique, on doit être conséquent. Les élections sont faites pour que l’on renouvelle le personnel politique. Et si l’on boycotte une élection, cela ne signifie pas que les décisions qui seront prises, à la suite de ces élections-là ne s’appliqueront pas à nous. Or, les acteurs de la vie politique de l’opposition ont boycotté les élections de la précédente mandature. Aujourd’hui que cette mandature ait pris des décisions, elles s’appliquent aussi à l’opposition. Et je rappelle que l’idée d’avoir un régime parlementaire ne date même pas d’aujourd’hui.
Elle a déjà fait florès pendant la conférence nationale en 1992 et les personnes qui défendaient l’idée d’un régime parlementaire, ce sont ceux qui aujourd’hui sont contre ce régime parlementaire là. Donc par moment, il faut se poser la question de savoir si sur le plan du discours politique, il y a de la cohérence et de la pertinence.
Enfin, nous sommes aujourd’hui dans un contexte qui n’est peut-être pas favorable à l’opposition parce que la réforme aboutit à des élections dans un contexte où l’opposition est complètement décapitée. Messan Agbéyomé Kodjo est décédé, en exil. Le père Pedro qui était aussi un des prescripteurs moraux de l’opposition est décédée à l’étranger. Salifou Tikpi Atchadam qui avait secoué le pays en 2017 est à l’étranger. Et les opposants qui sont restés au pays n’ont pas aujourd’hui la même capacité de mobilisation qu’avant. Quelque part cela, c’est le lieu d’une suprématie de UNIR pendant ces élections.
Mais ça sera pas éternel. Il faudra bien qu’en un certain moment qu’il y ait une autre force politique qui vient se positionner comme un challenger de UNIR.
C’est le temps qu’il faudra aujourd’hui pour l’opposition de se reconstruire et de se lancer dans une bataille qui lui permettra d’être un challenger sérieux face à UNIR et pourquoi pas un candidat à remplacer UNIR dans les prochaines années aussi bien à l’assemblée que dans le Sénat, pourquoi pas à la présidence de la République.
Lesnouvellesdafrique.info : Plusieurs figures de l’opposition ne sont plus présentent dans le champ politique togolais. Aujourd’hui, quelle est la stratégie que l’opposition doit peaufiner pour pouvoir s’imposer politiquement alors que le régime parlementaire profite au parti UNIR ?
Louis Magloire Keumayou : Aujourd’hui, ça profite à UNIR mais je crois que dans un cas où l’opposition togolaise arriverait à s’opposer non pas à elle-même, c’est-à-dire à s’entredéchirer dans des querelles fratricides ; si elle arrivait à unir ses forces pour combattre le parti UNIR qui est au pouvoir, cela changerait la donne sur le plan politique.
Même si UNIR garde la majorité à l’assemblée et qu’il y a une opposition sérieuse et forte en face d’elle, cela obligerait les représentants de UNIR à davantage de créativité et à davantage de responsabilité dans leur choix politique. Je crois que la bataille n’est pas perdue et que dans les prochaines élections, connaissant les enjeux, certains acteurs vont taire leurs egos et s’unir pour se mettre dans le sens des intérêts non pas de partis mais des populations togolaises. Car, la vie chère aujourd’hui est une réalité au Togo.
Il faut arriver à résoudre cette équation. Quand la ménagère va faire ses courses au marché, je crois qu’elle en a pas pour son argent, elle en a pas pour l’ensemble des personnes qu’elle nourrit dans son foyer. Et, il faut régler le sujet. Il y a des enjeux d’existence.
Le Togo est devenu un pays de services et il faut que cela profite aussi au pouvoir d’achat des togolais. Je crois que c’est cela le véritable enjeu. L’enjeu pour moi n’est plus celui d’opposer un parti à un autre mais d’arriver à faire en sorte que le jeu politique tel qu’il se fait profite à la qualité de vie des citoyens sur le territoire.
Lesnouvellesdafrique.info : Merci Louis Magloire Keumayou
Louis Magloire Keumayou : Merci à vous.
A K. COULIBALY