Une liberté de presse confrontée à de multiples maux

Les soldats de l’information ont eux aussi une journée qui leur est dédiée. Une tribune qui leur sert à mettre en exergue leurs maux. Etre plus indépendant dans la liberté d’expression, mieux mettre en relief des conditions de travail, le plus souvent décrites comme précaires. Partout dans le monde, des journalistes sont souvent brimés, malmenés, détenus arbitrairement ou pire tués dans l’exercice de leur profession. 2023 marque une hausse alarmante du nombre de journalistes tués dans des zones de conflits.

L’alerte de l’UNESCO

Un communiqué de l’Organisation des Nations Unies  indique une année particulièrement meurtrière pour les journalistes qui travaillent dans ces zones.

Selon l’organisation, le nombre a presque doublé par rapport aux trois dernières années.

L’UNESCO dénombre 38 journalistes et professionnels des médias qui ont été tués dans l’exercice de leurs professions dans des pays en conflit, contre 28 en 2022 et 20 en 2021. Des meurtres liés aux conflits en cours au Moyen Orient.

Elle signale 19 décès en Palestine 3 au Liban, 2 en Israël. L’Afghanistan, le Cameroun, la Syrie et l’Ukraine enregistre au moins deux meurtres chacun.

Meurtres non élucidés

Au Cameroun, l’assassinat de Martinez Zogo avait provoqué une onde de choc et créé un énorme scandale d’État.

Le célèbre journaliste enlevé le 17 janvier 2023 à Yaoundé dans la capitale a été retrouvé mort cinq jours plus tard. Son corps nu atrocement mutilé.

Arsène Salomon Mbani dit Zogo dénonçait dans son émission sur la radio Amplitude Fm de présumés affaires de corruption qui touchaient des proches du président Paul Biya

 

Après plus d’un an, l’affaire suscite toujours des interrogations sur la véritable identité des meurtriers notamment pour le syndicat des journalistes du Cameroun.

Ailleurs, ce sont des agressions physique et ou détentions arbitraires.

RSF, le porte voix des journalistes

En septembre 2023, Reporters sans frontières (RSF) a saisi le groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire de Stanis Bujakera Tshiamala. Le journaliste est détenu puis placé sous mandat de dépôt, pour avoir publié un article qui parlait d’un rapport attribué à l’Agence nationale de renseignements(ANR) contesté par les autorités congolaises.

En effet, il dévoilait la responsabilité de soldats de l’état -major des renseignements militaires dans la mort de l’ancien ministre des transports Chérubin Okende.

Au Sénégal, des détentions arbitraires de journalistes aux fermetures de médias ont constitué de véritables entraves à la liberté de presse.

Une liberté en recul au Sénégal ?

En Août 2023, le directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF alertait sur les nombreuses détentions du journaliste Pape Alé Niang. Il parlait de lui comme étant la cible des autorités en raison de son travail journalistique et de son ton critique.

A plusieurs reprises, le directeur du site d’informations Dakar matin est interpellé trois fois en l’espace de quelques mois entre janvier, juillet et août . Son tort : un live sur facebook pour le compte du média pour avoir commenté l’arrestation de l’opposant politique Ousmane Sonko.

Les atteintes à la liberté de la presse, c’est aussi la suspension des programmes de la chaîne de télévision privée Walf TV au Sénégal. 30 jours sans émettre, pour avoir couvert et diffusé des images de manifestations dans le pays au lendemain de la condamnation à deux ans de prison de l’opposant Ousmane Sonko. Elle est qualifiée d’acharnement sur un media qui s’est vu à deux reprises coupé son signal et retiré sa licence de télévision.

Précarité

La journée mondiale de la liberté de la presse c’est aussi la lutte pour des conditions idoines de travail des professionnels des médias.

Souvent dans le continent, la situation des soldats de l’information est jugée précaire en tout cas au Sénégal la presse est prise entre mille maux.

D’après une étude de la convention des Jeunes Reporters du Sénégal (CJRS) en marge de la journée internationale de la liberté de la presse, une association de professionnels des médias qui œuvre dans la formation initiale et continue de ces derniers, rares sont les professionnels des médias qui arrivent à vivre décemment de leur métier.

Les patrons de presse se sucrant sur le dos de leurs employés qui pourtant fournissent un travail remarquable souvent au péril de leurs vies.

L’implication des syndicats

Le secrétaire du Synpics (syndicat des professionnels de l’information et de la communication) section Sénégal, attire l’attention sur la liberté première du journaliste qui est celle de vivre décemment de son métier notamment avoir une liberté sociale.

Bamba Kassé est d’avis que la liberté sociale du journaliste et du technicien des médias doit être une réalité : c’est-à-dire faire son travail normalement et être payé en conséquence.

Pour lui, tant qu’on assistera à cet état de fait nous serons toujours confrontés à une sorte de liberté sur le papier mais pas dans le fond. Celle-ci étant la porte d’ouverture à tout type de manœuvre, de tentatives de corruption.

Le secrétaire du Synpics pense qu’il faut qu’elle soit une réalité afin de parler de liberté de la presse.

En effet, beaucoup d’entreprises du secteur sont en deçà d’une bonne conformité avec la législation du travail.

Le secrétaire général du syndicat des professionnels de l’information et de la communication souligne la nécessité de l’application de la convention collective pour les médias publics et pour ceux du privé en conformité avec la loi et le code du travail.

Des médias censurés

Au Burkina, en fin avril, le conseil supérieur de la Communication a suspendu sept médias de diffusion de leurs programmes de télévision pour deux semaines. Il leur est reproché la diffusion d’éléments audiovisuels et un article qui accuse l’armée burkinabè d’exactions sur des populations civiles au nord du pays. Des faits que l’ONG Human Rights Watch dans un communiqué a condamné, le qualifiant de » graves ».

Viabilité économique des entreprises de presse

A Dakar, (Sénégal), deux grands groupes de presse privée notamment E media et Gfm ont déposé des revendications sur la table de leurs directions durant ce mois d’avril 2024.

Pour le premier c’est à travers un communiqué qu’ils annoncent une grève virtuelle de 72h pour alerter l’opinion sur leurs difficultés : retard et cumul de paiement de salaires notamment.

La direction générale a réagi expliquant que ces difficultés étaient liées à la conjoncture socio économique qui place les médias dans une mauvaise posture non sans avoir affirmé œuvrer sans relâche pour un retour à la normale.

En Guinée, le syndicat de la presse privée a saisi l’occasion de la fête du travail (mercredi 01 mai) pour dénoncer la restriction dont les médias font l’objet depuis plusieurs mois. Des radios sont brouillées, des chaînes de télé et des journalistes suspendus. La dernière en date, la mesure de suspension de la Haute Autorité de la Communication (HAC) du journaliste Mamoudou Babila Keita le 28 avril. Certaines chaînes de radios et télés brouillées ont dû fermer et envoyer leurs personnels en congé technique comme Évasion et FIM.

La loupe de RSF

Le classement de Reporters sans frontières pour 2024 démontre une profession sous pressions politiques.

Parmi les cinq indicateurs qui composent le score des pays, l’indicateur politique est celui qui baisse le plus en 2024.

Le Mexique est tête des pays où les journalistes meurent le plus dans l’exercice de leurs fonctions : 37 ont été tués ses six dernières années.

Cependant quelques points positifs sont quand même notés.

Bamba Kassé, reconnaît une légère avancée en la tenue des assises des médias en accord avec l’état du Sénégal.

En effet, pendant huit mois, des professionnels des médias, la société civile, des religieux se sont penchés sur les écosystèmes des médias pour poser le problème sur les contraintes qui plombent le secteur.

Avant d’ajouter la nécessité d’une loi portant accès a l’information qui bloque la liberté d’investiguer du journaliste , loi qui tarde à être adoptée.

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