Le déclenchement du conflit il y a sept mois au Soudan a conduit à « la convergence d’une calamité humanitaire qui s’aggrave et d’une crise catastrophique des droits humains. La situation au Darfour est préoccupante avec des bébés qui meurent dans les hôpitaux, des enfants et des mères souffrant de malnutrition sévère et des camps de personnes déplacées entièrement incendiés.
Près de neuf millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire et des rapports suggèrent que quelque 4.000 personnes ont été prises pour cible et tuées en raison de leur appartenance ethnique. Le Collectif Urgence Darfour tire la sonnette d’alarme. Dans cet entretien avec lesnouvellesdafrique.nfo, son président, Dr Jacky Mamou alerte sur la situation catastrophique qui prévaut au Soudan.
Lesnouvellesdafrique.info : Bonjour Dr Jacky Mamou
Dr Jacky Mamou : Bonjour.
Lesnouvellesdafrique.info : Quelle est la situation humanitaire actuelle au Soudan ?
Dr Jacky Mamou : La situation humanitaire au Soudan est catastrophique, il y a urgence absolu. Selon l’ONU, 18 millions de personnes font face à une Insécurité alimentaire grave. 730 milles enfant souffrent de mal nutrition aigu tandis que 8 millions de personnes ont été déplacés. Ce sont des chiffres très importants, sans doute les plus importants au monde en ce moment. Les marchés et les stocks alimentaires sont pillés.
Le système de santé est en grande partie détruit. Les enfants meurent de dénutrition, faute de vaccin. Les femmes sont victimes de viol. Des villages sont brûlés, des milliers de morts enregistrés. Des centaines de milliers de soudanais tentent de trouver refuge au Tchad, en Égypte ou au Sud Soudan voisin. Cette situation rappelle les pires heures du Darfour.
Lesnouvellesdafrique.info : L’ONU avait évalué à près de 4 milliards de dollars en besoin d’aide humanitaire ? Quel est l’état des lieux ?
Dr Jacky Mamou : Face à cette situation épouvantable, l’ONU essaie de réagir comme elle peut. Elle estime 4 milliards de dollars les sommes nécessitant d’être réunies pour financer une aide humanitaire. Une conférence des pays donateurs en faveur du Soudan s’est tenue à Paris il ya quelques jours. Cette conférence a permis de réunir 2 milliards de contributions. C’est un succès très encourageant mais encore très loin des 3,8 milliards des fonds nécessaires, dans un pays qui est absolument dévasté par cette guerre civile impitoyable. Alors, la réelle difficulté ce n’est pas seulement de collecter de l’argent. Ce qui important et indispensable même.
C’est que l’accès humanitaire est difficile. Il est rendu dangereux et dans certaines zones impossible en raison des combats et à l’absence d’accords entre les belligérants pour un cessez-le-feu. Tout progrès humanitaire substantiel est illusoire.
Lesnouvellesdafrique.info : Depuis près de 20 ans le conflit perdure au Darfour. Qu’est-ce qui l’explique ?
Dr Jacky Mamou : Oui il faut constater qu’au sujet du Darfour, 20 ans après la région brûle toujours. Cet incendie de toute une région a gagné maintenant l’ensemble du Soudan. La communauté internationale qui avait essayé de se mobiliser n’a pas su imposer un processus de paix stable au Darfour. Et du coup les pyromanes restent les mêmes. Ce sont les forces armées soudanaises, c’est-à-dire l’armée régulière dirigée par le général Al Burhan et les forces de soutien rapide menée par le général Hemidti. C’est un ancien chef Janjawid, la milice armée des tribus nomades arabes du Darfour qui la transformée en une véritable armée grâce aux subsides de différents trafics et sa conquête des mines d’or.
Donc les deux (les forces armées soudanaises et les forces de soutien rapide) s’affrontent pour un pouvoir absolu au Darfour, en particulier qui est la région d’origine de l’un des protagonistes, le chef milicien Hemidti. Aujourd’hui la région est à feu et à sang car il y a un processus de purification ethnique qui continue. Certains parlent même de génocide. C’est-à-dire que les tribus nomades arabes se sont alliés aux milicien d’Hemidti et provoquent des exactions contre les populations civiles qui fuient. Beaucoup sont morts.
Dans certaines parties du Darfour, par exemple, il y a eu toute une population civile de la tribu massalite (massalite (10 milles à 15 milles personnes) qui ont été massacrées par les miliciens. Il s’agit de massacres cibles en particulier sur toutes les élites de cette population. Toute l’aspiration à plus de démocratie et de partage des richesses à été toujours combattue par les protagonistes, Al Burhan et Hemidti qui, je rappelle, étaient alliés l’année dernière pour réprimer les darfouris et la société civile qui aspiraient à un peu de liberté et de démocratie.
Lesnouvellesdafrique.info : Quelles pourraient être les pistes de solutions pour ce conflit ?
Dr Jacky Mamou : Vous savez, la communauté internationale semble paralysée face au caractère énorme de la crise des déplacés et de la famine galopante alors que les regards sont tournés vers l Ukraine et Gaza. L’ONU et ses agences humanitaires ont été défaillantes jusqu’à maintenant pour endiguer la chaos. Les initiatives diplomatiques s’accumulent mais gagneraient à se rassembler pour plus d’efficacité. Le droit international est bafoué et malgré les engagements des deux protagonistes, les exactions contre les civiles continuent. Je crois que la communauté internationale devrait imposée des sanctions plus importantes sur les responsables.
La circulation des armes continue un élément qui ne règle pas la situation. Il n’y a pas d’embargo sur les armes au Soudan parce que les Émirats Arabes Unis et le groupe russe Wagner qui lorgnent les mines d’or appuient les miliciens des forces de soutien rapide d’Hemidti et l’armée régulière, elle, reçoit des armes égyptiennes et des drones iraniens.
Donc un embargo est indispensable. Par ailleurs, il faut encourager tous ces volontaires qui sont sur le terrain pour venir en aide aux populations. Ils organisent une solidarité de proximité, des soupes populaires, des soins de santé de base. Le président français Emmanuel Macron l’a d’ailleurs souligné lors de la conférence de Paris, il y a quelques jours. Ces volontaires doivent aussi être aidés matériellement car ils sont les seuls espoirs d’un changement vers la paix, la démocratie et un état de droit pour toutes les souhaites et tous les soudanais quelle que soit leur appartenance religieuse, politique ou ethnique.
Lesnouvellesdafrique.info : Me Dr Jaky Mamou
Dr Jacky Mamou : Merci à vous !