Les pays du Franc sont encore loin de la réforme du Franc Cfa, pourtant annoncée en 2019 avec la fermeture des comptes d’opérations auprès du Trésor public français. L’économiste Ndongo Samba Sylla soutient que la tutelle de Paris prévaut toujours sur la monnaie.
La Réforme historique du Fcfa, mettant fin à des décennies de domination française n’a pas été effective quand elle a été annoncée en 2019. Dans un entretien avec « le media », le spécialiste de la Françafrique estime que la fermeture des comptes d’opérations auprès du Trésor public français n’est qu’une mascarade. « Dans les faits, une bonne partie de ces réserves n’a jamais quitté les caisses de Paris », assène-t-il, dénonçant le manque de transparence criant.
Ce n’est pas tout, l’économiste qualifie la réforme de simple « opération de communication ». La domination monétaire de la France sur le franc cfa devrait prendre fin avec le remplacement de cette monnaie par l’Eco. Une promesse qui s’est enrayée face aux réticences de pays non-francophones comme le Nigeria.
Pour Ndongo Samba Sylla, le statu quo perdure tant que la France conserve un rôle de « garant » sur la nouvelle monnaie ouest-africaine, avec une parité fixe inchangée face à l’euro. « C’est toujours la tutelle de Paris qui prévaut », tranche-t-il.
La jeunesse africaine face au Fcfa
Ces faux-semblants peinent à convaincre une partie de la jeunesse africaine, qui voit dans le « nouveau » CFA un symbole néocolonial à abattre. Une fronde s’organise d’ailleurs au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso et au Niger pour l’avènement de véritables monnaies nationales ou régionales affranchies de l’influence française.
Face à ces vents de révolte monétaire, Sylla met en garde : « La France n’a économiquement rien à perdre à maintenir le système actuel ». Et d’appeler les dirigeants africains à concevoir dès à présent des modèles économiques souverains, seule condition pour qu’une future réforme monétaire ait un sens.
Le régime du Président Bassirou Diomaye Faye prend très au la question de la monnaie inscrite comme l’une des réformes majeures dans le volet économie de son programme avec la création d’une monnaie locale si une dynamique communautaire ne venait pas à être impulsée.
« Toutes les élites sont convaincues qu’il y a un problème avec cette monnaie et qu’il faut qu’on assume nos responsabilités pour aller vers autre chose », déclarait mi-mars le nouveau Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko. Abandonner le franc CFA, c’est l’une des promesses de campagne du président Bassirou Diomaye Faye.
Les défenseurs du franc CFA estiment, en général, que le niveau reflète bien le niveau de compétitivité prix dans la région. Tandis que les pourfendeurs du franc CFA avancent que ce niveau est surévalué. »
« Nous devons de manière autonome nous approprier notre monnaie, avoir nos propres institutions, la garantir par nous-mêmes », déclarait le nouveau Premier ministre Ousmane Sonko en janvier 2023.
Deux options s’offrent à la nouvelle équipe au pouvoir au Sénégal, dont une sortie collective, selon Martial Ze Belinga, économiste et sociologue, auteur de Sortir l’Afrique de la servitude monétaire – A qui profite le franc CFA ?
« La première option est une sortie par la monnaie communautaire. Dans son schéma initial, c’est la monnaie de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest, qu’on appelle la Cédéao. Cet espace, créé en 1975, s’est fixé pour objectif d’avoir une monnaie commune. Il se trouve que dans ces quinze pays, il y a huit pays qui utilisent le franc CFA.
Comme il y a déjà un projet de monnaie commune et que le Sénégal fait partie à la fois d’une union douanière avec les pays qui utilisent le franc CFA, mais une union douanière avec les pays d’Afrique de l’Ouest, il leur paraît logique de sortir du franc CFA pour aller dans un mouvement collectif vers une monnaie qui serait une monnaie de la CEDEAO », avance l’économiste.
A.K. Coulibaly