Face aux délestages récurrents et à la montée de la grogne sociale, le président guinéen cherchait à s’attacher les services du géant turc de l’énergie, Karpowership. Alors que les négociations étaient sur le point d’aboutir, Conakry s’est retrouvé dos au mur. Explications.
La nouvelle devait illuminer le quotidien des Guinéens en ce premier trimestre de 2024. Promise par le Premier ministre, Bah Oury dès sa prise de fonction le 27 février dernier, l’arrivée d’un bateau producteur
d’électricité de la société turque Karpowership n’aura finalement pas lieu. Elle devait régler la pénurie d’électricité qui plonge Conakry dans l’obscurité depuis plusieurs semaines.
Lors d’une adresse à la presse le 16 mars, le Premier ministre avait pourtant affirmé que les discussions entre les autorités et l’entreprise pour l’arrivée d’un navire au large du Port Autonome de Conakry (PAC) étaient bien avancées. Alors quelles sont les raisons qui ont poussé le général Mamadi Doumbouya, président de la transition, à renoncer in extremis aux services de la centrale flottante turque ?
Une caution de 20 millions de dollars
Selon nos informations, ce rétropédalage est purement lié à des considérations financières. Le groupe turc basé à Dubaï, aurait en effet exigé de la part de la Guinée, un compte séquestre de 20 millions de dollars pour déployer ses services à Conakry. Une somme que l’État guinéen et Électricité de Guinée (EDG), la compagnie nationale d’électricité, n’ont pu honorer faute de moyens.
Pour l’heure, en Guinée, l’État se trouve dans l’impasse. Laye Sékou Camara, le directeur général d’EDG, limogé mi-mars, ainsi que ses deux adjoints, Fodé Soumah et Abdoulaye Koné, n’ont pas été remplacés.
De plus, les marges de manœuvre du nouveau ministre de l’Énergie, de l’Hydraulique et des Hydrocarbures, Aboubacar Camara sont réduites.
« EDG fait face à un déficit structurel, on vend l’électricité moins cher qu’au prix d’achat », confie un cadre du secteur. Selon nos informations, l’État doit par ailleurs environ 250 millions de dollars à Kaléta et près de 500 millions de dollars d’arriérés à Souapiti.
Ces deux barrages de concession finalisés sous la présidence d’Alpha Condé devaient rendre la Guinée autonome en énergie.
Le DG de CWE à Conakry
L’ouvrage de Kaléta, d’une capacité de 240 mégawatts (MW), a coûté 446 millions de dollars et financés conjointement par l’État guinéen à hauteur de 25 % et par China Exim Bank pour les 75 % restants.
Exécuté pour un montant de 1,4 milliard de dollars (1,2 milliard d’euros) par China International Water and Electric Corporation (CWE) qui appartient au groupe China Comm construction co – également maître d’œuvre du barrage de Kaléta – , l’ouvrage hydroélectrique de Souapiti a lui une capacité de 550 MW.
Toujours selon nos informations, le directeur général de CCCC, Wang Haihuai, est actuellement à Conakry pour s’entretenir avec Mamadi Doumbouya. Avec une créance d’impayés pour environ 800 millions de dollars, le groupe chinois tente de mettre la pression sur Conakry pour qu’il rembourse sa dette.
Source : Jeune Afrique