A un an de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, certains gros bonnets de la classe politique se déclarent déjà. C’est le cas de l’ex-président, Laurent Gbagbo. Chassé du pouvoir avec l’aide de la France en 2011 par une rébellion, il compte le reconquérir. Un objectif dont il est apparemment sûr d’atteindre. Suite à l’annonce de sa candidature, Geoffroy Julien Kouao, un de ses proches collaborateurs, a accordé une interview exclusive à notre rédaction. Nous vous la proposons ci-dessous:
Nouvellesdafrique : Bonjour Geoffroy-Julien Kouao. L’ex-président ivoirien et opposant Laurent Gbagbo, inéligible, a accepté d’être candidat à l’élection présidentielle de 2025. Le PPA-CI n’a-t-il pas mis la charrue avant les bœufs ?
Geoffroy-Julien Kouao : Cette candidature annoncée de Laurent Gbagbo va dans le sens que les responsables du PPA-CI, depuis sa création le 17 octobre 2021, disaient clairement à qui voulait les entendre que leur candidat naturel était Laurent Gbagbo. Ils affirmaient qu’il n’y avait pas d’alternative à la candidature de Laurent Gbagbo en 2025. Et donc, c’est dans cette dynamique que Laurent Gbagbo a accepté d’être candidat pour l’élection présidentielle de 2020.
Évidemment, vous le soulignez bien, le problème, c’est de savoir s’il est éligible au regard de son statut pénal. Certes, Laurent Gbagbo a été disculpé au niveau international, mais au niveau national, il fait toujours l’objet d’une condamnation de 20 ans d’emprisonnement dans l’affaire du braquage de la BCEAO à Abidjan.
Laurent Gbagbo a certes bénéficié d’une grâce présidentielle, mais la grâce n’efface pas la condamnation et il est toujours privé de ses droits civils et politiques. Et donc, c’est dans cette dynamique que Laurent Gbagbo annonce sa candidature. Tout va dépendre maintenant du rapport de force qu’il saura établir entre eux, entre lui et Alassane Ouattara d’ici 2025.
Nouvellesdafrique : Vous parlez de rapports de force. Quelle chance a-t-il de se faire réinscrire sur la liste électorale ivoirienne, justement ?
Sur le plan politique, il doit d’abord chercher à réconcilier la gauche ivoirienne, c’est-à-dire convaincre Affi N’Guessan du FPI, Simone Gbagbo du Mouvement des jeunes capables et Charles Blé Goudé, du Cojep de le rejoindre et ensemble de former une coalition assez forte.
Ensuite, il se doit de convaincre le PDCI-RDA de Tidjane Thiam de le soutenir dans sa tentative de réinscription sur la liste électorale.
C’est dans cette perspective que certainement, Alassane Ouattara pourrait peut-être lui accorder une mesure d’amnistie.
Est-ce que ce ne serait pas aussi un désavantage justement pour le PDCI ou encore pour Simone Gbagbo ou Blé Goudé ? Est-ce que Laurent Gbagbo ne devrait pas plutôt compter sur ses propres forces ?
Oui, c’est là toute la problématique. Mais il ne peut pas compter sur ses propres forces parce qu’il est fragilisé. Aujourd’hui, le PPA-CI est l’ombre de lui-même et on l’a vu lors des dernières consultations électorales. Il n’a pas du tout pesé lourd parce que son électorat était constitué par les partisans de Simone Gbagbo, de Charles Blé Goudé et d’Affi N’Guessa, dans une certaine mesure.
Aujourd’hui, Alassane Ouattara peut se targuer d’un bon bilan économique avec la victoire des éléphants tout récemment à la CAN et avec un certain nombre de réalisations sociales.
Il a même remporté de façon écrasante toutes les dernières élections au niveau régional et local et même sénatoriales. Et donc Alassane Ouattara a les faveurs des pronostics. Et il est évident que si ce rapport de forces est toujours à son avantage, je vois très mal le parti au pouvoir accordé une amnistie à Laurent Gbagbo, qui est certes diminué, mais qui a quand même une légitimité historique qui peut bousculer en 2025 dans les urnes Alassane Ouattara et le RHDP.
Oui, mais on parle de réconciliation en Côte d’Ivoire. Est-ce que vous ne pensez pas que le Président Alassane Ouattara pourra initier une loi d’amnistie qui pourrait profiter justement à Laurent Gbagbo afin de lui permettre de se présenter à cette élection présidentielle en 2025 ?
Je pense que s’il n’y a pas de rapport de forces en défaveur de M. Ouattara, il ne le fera pas lui-même. Lors de la gouvernance de Laurent Gbagbo, par exemple, Alassane Ouattara a bénéficié d’une mesure exceptionnelle pour être candidat parce qu’à cette époque, le rapport de force était en faveur de M. Ouattara. Vous savez, en politique, tout dépend du rapport de forces. Et actuellement, le rapport de force est à l’avantage d’Alassane Ouattara qui a l’ambition de rempiler pour une deuxième fois sous la troisième République. Je ne vois pas comment il ferait la passe à un adversaire redoutable comme Laurent Gbagbo.
Pensez-vous que les Ivoiriens sont disposés à lui offrir un quatrième mandat ?
Du strict point de vue du droit, il est éligible au regard de la décision du Conseil constitutionnel. Alassane Ouattara peut être candidat en 2025. Maintenant, est-ce que les Ivoiriens vont lui accorder un autre mandat supplémentaire ? C’est au peuple ivoirien d’en décider. Je pense que le plus important aujourd’hui, c’est d’organiser un jeu électoral totalement ouvert, où tous ceux qui veulent être candidats puissent l’être. Je pense à Soro Guillaume, je pense à Laurent Gbagbo, je pense à Charles Blé Goudé. Et encore, il faudrait que ces élections-là soient extrêmement transparentes pour permettre au peuple ivoirien de départager une fois pour toute, tous ces gladiateurs politiques au niveau national.
Est-ce que Laurent Gbagbo peut unir l’opposition ivoirienne ?
Il faut qu’il y ait d’abord de la volonté politique. Pour le moment, il ne l’affiche pas, mais je pense que c’est possible puisque ce sont ses anciens camarades et qu’ils partagent beaucoup de choses. Et donc, il peut le faire s’il y a la volonté politique. Parce que seul face à Tidjane Thiam et à Alassane Ouattara, je pense que ces chances sont maigres. Il part certainement pour une candidature de témoignage.