Sénégal : « Macky Sall a maintenant trois options », selon Ibrahima Kane, d’OSIWA

Les réactions continuent au Sénégal après que le Conseil constitutionnel a annulé le décret qui reporte l’élection présidentielle. Selon Ibrahima Kane, chercheur à la Fondation « Open Society Initiative for West Africa (OSIWA) », le président Macky n’a plus que trois options pour sortir le pays de la crise politique qu’il traverse.

 

Nouvellesdafrique.info : Bonjour M. Ibrahima Kane. Dans son arrêt rendu public jeudi (15.02.24), le Conseil constitutionnel dit que la date du 25 février arrêtée pour l’élection présidentielle ne pourra pas être respectée et que, par conséquent, il demande à ce que l’administration sénégalaise propose une nouvelle date dans « les meilleurs délais » mais pas dans « les plus brefs délais ». N’est-ce pas une nuance non négligeable ?

Ibrahima Kane : Cela veut dire que, à partir d’aujourd’hui, l’administration doit se retrouver pour discuter en son sein de toutes les mesures qui doivent être prises pour qu’il y ait une bonne élection dans le mois à venir. Et à partir de ce moment-là, l’administration pourra proposer une date. Le Conseil constitutionnel déterminera ainsi ce qu’il y a lieu de faire.

Dans son arrêt, le Conseil constitutionnel a cependant ajouté, et c’est ça qui est important, que, dans tous les cas, le président Macky Sall ne pourra pas rester au pouvoir au-delà du 2 avril.

Donc, si la nouvelle date proposée par l’administration permet de respecter tous les délais pendant la durée du mandat de Macky Sall, donc au plus tard le 1er avril, on pourra faire une passation. Dans le cas contraire, cela n’est pas possible, et cela veut dire qu’à la date du 2 avril, Macky Sall est obligé de partir du palais. Et la vacance du pouvoir sera constatée par le Conseil constitutionnel parce que c’est la seule institution en mesure de constater la vacance du pouvoir.

Et à partir de ce moment-là, c’est le président de l’Assemblée nationale qui va succéder à Macky Sall et rester dans les trois mois qui suivent jusqu’à l’élection du nouveau président. C’est bien cela ?

Oui. Et le président de l’Assemblée nationale procédera donc à la remise du témoin au nouveau président élu. Parce que n’oubliez pas que l’élection sénégalaise se passe généralement à deux tours. Donc, s’il n’y a pas de candidat élu au premier tour, il faudra donc organiser un deuxième tour. Et c’est probablement ce qui va se passer au vu du grand nombre de candidats.

Nouvellesdafrique.info : Mais est-ce que cet arrêt du Conseil constitutionnel n’ouvre pas la voie, pour le Président Macky Sall, d’engager des discussions politiques avec l’ensemble des partis politiques qui ne sont pas aussi forcément d’accord avec cette décision rendue par les Sages du Conseil constitutionnel ? En d’autres termes, est-ce que cela ne prendrait pas du temps ?

 

Ibrahima Kane : Alors, plusieurs options se présentent à Macky Sall. Lui-même avait dit qu’il attendait de voir la décision du Conseil constitutionnel pour se prononcer. Vous savez, quand vous êtes le président de la République, une décision pareille, ça peut vous pousser à la démission. Parce que le décret que vous avez pris a été annulé.

La loi qui vous avez autorisé a été annulée. Il faut en tirer les conséquences avant qu’une décision vraiment importante ait été prise contre vous. Ainsi vous pouvez démissionner. Et je pense que depuis hier, le président a commencé à y réfléchir parce qu’il a reçu un des candidats à l’élection présidentielle, le candidat Mamadou Lamine Diallo. C’est la première option.

La deuxième option qui est la plus réaliste. Et j’imagine que les discussions, en cours en Casamance, tournent autour de ce qui doit être fait pour non seulement ramener la paix et la sérénité, mais aussi permettre une organisation assez sereine de l’élection présidentielle, puisqu’il est encore président de la République.

Il peut arrondir les angles avec les politiciens et trouver une solution à la crise. Je le dis d’autant plus que depuis hier, il y a eu une vague de libération de ce qu’on a appelé les détenus politiques. Et j’imagine que ces libérations-là vont se continuer jusqu’à peut-être à celle d’Ousmane Sonko et de ses amis les plus proches, comme l’actuel candidat de son parti à l’élection présidentielle.

Donc ça, c’est également une option qui est sur la table et de mon point de vue, c’est l’option la plus réaliste dans le contexte actuel.

Mais il y a aussi une option beaucoup plus radicale pour le président de la République, c’est d’aller procéder à la libération de tout le monde et de dire maintenant, c’est à vous d’organiser l’élection présidentielle, puisque moi, je ne suis plus un acteur indispensable. C’est à vous en tant qu’acteurs politiques de vous entendre, d’arrêter une date et de proposer cette date au Conseil constitutionnel pour la tenue du scrutin présidentiel.

C’est d’ailleurs ce que préconise le protocole de la Cédéao qui dit que dans le cas où il y aurait des problèmes de cette nature, c’est la classe politique qui, sentant qu’il y a un consensus autour des étapes futures et ce consensus-là, devient la règle.

Nouvellesdafrique.info : Et donc, on est dans ces trois cas de figure ?

Exact. Je pense que le président Macky Sall s’adressera peut-être à la Nation, aujourd’hui ou demain, pour tirer toutes les leçons de la décision du Conseil constitutionnel comme il l’avait dit. Reste à savoir ce qu’il va lui-même décider.

Nouvellesdafrique.info : Merci M. Kane.

Ibrahima Kane : Je vous en prie.

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