Suspendue depuis le coup d’État du 26 juillet, la participation du Niger aux opérations militaires de la Force multinationale mixte fait l’objet de négociations entre les États riverains du lac Tchad. En parallèle, l’UE et l’UA ont déployé de nouveaux financements au profit des autres armées de la région.
Alors que les tractations se poursuivent entre chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et la junte nigérienne, un autre canal de discussion s’est ouvert entre les militaires du Nigeria et ceux de son voisin du Nord. Au siège du commandement du secteur 4 de la Force multinationale mixte (FMM), situé à Diffa au Niger, le colonel nigérien Ali Ouedraogo s’est discrètement entretenu, la semaine dernière, avec un officier de liaison de la Nigerian Army, afin de tenter de rétablir la communication entre les contingents déployés.
Cette force militaire conjointe, chargée de lutter contre les groupes armés djihadistes dans la région du lac Tchad, est composée des armées du Niger, du Nigeria, du Cameroun, du Tchad et du Bénin. Mais la participation de Niamey est de facto suspendue depuis le 26 juillet et la prise de pouvoir du général Abdourahmane Tchiani. Malgré le coup d’État, le Niger ne s’est pas retiré de la FMM. Pour autant, l’armée nigérienne ne communique plus avec le centre de commandement, basé à N’Djamena, au Tchad, et dirigé depuis le 14 juillet 2023 par le général nigérian Ibrahim Sallau Ali.
Interdiction de franchir la frontière
La FMM tente cependant de minimiser la situation, niant par la voix de son porte-parole, le lieutenant-colonel Abubakar Abdullahi, tout retrait du Niger de cette opération militaire, placée sous mandat de l’Union africaine (UA) et composée d’environ 10 000 hommes. Un constat que ne partage toutefois pas le secrétaire général des Nations unies (ONU), le Portugais Antonio Guterres, et son représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (Unowas), le Mozambicain Leonardo Santos Simão.
Le rapport d’activité de l’Unowas, soumis au Conseil de sécurité de l’ONU et daté du 2 janvier, dénonce notamment le retrait du Niger. Niamey a ainsi interdit aux « soldats de la Force multinationale mixte basés à Mallam Fatori (Nigeria) de franchir la frontière et au commandant de la Force [le général Ibrahim Sallau Ali] de se rendre au Niger ». Par ailleurs, le colonel Ali Ouedraogo n’est plus autorisé à « faire ses rapports au quartier général de la Force ».
Inquiétude de Bruxelles
Outre l’ONU, cette situation inquiète également l’Union européenne (UE), principal partenaire financier de la FMM via la Facilité européenne pour la paix (FEP). Une délégation de fonctionnaires de Bruxelles est attendue cette semaine dans la capitale tchadienne afin, notamment, de clarifier la situation sur la position du Niger. L’UE a débloqué, au profit de cette force conjointe, 70 millions d’euros entre mars 2021 et mai.
Depuis janvier 2024, Bruxelles a en outre lancé un nouveau programme d’assistance, d’un budget de 40 millions d’euros, au profit des forces armées de la FMM. Le projet, d’une durée de deux ans, a été confié à l’opérateur parapublic français Défense Conseil International (DCI). Celui-ci vise à fournir des équipements militaires non létaux, d’observation et de renseignement (ISR), des drones ou encore des capacités nautiques aux contingents qui surveillent les abords du lac Tchad. Le projet consiste également à construire des infrastructures de sécurité dans la zone.
DCI avait notamment été retenu en juin 2023 par l’UE pour armer les hélicoptères d’attaque de l’armée de l’air nigérienne. Un projet avorté quelques semaines plus tard par le coup d’État qui a provoqué la fin de la coopération militaire française au Niger.
Situation sécuritaire tendue
Les troupes de la FMM ont réussi, ces dernières années, à obtenir plusieurs victoires sur les groupes armés présents dans la région, dont l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap) et son mouvement rival Boko Haram. La mise en retrait du Niger, qui a aussi annoncé le 2 décembre quitter la force conjointe du G5 Sahel, pourrait porter un coup majeur dans la lutte contre le terrorisme autour du lac Tchad.
La situation sécuritaire tendue est pourtant parfaitement connue au sein du ministère de la défense nigérien, dirigé par l’ancien chef d’état-major des armées, le général Salifou Modi. Ce dernier a nommé le colonel Mamane Sani Kiaou, ancien commandant du secteur 4 de la FMM, chef d’état-major de l’armée de terre. Son adjoint, le colonel Abdourahmane Abou Zakata, a quant à lui occupé le poste de commandant de la zone 5 de ce même secteur 4, située autour de la ville de Diffa, dans l’extrême sud-est du Niger. Contacté par Africa Intelligence, Mamane Sani Kiaou n’a pas souhaité commenter la décision du Niger de suspendre sa participation à la FMM.
Source : Africa Intelligence