La suppression de cette loi par les autorités militaires de transition apparaît comme une réponse aux sanctions annoncées par Bruxelles. S’il est trop tôt pour évaluer exactement les premières répercussions, il est évident qu’en abrogeant cette loi qui visait en particulier les passeurs, la junte nigérienne a décidé de ne plus coopérer avec Bruxelles qui a rapidemment réagi à cette décision. Alors que le Parlement a encore exigé, la semaine dernière, la libération du président Mohamed Batoum, la Commissaire européenne chargée des Affaires intérieures, Ylva Johansson, s’est estimée préoccupée par cette décision de la junte au pouvoir à Niamey.
« Je suis très préoccupée par la situation actuelle et il y a un risque énorme que cela provoque de nouveaux décès dans le désert », martèle Ylva Johansson.
En abrogeant la loi sur la criminalisation des migrants, Niamey veut forcer les pays européens à desserrer l’étau autour des militaires qui ont renversé le président Mohamed Bazoum, considéré toujours par l’UE comme le président légitime du Niger.
En 2015, celui-ci s’était désolidarisé de ses homologues de l’Union africaine pour soutenir la proposition de Bruxelles de créer des « plateformes de regroupement régionales » à l’extérieur de l’Europe, pour enregistrer les demandeurs d’asile.
La mesure visant essentiellement la viille d’Agadez qui était le principal transit des migrants subsahariens en partance pour l’Europe via la Libye. Selon les chiffres officiels du gouvernement nigérien, cette mesure s’était accompagnée à l’époque d’une baisse importante des candidats à l’exil.
L’industrie de la migration
Mais le trafic des migrants avait aussi établi une véritable économie informelle à Agadez. Sa pénalisation avait donc mis un terme à ces activités.
« A l’époque, Agadez vivait de la migration parce que l’économie était boostée par cette activité et ça donnait tout à Agadez » affirme Salifou Manzo, un acteur de la société civile locale. Il se réjouit ainsi de l’abrogation de la loi de 2015. », déclare Salifou Manzo.
Pour Koffi Dove, président de l’Association nigérienne de lutte contre la drogue et l’immigration, souligne que la criminalisation des passeurs s’est traduite par de nouvelles routes moins connues des autorités.
« Avant cette loi, on connaissait les couloirs de passage. On connaissait les routes et les voies d’acheminement des migrants vers la Libye ou vers l’Algérie. Mais avec la loi de 2015, il y a eu de nouvelles voies de contournement, il y a eu de nouvelles pistes », assure-t-il.
Le Niger, qui accueille sur son sol de nombreux migrants et réfugiés de pays voisins, était considéré comme un partenaire clé par l’Union européenne dans la gestion des flux migratoires et la stabilisation de la région.
La loi abrogée le lundi 27 novembre prescrivait des peines « d’un à 30 ans de prison » et « des amendes de trois millions à 30 millions de francs CFA » contre les trafiquants.
Depuis son entrée en vigueur, et avec l’appui financier de Bruxelles, la surveillance des frontières avait été renforcée dans le désert de la région d’Agadez, dernier verrou et important point de transit pour des milliers de ressortissants ouest-africains candidats à l’émigration vers l’Europe.