Au Tchad, le président Mahamat Idriss Deby a prêté serment ce jeudi (23.05.24). Il devient ainsi le premier Président de la 5e République. Plusieurs chefs d’État d‘Afrique et de délégations gouvernementales ont fait le déplacement pour prendre part à l‘investiture de Deby fils.
On notera cependant la présence très discrète des représentants des pays occidentaux comme la France qui avaient adoubé le putschiste Mahamat Deby Itno au lendemain de la mort de son père Idriss Deby Itno. Selon les résultats officiels, le nouveau président a été élu avec 61 % des voix devant son Premier ministre Succès Masra qui n‘a récolté qu‘un peu plus de 18% des voix. Celui-ci a contesté les résultats et a refusé de reconnaître sa défaite.
Evariste Ngarlem Tolde est journaliste et analyste politique tchadien. Dans cet entretien qu‘il a accordé à notre rédaction Lesnouvellesdafrique.info, il estime que les résultats de l‘élection présidentielle du 6 mai sont le reflet de la trahison des autorités de transition à l‘endroit du peuple tchadien.
Lesnouvellesdafrique.info : Après 3 ans de transition, Mahamat Idriss Deby Itno est élu président avec 61 % des voix. Qu’est-ce que cette élection peut signifier pour les Tchadiens ?
Évariste Ngarlem Tolde : Cette élection signifie d’abord la fin de la transition, le retour à l’ordre constitutionnel et un nouveau départ. Il y aura la mise en place de nouvelles institutions qui commence avec l’investiture du président de la République. Le bilan de la transition a été élastique. Parce qu’initialement, c’était pour 18 mois, et on y a ajouté au dialogue 24 mois, et qui devrait prendre fin en octobre. La promesse faite par les militaires était que le gouvernement soit remis entre les mains des civils démocratiquements élus. Aujourd’hui, on constate le contraire parce que c’est le même qui a été élu et est devenu civil.
Les Tchadiens attendaient autre chose. L’Union Africaine avait demandé que les autorités qui ont dirigé la transition ne devraient pas être candidats. Donc, ils ont violé les recommandations du conseil de Paix et de Sécurité. De plus, le dialogue qui a été initié n’était pas inclusif.
Beaucoup de Tchadiens n’y avaient pas pris part. Les participants ont été triés au volet. Le désir de conserver le pouvoir était là dès le début, ils ont juste fait en sorte que les Tchadiens votent.
Lesnouvellesdafrique.info : L’investiture du nouveau président démocratiquement élu met fin à la période de transition de 3 ans. Comment se présente le bilan de ladite transition ?
Évariste Ngarlem Tolde : La situation à la mort du général Idriss Deby était mieux. Tout est aux arrêts avec cette transition. Son bilan ne lui permet pas de gérer le pays.
Lesnouvellesdafrique.info : Après 3 ans de transition, Mahamat Deby Itno est élu avec 61 % des voix. Quelles ont été les failles et les échecs de l’opposition à votre avis ?
Évariste Ngarlem Tolde : C’est une question de leadership. L’opposition est passée en ordre dispersé. Il faut d’abord constater qu’il y a eu en amont des regroupements politiques. Il y a le groupe Gecap, la Fédération de l’opposition démocratique et le bloc fédéraliste.
Il est vrai que pour une candidature unique de l’opposition, les failles de l’opposition étaient d’y aller de manière dispersée en ne proposant pas un seul candidat. Cela a fait le bonheur de la coalition Tchad Uni. Mais il faut reconnaître que cette élection n’a pas livré tous ses secrets.
Les sondages au sortir des bureaux de vote et même les pronostics donnaient l’avantage au président des Transformateurs. Les résultats ont été donnés au moment où tous les procès verbaux ne sont pas parvenus à l’Agence nationale de gestion des élections. La victoire n’est pas issue des urnes. C’est une élection falsifiée.
Lesnouvellesdafrique.info : Au regard des 3 ans de transition qu’il a assurés, Mahamat Idriss Deby Itno sera-t-il en mesure de porter le Tchad sur la voie du développement ?
Évariste Ngarlem Tolde : le président a montré ses limites. Jusqu’au moment où je vous parle, on n’a pratiquement pas d’énergie, pas d’eau, le panier de la ménagère subit les coups de la vie, les routes sont impraticables, l’école n’en parlons pas. Les magistrats, les huissiers, tous ont des problèmes.
Donc, avec ce bilan, je ne pense pas qu’il puisse bien gérer la Cinquième République qui commence. J’ajouterai la hausse du prix du carburant qui a fait que tous les prix sont passés du simple au double.
Il est juste là pour obéir à ses oncles paternels qui lui dictent sa conduite. Les autres aspects n’intéressent pas le président Mahamat Idriss Deby. Pour une simple proclamation des résultats, on fait sortir toute l’armée pour intimider jusqu’à en tuer la population.
Lesnouvellesdafrique.info : Son ancien Premier ministre Succès Masra est arrivé 2e à l’élection présidentielle. Comment se présente son avenir politique ?
Évariste Ngarlem Tolde : il va regagner l’opposition. Il n’a ni félicité ni assisté à l’investiture du président de la République. Ce qui montre qu’il a rompu avec le système. Il a su montrer son poids lors de l’élection. Mais aura-t-il de l’aura et l’attention du public ? Mais il pourra remonter la pente. J’espère qu’avec les élections locales, régionales, provinciales qui se profilent, il pourra faire un meilleur score.
Lesnouvellesdafrique.info : M. Evariste Ngarlem Tolde, merci.
Évariste Ngarlem Tolde : Merci à vous.
Ndeye Mour Sembene