L’écrivaine française Maryse Condé est morte à l’âge de 90 ans, après une vie de combat pour sa liberté et d’exploration des identités antillaise et noires.
Voix reconnue de la littérature francophone, elle s’est éteinte dans son sommeil à l’hôpital d’Apt, dans le sud-est de la France, a indiqué à l’AFP son mari, le Britannique Richard Philcox.
Née à Pointe-à-Pitre, en Gaudeloupe, le 11 février 1934, Maryse Condé a traité dans une trentaine de livres, principalement des fictions, l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora, l’héritage de l’esclavage et les identités noires.
« J’ai toujours travaillé avec elle dans ses différentes maisons d’édition et j’étais profondément admiratif de son rayonnement, de son courage. Elle a donné l’envie à énormément d’écrivains de se lancer et de combattre avec elle », a déclaré son éditeur, Laurent Laffont.
« La Grande Dame des Lettres mondiales, Maryse Condé, tire sa révérence, nous léguant une oeuvre portée par la quête d’un humanisme fondé sur les ramifications de nos identités et les fêlures de l’Histoire », a écrit l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou sur X.
Pour avoir vécu dans plusieurs pays d’Afrique (Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée et Sénégal), Maryse Condé critiquait les limites du concept de « négritude » proposé par le Martiniquais Aimé Césaire et le Sénégalais Léopold Sédar Senghor.
« Il n’y a cependant aucune raison d’être fier d’appartenir à telle ou telle race. Je remets en question le fait que la Négritude perpétue la notion que tous les noirs sont pareils. C’est une attitude totalement raciste héritée en fait des blancs qui croient que tous les nègres se ressemblent », disait-elle dans un entretien avec la revue américaine Callaloo en 1989.
Ayant toujours eu le désir d’écrire, elle n’a pu s’y consacrer véritablement qu’à l’approche de la quarantaine.
Avant cela, cette fille de la classe moyenne de Guadeloupe, qui se décrivait comme une enfant gâtée par ses parents, a traversé de nombreuses épreuves à partir de son arrivée à Paris pour ses études, en 1953.
La perte de sa mère, en 1956, à qui elle n’a pas pu dire au revoir, le racisme, l’échec de son mariage avec le Guinéen Mamadou Condé, les conditions rudimentaires dans lesquelles elle a élevé ses quatre enfants l’ont marquée.
Grâce à son nouveau compagnon rencontré au Sénégal, Richard Philcox, qui deviendra son mari et traducteur, elle réalise sa vocation, l’écriture, en quittant l’Afrique en 1970. Elle se lance aussi dans un doctorat de lettres à Paris. Sa thèse, soutenue en 1976, s’intitule « Stéréotype du noir dans la littérature antillaise Guadeloupe-Martinique ».
Après des pièces de théâtre, elle obtient la consécration comme romancière grâce à « Hérémakhonon » en 1976, où la narratrice antillaise ne trouve que la désillusion en Afrique.
Son grand succès en librairie est « Ségou », fresque en deux tomes (1984 et 1985) sur le déclin de l’empire bambara, au Mali, du XVIIIe siècle jusqu’à l’arrivée des colonisateurs français.
Elle retourne ensuite vivre en Guadeloupe, où elle est milite pour l’indépendance, avant d’être recrutée par plusieurs universités américaines, pour lesquelles elle enseignera la littérature française, tout en publiant régulièrement.
De 1995 à 2005, elle dirige le Centre d’études francophones de l’université de Columbia à New York. Elle devient alors une figure intellectuelle aux Etats-Unis, pays qu’elle quitte définitivement en 2013, pour passer sa retraite dans un village du Luberon, Gordes, dans le sud-est de la France.
Son oeuvre en a fait l’une des prétendantes au prix Nobel de littérature, qu’elle n’obtiendra pas. En 2018, on lui décerne à Stockholm le « nouveau prix de littérature », remis cette année-là par une « Nouvelle Académie » qui prend la place de l’Académie suédoise, engluée dans un scandale de violences sexuelles non dénoncées.
Avec les Agences