Alors que Didier Deschamps a déclaré avoir une idée assez claire de la liste de joueurs qu’il emmènera à l’Euro 2024, la sélection allemande, que l’équipe de France affronte en match amical samedi, est toujours en plein chantier.
Depuis 10 jours, la sélection allemande a connu deux petites révolutions. La plus récente, celle du changement d’équipementier avec le passage chez Nike en 2027, annoncé jeudi, après plus de 70 ans de partenariat avec la marque nationale, Adidas. L’autre, celle du « ménage de printemps » comme l’a qualifiée Der Spiegel, avec l’annonce de la liste de Julian Nagelsmann pour les matchs amicaux contre la France, samedi 23 mars, puis contre les Pays-Bas. Le sélectionneur a décidé de se passer de nombreux cadres de l’équipe nationale, pour faire de la place à six nouveaux joueurs, à trois mois de l’Euro que l’Allemagne organisera.
« On n’est plus au premier niveau en Europe », s’alarmait Rudi Völler, directeur sportif au sein de la Fédération allemande, après la cuisante défaite de la Nationalelf (le onze national), contre le Japon en septembre dernier (1-4). En 2023, l’Allemagne a en effet connu une année très compliquée, avec 6 défaites en 11 matchs, et pas nécessairement contre des nations de premier plan, pour 3 victoires, dont celle contre la France en match amical (2-1) et 2 matchs nuls. « Ça n’a pas été seulement une année difficile, mais cinq depuis le Mondial en Russie », affirme Oliver Hartmann, rédacteur en chef de Kicker, magazine de football allemand. L’équipe allemande a en effet été éliminée dès la phase de poules des Coupes du monde en Russie et au Qatar, et en huitièmes de finale de l’Euro 2020.
« Bouleversement est un mot faible » pour qualifier la liste des convoqués par Julian Nagelsmann
Pour remédier à cela et espérer ne pas subir le même sort à domicile cet été, Julian Nagelsmann a été nommé sélectionneur en octobre, en remplacement d’Hansi Flick. Une décision jugée « trop tardive » par Oliver Hartmann. Le jeune technicien ne comptera en effet que 8 matchs sur le banc de l’Allemagne au début de l’Euro. « Nagelsmann n’a plus beaucoup de temps et doit trouver un groupe compétitif et un onze de départ. Il n’y a que très peu de certitudes, comme avec le retour de Toni Kroos, qui ne sort pas de sa retraite internationale pour rester sur le banc. Il y a trois chantiers principaux : trouver une défense qui tient la route, trouver un joueur pour accompagner Kroos au milieu, et savoir qui faire jouer avec Florian Wirtz et Jamal Musiala en attaque », analyse Ali Farhat, journaliste spécialiste de foot allemand pour le média allemand DW et So Foot.
Alors que le chrono tourne jusqu’à l’ouverture de l’Euro, Julian Nagelsmann n’a pas fait de demi-mesure au moment de bousculer son effectif. « Bouleversement est un mot faible », selon Der Spiegel, pour qualifier la dernière liste du jeune sélectionneur, qui a mis au placard de nombreux cadres et appelé six nouvelles têtes. Mats Hummels, Niklas Süle, Julian Brandt, Leon Goretzka ou encore Robin Gosens n’ont pas été convoqués, au profit de joueurs qui n’évoluent pas nécessairement dans les plus grosses équipes de Bundesliga, excepté Aleksandar Pavlovic (Bayern Munich) : Maximilian Mittelstädt, Waldemar Anton et Deniz Undav (Stuttgart), Maximilian Beier (Hoffenheim), et Jan-Niklas Beste (Heidenheim). « Il ne s’agit pas d’avoir les 20 meilleurs des clubs les plus célèbres, mais les 20 qui s’entendent le mieux », a justifié le sélectionneur.
« L’équipe nationale est sur une pente descendante, et beaucoup de cadres étaient là par leur statut et ne se remettaient pas en question. C’est une équipe qui s’est reposée sur sa réputation. Des joueurs ont pris pour acquise leur place en sélection. Nagelsmann a pris le problème à bras le corps. Il fait des essais avec les joueurs qui sont en forme », résume Ali Farhat. « Je pense qu’il effectue trop de changements, tempère toutefois Oliver Hartmann. Ce qui est intéressant, c’est qu’il prend les joueurs qui sont actuellement les plus en forme en Bundesliga. Mais aucun d’entre eux n’a d’expérience internationale et ils ont très peu de temps pour atteindre le niveau requis pour un championnat d’Europe. Je suis sûr que Deschamps n’en prendrait aucun des six. »
« Un quart de finale serait déjà très bien »
Malheureusement pour Julian Nagelsmann, la phase de tests ne se passera pas tout à fait comme prévu durant cette trêve internationale, puisque Jan-Niklas Beste et Aleksandar Pavlovic, forfaits, ne pourront finalement pas honorer leur première sélection, et qu’il devra aussi se passer de Leroy Sané, suspendu, et de Serge Gnabry, qui revient de blessure. Peu de signaux sont donc au vert, ce qui n’amène pas un grand vent d’optimisme en Allemagne, qui se trouvera dans la poule de l’Ecosse, de la Hongrie et de la Suisse à l’Euro. « Le président de la fédération déclare publiquement qu’il veut que son équipe atteigne les demi-finales. Mais Nagelsmann a répondu qu’il était possible d’avoir un tournoi réussi même en perdant en quarts, à condition d’avoir montré de belles choses sur les premiers matchs », explique Ali Farhat.
Du côté des supporters, le son de cloche est le même. Sont-ils optimistes pour leur équipe à quelques mois de « leur » Euro ? « Pas du tout, répond, en rigolant, Oliver Hartmann. Un quart de finale serait déjà très bien. »Ironisant sur le niveau de leur sélection nationale, les fans allemands ont même élu Emre Can joueur de l’année 2023, pour montrer qu’aucun joueur n’avait été bon, alors que ce dernier, milieu défensif, n’a pris part qu’à six rencontres, dont 4 défaites, de la Nationalelf l’année dernière. Loin d’être les favoris de leur Euro, les Allemands n’ont plus qu’à rêver à un destin similaire à celui de la Côte d’Ivoire, vainqueure de la Coupe d’Afrique des nations, chez elle, en déjouant les pronostics.