Un ancien ministre et un opposant devenu Premier ministre. Deux parcours opposés, liés par une affaire judiciaire aux lourdes conséquences politiques.
L’affaire dite du PRODAC, opposant Mame Mbaye Niang à Ousmane Sonko, a marqué un tournant décisif dans l’histoire politique récente du Sénégal. La condamnation de Sonko pour diffamation, confirmée par la Cour suprême en janvier 2024, a entraîné son inéligibilité à l’élection présidentielle de mars 2024, redistribuant profondément les cartes du pouvoir.
Mame Mbaye Niang, le technocrate devenu acteur clé du jeu politique
Cadre de l’aviation civile et homme politique sénégalais, Mame Mbaye Niang, né le 29 septembre 1976, est membre de l’Alliance pour la République (APR), parti de l’ancien président Macky Sall. Il a occupé plusieurs postes ministériels stratégiques entre 2014 et 2024.
Il est successivement ministre de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Construction citoyenne (2014-2019), ministre, chef de cabinet du président de la République (2019-2022), puis ministre du Tourisme et des Sports (2022-2024).
En 2022, lors des élections locales, il surprend la scène politique en se présentant à Dakar avec une liste indépendante, “Sénégal 2035”, concurrente de celle soutenue par son propre parti. Une initiative qui alimente les débats, certains y voyant une démarche personnelle tacitement tolérée par le pouvoir.
Sur le plan académique, Mame Mbaye Niang obtient son baccalauréat série D en 1998, puis se forme à l’École africaine de la météorologie et de l’aviation civile, où il devient contrôleur de la navigation aérienne en 2004. Il décroche ensuite un diplôme d’ingénieur technologue à l’Institut africain de management de Dakar en 2007.
Il mène une carrière dans l’aviation civile, notamment au sein de l’ASECNA, avant de présider le Conseil de surveillance de la Haute autorité de l’aéroport Léopold-Sédar-Senghor, puis le Conseil d’administration de l’aéroport international Blaise Diagne.
Son nom reste cependant étroitement lié au procès pour diffamation intenté contre Ousmane Sonko, à la suite des accusations de mauvaise gestion du PRODAC.
Ousmane Sonko, de l’opposant radical au Premier ministre
Né le 15 juillet 1974 à Thiès, Ousmane Sonko est aujourd’hui l’une des figures politiques les plus influentes du Sénégal et actuel Premier ministre. Il étudie le droit public à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, où il obtient une maîtrise en 1999, avant d’intégrer l’École nationale d’administration (ENA), section Impôts et Domaines, dont il sort diplômé en 2001.
Inspecteur principal des impôts, il se fait connaître pour ses dénonciations de pratiques fiscales jugées opaques, ce qui lui vaut une radiation de la fonction publique. En 2005, il fonde le Syndicat autonome des agents des Impôts et Domaines (SAID), qu’il dirige jusqu’en 2012.
En janvier 2014, il crée le parti PASTEF ( Les Patriotes pour le travail, l’éthique et la fraternité ). Élu député en 2017, il se présente à la présidentielle de 2019 et termine troisième, s’imposant comme un acteur majeur de l’opposition. En 2022, il est élu maire de Ziguinchor.
Mais sa trajectoire politique est jalonnée de confrontations judiciaires. En 2021, son arrestation dans une affaire de viol et menaces de mort provoque des manifestations d’ampleur nationale. En juin 2023, il est acquitté des accusations de viol, mais condamné à deux ans de prison pour “corruption de la jeunesse”.
La même année, il est également condamné à six mois de prison avec sursis et 200 millions de francs CFA d’amende pour diffamation dans l’affaire l’opposant à Mame Mbaye Niang. Cette condamnation, confirmée définitivement en janvier 2024, entraîne son exclusion de la présidentielle.
Empêché de concourir, Ousmane Sonko choisit de soutenir Bassirou Diomaye Faye, qui remporte l’élection. Une victoire qui consacre, indirectement, son influence sur la recomposition politique du pays.
Deux hommes, une affaire, un basculement historique
À travers le choc entre Mame Mbaye Niang et Ousmane Sonko, c’est toute la scène politique sénégalaise qui a vacillé. L’un, ancien pilier du régime sortant ; l’autre, figure centrale de la contestation devenue chef du gouvernement. Un face-à-face judiciaire dont l’issue a redessiné le pouvoir au Sénégal.






