Des militaires se présentant comme le Comité militaire pour la refondation (CMR) ont annoncé, le 7 décembre, à la télévision publique avoir destitué le président Patrice Talon. Quelques heures plus tard, les autorités affirmaient que la tentative avait été déjouée, avec des arrestations (une douzaine à quatorze selon les sources) et le retour au calme à Cotonou.
Le Nigeria a mené des frappes aériennes et déployé des troupes à la demande du Bénin, pendant que la CEDEAO ordonnait l’envoi de sa force en attente pour « préserver l’ordre constitutionnel ». Plusieurs médias ont fait état de victimes lors des affrontements, et le lieutenant colonel Pascal Tigri a été cité comme l’un des meneurs en fuite.
Ce qui s’est passé le 7 décembre à Cotonou
Dès l’aube, des coups de feu sont signalés près de la résidence présidentielle et à la télévision nationale. Vers 8 h locales, des militaires annoncent la suspension des institutions, la fermeture des frontières et la nomination de Pascal Tigri à la tête du CMR. Plus tard, le ministre de l’Intérieur assure que la mutinerie a été « mise en échec ». L’UA et la CEDEAO condamnent « sans équivoque » la tentative, la CEDEAO annonçant l’envoi de troupes régionales. Des otages au sein du haut commandement sont libérés dans la nuit suivante
Pourquoi les putschs séduisent (d’abord)
Trois ressorts expliquent les adhésions initiales observées ailleurs dans la région : le Ras le bol face à des élites perçues comme confisquant l’État ; la promesse de sécurité face aux insurgés du Sahel ;
la promesse d’une transition rapide vers des élections « assainies ». Les données d’opinion confirment une tolérance croissante à l’égard d’« interventions correctives » : selon Afrobarometer, 53 % des Africains accepteraient une intervention militaire si des dirigeants élus « abusent du pouvoir », avec une tolérance encore plus élevée chez les 18–35 ans ; le soutien est majoritaire dans des pays désormais sous junte (Mali, Guinée, Burkina). Ces tendances coexistent avec une préférence déclarée pour la démocratie et une forte insatisfaction vis à vis de son fonctionnement.
…et pourquoi elles déçoivent ensuite
Dans le cœur sahélien (Mali–Burkina–Niger), les coups d’État n’ont pas réduit durablement la violence. L’Africa Center for Strategic Studies observe que le Sahel concentre plus de 50 % des tuéries liés au militantisme islamiste en Afrique et que les fatalités y sont 2,5 fois supérieures à 2020 ; les groupes liés à al Qaïda et à l’État islamique étendent leur contrôle de territoires et d’axes stratégiques. ACLED a documenté en 2023 la hausse des attaques, notamment contre des civils au Mali, malgré des promesses de restauration de la sécurité.
Aussi, les indices internationaux et les rapports de terrain soulignent des restrictions sous les juntes (presse, opposition, Internet). RSF décrit au Niger un durcissement (pressions, poursuites, amendement de la loi sur la cybercriminalité rétablissant des peines de prison pour diffamation en ligne), tandis que Freedom House documente depuis 2019 2020 une dégradation en Afrique de l’Ouest : le Bénin est passé de « Libre » à « Partiellement libre ».
Réactions régionales : entre sanctions et assistance
Depuis 2020, la CEDEAO a alterné sanctions sévères (notamment au Niger en 2023 : blocus économique, gel des avoirs, fermeture des frontières) et aide militaire (déploiement au Bénin en 2025). L’efficacité de ces réponses varie selon le rapport de forces et les coûts pour les populations. Les décisions de juillet 2023 contre la junte nigérienne en illustrent les impacts économiques ; à l’inverse, au Bénin, l’envoi d’éléments de la Force en attente vise à dissuader toute contagion.
Le cas béninois : exception fissurée ou alerte passagère ?
Modèle de stabilité depuis le dernier coup d’État réussi en 1972, le Bénin présente toutefois des signaux de crispation : réformes électorales controversées, baisse des scores de libertés publiques, et en novembre décembre 2025, un allongement des mandats présidentiel et législatif de 5 à 7 ans (limite des deux mandats maintenue) — un contexte propice à des fractures au sein de l’appareil sécuritaire.
L’épisode béninois s’inscrit dans une vague où les putschs agrègent colère sociale, insécurité et opportunités intra militaires. Mais ni la sécurité ni la qualité démocratique ne s’améliorent de manière robuste à court/moyen terme ; au contraire, les indicateurs sécurité/presse/droits se dégradent souvent après la prise de pouvoir. La prévention de l’attrait des coups passe par des réponses civilo démocratiques solides : élections compétitives, justice indépendante, réforme du secteur de la sécurité et reddition des comptes — plutôt que par la tentation du raccourci militaire.
B.B







