Près de trois décennies après sa chute, Mobutu Sese Seko continue de diviser la République démocratique du Congo (RDC). Une exposition organisée par sa famille au Musée national de Kinshasa entend « raconter une autre partie de la vérité » sur l’ancien homme fort, qui dirigea le pays d’une main de fer pendant 32 ans. Cette initiative relance un débat sensible sur l’héritage d’un régime marqué par l’autoritarisme et la corruption.
Une mémoire sous cloche
Intitulée « Mobutu, une vie, un destin », l’exposition présente des objets emblématiques : fauteuils dorés, billets du Zaïre, photos officielles. Pour Nzanga Mobutu, fils de l’ancien président, il s’agit de « compléter un récit tronqué » et de donner « des clés » à la jeunesse. Pourtant, les zones d’ombre du régime – assassinats d’opposants, clientélisme, détournements massifs – sont largement éludées, ce qui suscite de vives critiques.
Un système de prédation toujours vivace
Mobutu avait instauré un parti unique et transformé l’État en une machine à piller les ressources. Un responsable administratif l’assure : « Si tu essaies de mettre de l’ordre, le système va te broyer. » La chute du dictateur en 1997 n’a pas brisé ce cycle : la RDC reste l’un des pays les plus pauvres du monde, miné par la corruption et les conflits armés.
Les fractures d’un héritage toxique
Pour l’ancien député Enoch Ruberangabo, Mobutu fut « l’homme du laissez-faire », laissant s’envenimer les tensions communautaires qui alimentent encore les conflits dans l’Est. L’abbé Joseph Mpundu rappelle, lui, le soutien des puissances occidentales, soucieuses de sécuriser l’accès aux ressources. Résultat : un pays sans infrastructures durables, où « cette grandeur reposait sur du vent ».
La tentation de la nostalgie
Malgré ce bilan, une partie de la jeunesse voit en Mobutu un symbole d’unité et de leadership. « Les jeunes, confrontés au chômage et à l’absence de perspectives, idéalisent le passé », analyse Christian Moleka. Dans un contexte de guerre persistante à l’Est, cette nostalgie interroge sur l’échec des élites actuelles à incarner un projet national.
Plus qu’un hommage familial, l’exposition révèle la persistance d’un imaginaire politique où autorité et patriotisme séduisent face à l’instabilité. Mais derrière le vernis doré des fauteuils, le lourd héritage d’un système de prédation continue de miner la RDC.
B.B







