L’ancien président sénégalais entretient le flou autour d’une éventuelle candidature à la succession d’António Guterres. Si ses soutiens régionaux, notamment le président Embaló, se mobilisent déjà, le Sénégal de Bassirou Diomaye Faye aborde ce dossier avec prudence, marqué par les plaies encore vives des violences politiques récentes.
En marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, en septembre 2025, Umaro Sissoco Embaló s’est mué en premier souteneur d’un projet encore officieux : pousser Macky Sall vers le poste de secrétaire général de l’ONU. À coups de rencontres diplomatiques et de apartés dans les couloirs de Manhattan, le président bissau-guinéen plaide pour son voisin sénégalais, vantant « son expérience et sa stature internationale ».
Macky Sall, lui, avance à pas mesurés. Dans un entretien diffusé sur le podcast H5 Motivation, l’ex-chef d’État (2012-2024) a confirmé ne pas écarter la possibilité d’une candidature, mettant en avant son « parcours diplomatique » et sa capacité à dialoguer avec les grandes puissances, de Vladimir Poutine à Barack Obama, d’Emmanuel Macron à Xi Jinping. « Mon expérience, qui va du local au global, devrait me permettre de bâtir une ONU refondée », a-t-il affirmé, esquissant déjà une vision réformatrice de l’organisation.
Un soutien africain à bâtir
Sur le continent, l’idée séduit certains chefs d’État qui voient en Macky Sall une figure de compromis, fort de son passage à la tête de l’Union africaine en 2022-2023. Mais la route reste longue : une candidature africaine au poste de secrétaire général suppose un large consensus régional, rarement facile à obtenir dans un contexte où les ambitions nationales se heurtent souvent.
Dakar dans l’embarras
À Dakar, la perspective suscite cependant plus de malaise que d’enthousiasme. Le président Bassirou Diomaye Faye, arrivé au pouvoir en mars 2024 après une séquence de contestations sociales et politiques marquée par des centaines de morts et de détenus, doit encore gérer les cicatrices des violences qui ont fracturé la société sénégalaise entre 2021 et 2024.
Adouber une candidature de son prédécesseur reviendrait pour lui à solder trop vite un passé douloureux, au risque de brouiller son propre discours de rupture.
Une candidature à double tranchant
Le cas Macky Sall illustre les dilemmes d’une diplomatie sénégalaise en recomposition. Le Sénégal se veut une voix forte pour le continent, mais la candidature de son ancien président peut diviser. En effet, les violences de la fin du règne de Sall continuent de peser, pouvant compliquer toute position officielle.
Néanmoins, l’espoir peut être permis pour l’ancien président du Sénégal. L’article 97 de la Charte des Nations Unies stipule que « le Secrétaire général est nommé par l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité. Cela signifie que, sur le plan strictement juridique, la Charte n’exige pas que le candidat soit formellement présenté ou “porté” par son État d’origine. Elle encadre seulement le processus : recommandation du Conseil de sécurité, suivie de la nomination par l’Assemblée générale.
En revanche, la pratique historique montre presque toujours un appui officiel du pays d’origine. En effet, les candidatures au poste de Secrétaire général ont généralement été soumises par les gouvernements des États dont les candidats sont ressortissants. À titre d’exemple, Kofi Annan (Ghana), Ban Ki-moon (Corée du Sud) ou António Guterres (Portugal) ont tous été appuyés par leurs États respectifs.
En attendant, Macky Sall soigne son image, multiplie les apparitions médiatiques et s’appuie sur des relais régionaux comme Embaló. Reste à savoir si le Sénégal, aujourd’hui sous une nouvelle direction politique, acceptera d’endosser ce rôle de soutien officiel, ou s’il laissera Macky Sall mener sa campagne sans implication directe de l’État.