La Force unifiée de l’Alliance des États du Sahel (FU-AES) a officiellement pris corps au Niger, marquant une nouvelle étape dans la coopération sécuritaire entre Bamako, Ouagadougou et Niamey. Mais si sa mise en place suscite de l’espoir, les défis demeurent considérables. Peut-elle réellement inverser la tendance face à la poussée jihadiste dans la région sahélienne ?
Une naissance symbolique et stratégique
Créée en janvier 2025, la FU-AES est désormais opérationnelle. Son état-major, installé à Niamey sur la base aérienne 101 autrefois occupée par Barkhane, est dirigé par un officier burkinabè, le colonel Éric Dabiré. La force devrait regrouper à terme 5 000 hommes issus des armées malienne, nigérienne et burkinabè.
Déjà, plusieurs opérations conjointes ont été menées et les premiers bataillons sont en place. Le président burkinabè Ibrahim Traoré a confirmé la mobilisation de son armée, annonçant qu’un deuxième contingent est en cours de formation.
Les atouts de la FU-AES
La mise en commun des moyens militaires constitue une avancée majeure pour ces États, jusque-là confrontés isolément à une menace protéiforme. Parmi ses forces, on peut relever une volonté politique affirmée.
En effet, les trois régimes de transition ont fait de la lutte antiterroriste leur priorité et entendent incarner une souveraineté retrouvée après la rupture avec les partenaires occidentaux. S’y ajoute une unité d’action militaire qui veut que le commandement intégré puisse permettre une meilleure coordination des opérations transfrontalières, là où les groupes jihadistes exploitent justement la porosité des frontières. Il faut surtout mentionner la légitimité régionale dont bénéficie les trois alliés. Contrairement aux forces étrangères, la FU-AES repose sur des troupes nationales, mieux connues des populations locales et susceptibles de restaurer la confiance.
Des faiblesses persistantes
Cependant, la FU-AES doit affronter des limites structurelles qui interrogent son efficacité à moyen terme, car disposant d’effectifs et des moyens limités avec seulement 5 000 hommes pour trois pays immenses. Ce qui paraît dérisoire face à des groupes mobiles, bien armés et aguerris. De plus, les forces malienne, nigérienne et burkinabè souffrent d’un déficit de formation, de logistique et parfois de moral, minées par des années de combats et de pertes. Par ailleurs, les trois États sont confrontés à de graves difficultés économiques, peinant à garantir la pérennité des ressources financières nécessaires à une telle force. Pis encore, avec la mise sur pied de la FU-AES, Bamako, Ouagadougou et Niamey pourraient s’éloigner des partenariats traditionnels (ONU, CEDEAO, France, Union européenne). Conséquence : la FU-AES pourrait se priver de soutiens logistiques et technologiques déterminants, malgré la présence croissante de partenaires alternatifs comme la Russie.
Un avenir incertain face à l’ampleur de la menace
En 2024, plus de 6 000 personnes ont péri dans les violences jihadistes au Sahel, faisant de la région l’un des foyers les plus meurtriers du terrorisme mondial. Les groupes affiliés à Al-Qaïda (JNIM) et à l’État islamique (EIGS) se renforcent, étendant leurs zones d’influence jusqu’aux pays côtiers.
Dans ce contexte, la FU-AES représente certes un signal fort de solidarité et d’indépendance, mais son efficacité reste à démontrer. La clé résidera autant dans la capacité militaire que dans la stratégie politique : regagner la confiance des populations, couper les réseaux de financement jihadistes et renforcer la coopération avec les pays voisins.
Entre espoir et scepticisme
La FU-AES apparaît comme une tentative de rupture avec l’échec des dispositifs précédents (G5 Sahel, MINUSMA, Barkhane). Son succès dépendra de sa capacité à durer, à s’adapter et à convaincre qu’une alternative africaine peut émerger. Mais pour l’heure, la question demeure entière : cette nouvelle force pourra-t-elle réellement inverser la dynamique du terrorisme au Sahel ou risque-t-elle de n’être qu’un symbole supplémentaire dans une guerre qui s’éternise ?