Ayant allumé une lanterne en plein jour, il dit : « Je cherche un homme ».
Cette expression rendit immortel le philosophe Diogène le Cynique. Nous sommes vers 413 av. J.-C.
Où est passé Paul Biya ? Nous sommes en 2025.
C’est une question moins philosophique que politique qui fait tilt au Cameroun, dans un contexte électoral brûlant. La campagne est lancée. Le président le plus âgé au monde laisse planer le doute sur sa participation physique, tandis que son entourage et son parti s’activent sans relâche en son nom.
Sur une vidéo censée illustrer ses réalisations dans le pays qu’il gouverne depuis plus de quarante ans, l’Intelligence Artificielle a manifestement joué le jeu. La présidentielle du 12 octobre s’annonce déjà virtuelle, placée sous le signe de l’invisibilité d’un président sortant qui pourrait repousser les limites d’un record mondial de longévité d’un mandat présidentiel depuis l’invention de la démocratie, sur la planète Terre.
C’est peut-être sa stratégie de campagne : briller par son absence ! Le chef d’État le plus âgé au monde, qui veut arracher un 8e mandat le 12 octobre prochain, est invisible. Au pouvoir depuis 1982, Paul Biya a quitté le Cameroun pour un « voyage privé en Europe », a indiqué la présidence dans un communiqué officiel, sans en préciser le lieu exact, la durée ou le motif. Une absence prolongée. Pas ou peu de réponses sur son « Cahier d’un retour au pays natal ». Le chef de l’État, âgé de 92 ans et aux rares apparitions publiques très scrutées, est selon une source diplomatique arrivé à Genève, sa destination favorite depuis plus de 50 ans pour des séjours privés.
Ces semaines d’absence du pays avaient nourri des rumeurs de décès et forcé le gouvernement à publier un communiqué inhabituel pour rassurer la population sur son état de santé. Cette fois-ci, Paul Biya apparaît visiblement en forme dans la vidéo diffusée par la présidence lors de son départ du Cameroun, où il est accompagné de son épouse Chantal et de trois conseillers.
Campagne … à distance !
Le 12 octobre, Paul Biya va tenter de briguer un nouveau septennat présidentiel face à 11 autres candidats. Des rumeurs non confirmées annoncent un meeting de son parti, le RDPC, dimanche à Maroua, dans l’extrême nord du pays. L’opposition, de son côté, multiplie en vain les discussions pour désigner un candidat consensuel. Paul Biya, qui avait annoncé sa candidature le 13 juillet sur X, ne s’est depuis pas directement adressé à ses compatriotes. Cette absence s’explique aussi par son âge et son état de santé.
La campagne électorale a été lancée ce dimanche 28 septembre. Un lancement sans la présence du candidat lui-même. Mais là encore, cela n’est pas un problème selon Laurent Serge Etoundi, ministre et président de la commission départementale de campagne du RDPC pour le centre. « L’essentiel était de lancer la campagne. Il n’y a pas une règle qui oblige les candidats à être obligatoirement à tous les coins où l’on fait leur campagne. » Outre Yaoundé, la machine RDPC s’est déployée ce 27 septembre dans la totalité des 360 communes que compte le Cameroun avec le même message : un plébiscite pour son candidat le 12 octobre.
Élections déjà pliées ?
Outre la proximité de la présidentielle, pour laquelle il part grand favori face à une opposition divisée, son voyage intervient dans un contexte familial tendu. Pour contester le nouveau séjour en Suisse de Paul Biya, une centaine de Camerounais installés en Europe ont manifesté, vendredi dernier, sous une pluie battante devant le siège de l’ONU à Genève. Venu aussi pour dénoncer le rejet de la candidature de l’opposant Maurice Kamto, Laurent se montre résigné face au processus électoral : « On a l’impression que les élections sont déjà pliées et que le candidat Paul Biya sera automatiquement réélu », s’indigne-t-il. Au moment où l’opposition se déchire, le camp de Paul Biya reste confiant pour ce nouveau mandat.
Cette absence du président coûte une fortune au pays. En 2018, un consortium de journalistes enquêtant sur la criminalité économique avait estimé que Paul Biya avait passé 4,5 ans de sa présidence à l’étranger, et en grande partie à Genève, pour un coût de 65 millions de dollars. Mais va-t-il changer une équipe qui gagne sans son meilleur joueur sur le terrain…politique ?